Qui arrive encore aujourd'hui à l'heure du numérique à cacher la moindre nouvelle aux médias, à faire la moindre surprise à ses fans ? Personne, sauf Avenged Sevenfold. C'est lors du concert de cette nuit que le combo américain a donc annoncé la sortie aujourd'hui de The Stage, son septième opus, à la surprise générale, et sans la moindre annonce préalable hormis des deathbats sur des buildings à travers le monde et un premier single éponyme il y a quelques jours. Alors, que vaut le successeur de Hail To The King ? Premiers éléments de réponses.
Cette annonce a fait l'effet d'une bombe sur les réseaux sociaux notamment après la première révélation du site Blabbermouth hier. Alors qu'on s'attendait à ce que le groupe donne un titre et une date de sortie lors de la prestation spéciale ayant eu lieu cette nuit (hier soir aux USA) et retransmis en direct dans le monde entier, c'est bien pour annoncer la sortie en ce vendredi 28 octobre de The Stage qu'Avenged Sevenfold a pris possession de la scène.
Avant de rentrer plus en détails dans le contenu et notre avis sur cet album, statuons au moins une chose : Avenged Sevenfold a pris des risques avec ce nouvel opus. Oubliez à peu près tout ce que vous pensiez savoir du groupe - si ce n'est quelques épisodes de la période City Of Evil - et jettez à la poubelle vos certitudes car The Stage est aux antipodes de Hail To The King et de ses prédécesseurs.
Pour étayer sa prise de risque, le quintet d'Orange County nous propose une pochette où la deathbat n'est pas apparente de prime abord, il faut vraiment fixer l'image pour l'apercevoir. Ainsi, on se retrouve face à un artwork qui nous évoque plus une thématique astrale (que n'aurait pas reniée certains groupes de djent du début des années 2010 ou même pour faire plus récent l'esthétique du dernier Marvel en date, Dr Strange) qu'une pochette classique d'Avenged Sevenfold. Les titres des onze morceaux reprennent de leur côté cette thématique astrale ("Roman Sky", "Higher", "Paradigm" notamment) et amènent à un questionnement fort avant même l'écoute. Le changement est donc tout autant visuel que musical.
Passons maintenant à ce qui nous importe le plus : le contenu. The Stage s'ouvre donc avec le titre éponyme qui est après de nombreuses écoutes le choix le plus logique pour lancer la promotion de l'album. En effet, l'auditeur reste en terrain connu avec une structure qui ne diffère que peu ou prou des précédents efforts du groupe, tout en amenant assez de nouveautés pour susciter l'intérêt et faire augmenter l'attente. Hail To The King avait refroidit beaucoup de fans et attisé la haine d'une bonne partie de la scène metal à cause des nombreux emprunts à des groupes très connus (pèle-mèle Metallica, Iron Maiden, Pantera ou Black Sabbath), ce ne sera absolument pas le cas avec The Stage et c'est un énorme pied de nez à tous les critiques. Ce septième album sera critiquable bien entendu, mais on ne pourra pas reprocher à Avenged Sevenfold de copier-coller sa recette à l'infini comme certains.
Le plongeon dans l'inconnu commence dès le second titre "Paradigm" - l'un des seulement trois titres à ne pas atteindre la barre des cinq minutes – qui amène dès le début du morceau vers une ambiance nouvelle pour du Avenged Sevenfold. Une batterie qui cavale recouverte par une nouvelle variation de chant de M. Shadows, sur un mid-tempo renforcé par une basse que le mix n’aura pas oublié fort heureusement. C’est déjà l’occasion de féliciter Brooks Wackerman (batterie) pour son travail sur ce titre, mais aussi sur tout l’album. L’ancien batteur de Bad Religion nous offre une partition dans son registre, et son duo avec Johnny Christ (basse) amène des moments très intéressants sur l’album, comme par exemple "God Damn", "Fermi Paradox" ou encore le gargantuesque "Exist".
"Sunny Disposition" commence très classiquement, M. Shadows fait encore une fois étalage de son timbre de voix si particulier en utilisant des techniques de chants différentes entre les couplets et le refrain. Capable de suivre la folie furieuse de ses compères guitaristes Synyster Gates et Zacky Vengeance lorsque le rythme augmente, il sait aussi moduler sa voix pour amener de la douceur au chant. Et c’est de ce fait extrêmement utile sur ce morceau puisqu'Avenged Sevenfold nous surprend une nouvelle fois en mettant en avant des cuivres ! Un petit peu dans la veine de "A Little Piece Of Heaven", l’utilisation des cuivres apporte un grain de folie supplémentaire à un titre qui par définition de la musique du combo est déjà complètement barré. Et barré, on va le rester tout au long des soixante et onze minutes de The Stage. "God Damn" est un concentré d’énergie qui voit Synyster Gates nous offrir des plans de guitare que les adorateurs de City Of Evil chériront avec nostalgie. A ne pas douter que ce titre sera le prochain single et un morceau qui trustera la setlist pendant de nombreuses années.
En 2005, Avenged Sevenfold sortait City Of Evil et Synyster Gates se positionnait déjà comme un guitariste hors pair doté d’un sens technique et mélodique hors du commun. De formation classique et jazz, il a implémenté sur The Stage tout son amour pour ces styles, ainsi que pour le blues au travers de petites touches éparses, ou tout simplement au travers de plans absolument fous. Au rayon bluesy, citons l’intro de "Angels", avant que ce dernier ne tourne à la démonstration pure et simple du guitariste. Et comme un clin d’œil à City Of Evil justement, l’intro de "God Damn" ne pourra que faire sourire les fans, de même que le solo de "Paradigm", le dernier tiers de "Simulation" et enfin "Angels" qui posé en plein milieu de l’album n’est dédié qu’à la gloire guitaristique de Gates.
Ce qui frappe avec The Stage si on le compare à ses prédécesseurs, c’est la maturité incroyable acquise par les membres du groupe. Alors que Hail To The King ou l’album éponyme jouait la carte de l’efficacité avec des titres faciles d’accès et mémorisables dès la première écoute, The Stage est beaucoup moins accessible. Pour notre cas, les deux premières écoutes furent remplies de questions parce qu’il faut réussir à assimiler tout ce que le quintet nous envoie comme informations à la seconde. La déception pointait même le bout de son nez par le manque de titres "tubesques" à première vue. Et puis en accumulant les écoutes pour préparer cette chronique, en variant aussi les manières de l’écouter que ce soit distraitement au travail, dans les transports en commun ou en ne faisant que ça, et bien The Stage se révèle petit à petit. Il aura fallu par exemple presque dix écoutes pour découvrir la guitare acoustique sur "God Damn", la présence des « hahahaha » si caractéristiques de M. Shadows à plusieurs moments et pleins d’autres petits détails que l’on vous laissera découvrir à votre rythme.
En début de chronique, nous parlions de cette pochette si peu conventionnelle pour Avenged Sevenfold, qui semble être une photo prise par un satellite en orbite autour de la Terre. Cosmique et astral sont les premiers mots qui nous sont venus à l’esprit à la vue de cette image. Les sept premiers titres ne nous ont donné aucune indication quant à ce choix et puis arriva "Higher". Une intro planante plus tard, on comprend ce choix d’autant plus que la fin de l’album restera dans la même thématique. Sur "Fermi Paradox", c’est le pont qui se veut planant et astral alors que sur "Exist" c’est encore une fois l’intro qui suit le même schéma.
Si Avenged Sevenfold aime les titres qui s’étirent dans la durée et qu'on le constate sur cet album avec une majorité de titres aux alentours des cinq-six minutes, les quinze minutes et trente-neuf secondes de "Exist" sont un nouveau record pour le combo. Décomposé en deux parties bien distinctes et à peu près égales, le titre joue pour commencer sur la présence d’une nappe de synthé très vite rejoint par la cavalerie et le TGV piloté par Synyster Gates et Zacky Vengeance. Instrumental pendant toute cette première partie, ce n’est que sur la seconde que le titre voit M. Shadows poser sa voix pratiquement a capella sur le début. Nous passons enfin les dernières minutes avec les quatre musiciens, des nappes de synthés et des moments planants accompagnés d’un discours. C’est du jamais vu dans la carrière des Californiens, on a un peu de mal à y croire au début et puis quand ça s’arrête, une seule pensée s’offre à nous : recommençons tout de suite.
Avec The Stage, Avenged Sevenfold est sorti de sa zone de confort comme peu de groupes en sont capables après quinze ans de carrière et un succès planétaire. Alors que Hail To The King était un album de transition d’un groupe qui se cherchait quelques années après le décès de The Rev, The Stage est l’album qui doit asseoir le groupe comme un incontournable de ces trente prochaines années. Est-ce que le succès commercial sera au rendez-vous ? Peut-être. Est-ce que le succès critique sera au rendez-vous ? Assurément. Personne ne pourra se ranger derrière la critique facile qu’Avenged Sevenfold n’est qu’un vulgaire ersatz de Metallica ou Pantera. Il faudra maintenant amener des raisons plus sérieuses et moins faciles pour attaquer le groupe car les influences de cet album sont propres au quintet et empruntent plus à des anciens titres qu’à d’autres groupes. The Stage est l’album le plus ambitieux à ce jour du groupe et on ne peut que tirer notre chapeau à M. Shadows, Synyster Gates, Zacky Vengeance, Johnny Christ et Brooks Wackerman pour cette pépite inattendue mais tellement jouissive.
PS : Si vous regardez la pochette du single "The Stage", vous pourrez apercevoir que l'oeil gauche se compose de la pochette de l'album. Et si un deuxième opus tout aussi inattendu voyait le jour dans les semaines à venir ?