Formation culte des années 80, et groupe autoproclamé de christian metal, Stryper a connu des hauts et des bas. Des bas qui ont conduit à la séparation du combo de 1993 à 1999. Fallen est le cinquième album des Américains depuis leur reformation, et confirme leur nouvelle orientation musicale, nous y reviendrons. Certains se demanderont si le gros son et les riffs distordus sont bien compatibles avec la bonne parole que prêchent Michael Sweet et ses acolytes : c’est bien le cas, et l’ironie est de mise puisque Stryper se paie le luxe de reprendre Black Sabbath, dont les attraits pour l’occulte sont un secret de polichinelle.
Dès le début de l’opener "Yahweh", premier single coécrit par Clint Lowery de Sevendust, le virage opéré par le groupe est évident pour qui connait un tant soit peu le début de la discographie de Stryper. Exit le côté glam et hard FM développé à la fin des années 80, sur l’album In God We Trust par exemple. Le son est lourd, les guitares amples, et les titres sont sans conteste le produit d’un bon heavy metal à mi-chemin entre les pontes anglais et américains du genre.
L’excellent “Heaven”, et son refrain aussi puissant que mystique, est un exemple type de ce son heavy, au même titre que le très mélodique “Love You Like I Do”, qui rappelle le Dokken de la seconde moitié des années 80.
Les riffs sont parfois plus lourds encore, avec un son qui tire vers le gras comme sur “Pride”. Ce dernier regorge d’influences southern, avec des plans baveux qui fleurent bon le Mississipi et le Jack Daniels - toutes mes excuses si les membres de Stryper ne cautionnent pas cette référence.
La voix du frontman Michael Sweet est puissante et précise, ce qui convient à merveille aux morceaux énergiques et un peu rentre-dedans qui ouvrent le disque. Moins, malheureusement, pour les ballades à l’eau de rose qui semblent être comme un passage obligé à chaque sortie de Stryper. La première est “All Over Again”, et vient amener un coup de mou au bel élan donné par la première moitié de Fallen. Les choeurs gnan-gnan sont au rendez-vous, assortis de “ouh-ouh” qui donneront des boutons aux détracteurs du glam, du rock FM, et probablement à la majorité des auditeurs, en fait.
Bien heureusement, une seule ballade est présente sur Fallen, et la suite des hostilités est bien plus réjouissante. Mais le mal est fait en quelque sorte, car la perte d’énergie engendrée par “All Over Again” rend nécessaire la relance de la machine, ce qui prend un peu de temps. Pour se faciliter la tâche, Stryper ne pouvait mieux choisir que d’asséner une reprise de Black Sabbath, “After Forever” : les évangiles Américains auraient-ils perdu la tête et vendu leur âme au Malin ? Que nenni, le choix du titre est méticuleux, et fait parfaitement sens, “After Forever” étant l’un des seuls morceaux du Sabbath qui parle de Jésus, et qui ne fait pas référence aux Mal. De plus, la version des rockers rayés donne un sacré coup de jeune à un titre déjà mythique : chapeau bas messieurs.
Au rang des déceptions, on décelle plusieurs influences assez mal digérées, que l’on pourrait presque qualifier de plagiat, au moins ponctuellement. C’est le cas du pourtant bien ficelé titre éponyme de l’album, dont le riff froid et millimétré rappelle inévitable “Cemetary Gates” de Pantera. Les montées harmoniques du riff principal sont au mieux un hommage très appuyé, et la dynamique est la même, ce qui nuance la grande qualité qu’a par ailleurs le morceau.
Côté production, le bilan est très positif, malgré des effets trop prononcé sur la voix : l’excès de flanger et de chorus sur les refrains de “Fallen” ou “Pride” donnent un côté excessivement kitsch aux sonorités développées. Ces traitements audio ont définitivement mal vieilli, mais tout le monde ne semble pas l’avoir compris. Pour le reste, les instruments sont très bien rendus, notamment la batterie, qui bénéficie d’un son très ample et lourd, caractéristique des années 80, mais qui n’a pas pris une ride.
Les paroles chantées par Sweet sont construites autour de plusieurs thèmes connexes au christianisme, et sont parfois assez engagés : c’est le cas de “Big Screen Lies”, qui dénonce la façon dont est montré le christianisme par les médias, et tente de redresser la barre. Les thèmes bibliques sont bien entendus légion, et rien que les titres des morceaux parlent d’eux-mêmes : “Let There Be Light”, “The Calling”, “King Of Kings”, “Heaven”...
Enfin, on peut saluer le travail du guitariste Oz Fox, qui en plus de dérouler de très bons riffs redoutables d’efficacité, arrive à offrir des soli qui n’ont aucunement à rougir de la comparaison avec l’oeuvre des plus grands.
Au final, cette nouvelle mouture de Stryper est une excellent surprise, et devrait trouver son public malgré quelques petits travers faciles à oublier. Si quelques rares morceaux de Fallen entrent par une oreille et ressortent par l’autre sans vraiment marquer l’auditeur, d’autres sont de véritables petites bombes, qui ne demandent qu’à gagner en popularité. Les thèmes abordés ont le mérite d’être originaux, et d’être admirablement mis en musique. L’abandon du glam pour le heavy était certainement une bonne décision, et le flirt occasionnel avec le power metal pourrait peut-être donner des idées aux Américains pour leurs prochains passages en studio.