Depuis cinq ans et son album Tales Of The Sand, Myrath fait partie des têtes d’affiches indiscutables du metal oriental. En réunissant la fine fleur des musiciens tunisiens en un groupe, la formation avait à l’époque reçue des critiques unanimement positives, plaçant son nom dans le paysage aux côtés de groupes bien installés comme Orphaned Land. Et s’il a logiquement pris son temps pour délivrer la suite, entre campagne de crowdfunding et projets parallèles on est loin de loin de les en blâmer à la vue du brillant résultat.
Si Tales Of The Sand montrait déjà un groupe à maturité, Myrath passe clairement un cran au-dessus avec Legacy. Une impression générale sûrement due au niveau des compositions, tout bonnement ahurissant. Fourmillant de détails, de tiroirs et de passages complètement inattendus, le combo assume encore davantage son étiquette progressive pour un résultat impressionnant. On pourrait penser qu’en expérimentant à ce point, le groupe fasse quelques bourdes mais il n’en est rien. Toutes les chansons sont d’un excellent niveau sans qu’aucune faiblesse n’apparaisse.
Le style Myrath est bien sûr toujours reconnaissable. C’est le claviériste Elyes Bouchoucha qui semble avoir pris du galon et distille une palette de sons variés, des indéboulonnables instruments orientaux à des sons plus modernes, carrément electro sur « Duat ». Le single « Believer » nous plonge d’entrée dans cette atmosphère, avec des riffs de guitare réduits au strict nécessaire, laissant de la place pour les orchestrations d’Elyes, surtout pendant le pont. Une patte symphonique d’ailleurs pas loin de rappeler Nightwish. L’influence des finlandais est parfois criante sur l’intro « Jasmin », « The Needle » ou la superbe « Through Your Eyes ».
Les instruments traditionnels ne sont pas oubliés pour autant, puisque Malek Ben Arbia à la guitare concocte pendant tout l’album des riffs en apparence simple mais souvent très subtils. On pense à ceux de « Get Your Freedom Back », chanson la plus heavy de l’album, ou encore à « The Needle » titre catchy malgré ses nombreux changements d’ambiances. Du côté des solos, c’est une nouvelle fois un sans-faute, justifiant sans problème leur présence aux côtés des mélodies du clavier.
Visiblement, le groupe continue de ne pas abuser des paroles en arabes, un peu dommage tant elles apportent un nouveau souffle à des titres comme « Nobody’s Live ». Mis à part ce détail, la performance de Zaher Zorgati derrière le micro est tout simplement bluffante. On savait le frontman doté d’un grain de voix et d’une versatilité impressionnante, mais il dépasse une nouvelle fois toutes les attentes avec ses lignes vocales. Tantôt dans un style oriental, tantôt dans un chant heavy qui n’a rien à envier à un Ronnie Atkins, il parvient à faire passer toutes les émotions à travers son chant avec une facilité incroyable.
On parlait tout à l’heure du côté plus progressif de Legacy. Il s’illustre parfois au travers de petits breaks qu’on croirait presque improvisés et qui cassent la linéarité, comme celui de « Get Your Freedom Back » où la basse d’Anis Jouini se fait des plus groovy. Plus généralement, on constate que si Myrath reste relativement sage sur la première partie d’album, la seconde est beaucoup plus propice aux expérimentations. On le voit sur « Endure The Silence » et son intro assez surréaliste ou dans « Duat ». Au final, le groupe parvient à donner une personnalité et une émotion propre à toutes ses compositions, qu’elles soient plutôt enjouées (« Believer ») ou plus mélancoliques (« I Want To Die »). A noter « The Unburnt », une chanson entièrement consacrée à Daenerys Targaryen, de Game of Thrones qui devrait faire sourire les fans de la série.
Avec un travail de composition impressionnant, Myrath parvient avec Legacy à une nouvelle étape de sa carrière. Un album riche où les erreurs sont rarissimes, c’est à se demander comment les Tunisiens peuvent faire encore mieux. On sent que leur potentiel n’est pourtant pas totalement exploité, il y a donc de quoi sortir dans les années à venir un véritable chef-d’œuvre. En attendant, Legacy va certainement tourner pendant un certain temps chez les amateurs de metal oriental. Les cinq années d’attentes valaient largement le coup.