Trois ans après avoir démontré avec MMXII qu'il méritait toujours sa place au panthéon des formations influentes pour les scènes metal et indus, la blague tue toujours mais se montre presque prévisible. Pylon, dernier volet d'une trilogie entamée il y a cinq ans, n'est pas mauvais, on y retrouve tout ce que l'on aime chez la bande à Jaz Coleman et Geordie Walker : voix coléreuse et incantatoire, ambiance froide et inquiétante, riffs tendus et coupés au couteau et section rythmique martiale. L'effet de surprise en moins.
Parfois la perte d'un être cher peut avoir du bon. Cela permet des réunions de famille autour des souvenirs communs que l'on peut avoir avec le disparu déjà. Et ça peut aussi donner envie de renouer pour de bon avec certaines personnes. Ce qui a été le cas pour Jaz Coleman et Geordie Walker, au décès de leur ancien, et légendaire, bassiste Paul Raven en 2007 ils ont décidé de proposer à une de leur première section rythmique de jouer et d'enregistrer de nouveau avec le groupe qu'ils avaient formé ensemble : Killing Joke. C'est ainsi que le bassiste, et producteur, Youth et le batteur Paul Fergusson ont retrouvé les rangs de cette formation culte qui parle autant à ceux qui ont connu l'avènement du post-punk que l'explosion du rock/metal industriel. Histoire de rendre hommage à ce bon vieux Raven (ah ce superbe « The King Raven » rempli d'émotion sur Absolute Dissent) mais aussi de renouer avec l'inspiration des débuts.
Sont alors sortis deux très bons disques : Absolute Dissent en 2010 et MMXII deux ans plus tard qui démontraient que le line up historique de Killing Joke avait toujours des choses à dire. Le temps que Jaz Coleman fasse encore des siennes en s'enfuyant, sans donner de nouvelles pendant plusieurs jours à son entourage, au Sahara durant l'été 2012 et quelques concerts que la formation se remit au travail. Et voici donc Pylon qui sort le 23 octobre 2015 chez Spinefarm Records. Précisons qu'il s'agit du dernier volet d'une trilogie entamée avec Absolute Dissent.
Premier constat à l'écoute de ce nouvel album : le poids des années (voire des excès) ne semble pas avoir pesé sur les capacités des membres de Killing Joke. Ils ont toujours autant de passion et d'énergie à donner. La voix de Coleman est fluide, puissante, rageuse et sait faire passer aussi bien la colère que des sentiments plus calmes. Quant à Geordie, il tire des riffs secs et plutôt efficaces de sa Gibson ES-295 et possède toujours ce gain particulier. Basse et batterie sont aussi au garde à vous pour délivrer ce groove froid qui ferait danser les morts presque.
L'absence de surprise se fait plutôt au niveau des compositions, soyons bien clair : Pylon n'est pas un mauvais album, il est juste...un peu prévisible.
Il y a pourtant ce monstrueux titre, qui se présente déjà comme un futur classique « I Am The Virus » à l'atmosphère apocalyptique et au refrain terriblement accrocheur et sur lequel Jaz semble vouloir se débarrasser de toute la noirceur du monde actuel qui le ronge.
Pour le reste, on est encore dans la thématique d'une fin des temps modernes exprimée par l'urgence dégagée par un titre comme « Autonomous Zone » avec son intro synthétique, sa basse claquante, cette voix incantatoire et son tempo punk. « New Cold War » lui renvoie à Pandemonium, le classique sorti il y a plus de vingt ans et possède une réelle ambiance de guerre froide justement. Il en est de même pour « War On Freedom » qui avec son riff agressif et son bon refrain nous ramène encore au début des années quatre-vingt-dix.
On pense aussi au, plutôt mésestimé, Democracy sur « Big Buzz » qui sonne un peu plus pop, le réussi « Euphoria » (qui évoque la complicité unissant le groupe et son fidèle public) quant à lui est le morceau le plus dansant de Pylon et aurait très bien pu trouver sa place sur les plus orientés new wave Night Time ou Brighter Than a Thousand Suns.
Et bien sûr l'esprit du précédent effort de la Blague Qui Tue MMXII est évoqué sur « New Jerusalem », un morceau lourd, oppressant et au chant mystique. Dans le même style, citons « Delete », un titre urgent mais qui est moins convaincant que le reste ainsi que le furieux « Into The Unknown » qui clôture l'album et qui pour le coup sonne comme la bande son de l'extinction de l'Humanité.
Toujours en référence à l'histoire de Killing Joke, nous pouvons de même souligner l'artwork de Pylon qui rappelle celui de Pandemonium, album qui avait déjà ramené le combo sur le devant de la scène en 1994 en les consacrant comme parrains du metal industriel.
Ce quinzième album studio de la légendaire formation britannique contentera les fans absolus mais peut aussi servir d'introduction tout à fait honorable à ceux qui veulent se plonger dans leur style et univers si uniques.
C'est le minimum que l'on peut attendre d'un tel pylône.
Liste des titres:
1. « Autonomous Zone »
2. « Dawn Of The Hive »
3. « New Cold War »
4. « Euphoria »
5. « New Jerusalem »
6. « War On Freedom »
7. « Big Buzz »
8. « Delete »
9. « I Am The Virus »
10 « Into The Unknown »
Disponible aussi (gardant le même visuel mais sous fond rose) avec un deuxième disque incluant les titres suivants ( sur lesquels je n'ai aucun avis à donner, n'ayant pas pu les écouter) :
1. « Apotheosis »
2. « Plague »
3. « Star Spangled »
4. « Panopticon »
5. « Snakedance »