Près d’un an et demi après le départ de trois de ses membres historiques, le groupe suisse Eluveitie revient avec son premier album depuis son changement de line-up. La filiation entre cet opus et leur album de 2009, Evocation I : The Arcane Dominion, clairement annoncée par le titre, est largement confirmée à l’écoute : pour la seconde fois, les Helvètes délaissent le death mélodique pour se consacrer au folk celtique.
On était curieux de voir ce que donnerait la nouvelle version d’Eluveitie, dont trois membres avaient quitté le navire en mai 2016. Pour présenter ses nouvelles recrues, le groupe suisse a choisi de s’inscrire dans la filiation d’Evocation I : The Arcane Dominion, en revenant avec un album en partie acoustique, à l’atmosphère tantôt entrainante, tantôt sombre et ésotérique.
Cela se ressent dès l’introduction, "DUREDDU", qui nous plonge dans les forêts magiques des anciens peuples Celtes. L’occasion d’entendre pour la première fois Fabienne Erni, qui assure désormais les voix claires. Son timbre est très proche de celui d’Anna Murphy qu’elle vient remplacer, et elle tient très bien la comparaison avec sa prédécesseure.
Les mélodies celtes sont à l’honneur tout au long de l’album, mais inutile de chercher du metal dans cet opus : les screams de Chrigel Glanzmann sont quasiment inexistants, et semblent sous-mixés les rares fois où ils apparaissent. Le violon de Nicole Ansperger, revenue dans le groupe après un an d’interruption, est lui bien présent et nous envoutera plus d’une fois.
La première moitié de l’album est assez entraînante, et instaure des ambiances tour à tour fantomatiques, martiales, ou sylvestres. L’union entre les musiciens est harmonieuse et plusieurs titres donnent envie d’aller danser au fest-noz le plus proche ("Epona", "Nantosvelta", "Grannos"). Mais lors des premières écoutes, on reste un peu sur sa faim : les mélodies sont très belles, mais on attend quelque chose de plus de la part des Suisses. Et Fabienne Erni semble souffrir du même défaut qu’Anna Murphy : sur certains titres, son chant sonne beaucoup trop pop et manque d’aspérités. Les passages instrumentaux retiennent plus souvent l’oreille que ceux chantés.
L’album semble se réveiller de son (très) agréable ronronnement à mi-parcours : chuchotements fantomatiques, bruits de combats et cris apeurés installent l’ambiance sombre et vaguement inquiétante de "Catvurix", avant que le sieur Glanzmann ne donne enfin la mesure de son talent guttural. Le rythme martial et saccadé des percussions s’accorde à merveille avec sa voix d’outre-tombe et les motifs celtes de la mélodie. On finit la chanson en transe, pour enchainer avec "Artio", où Erni prouve qu’elle est aussi capable du meilleur. Dans cette ballade envoûtante, d’inspiration irlandaise, en grande partie a capella, la voix de la chanteuse se fait pure et dépouillée et nous file des frissons.
"Aventia" nous fait atterrir tout en douceur, avant de laisser la place à "Ogmios", qui, comme d’autres morceaux de l’album, reprend un air traditionnel, en l’occurrence "Tri Martolod". C’est mieux que Nolwenn Leroy, mais ça ne vaut pas les versions live de Tri Yann, groupe breton qui en son temps remit cet air traditionnel au goût du jour. D’ailleurs, ça ne vaut pas non plus la première reprise qu’en avait faite Eluveitie avec "Inis Mona", qui était autrement plus originale. Là, on a l’impression que le groupe a gardé les arrangements de base et a simplement traduit les paroles du Breton au vieux Gaulois (prouesse linguistique qu’on peut tout de même saluer !). Le morceau suivant, "Esus", a aussi des rémanences d’un titre breton, mais l’adaptation, planante, est plus réussie et prend des allures de prêche mystique.
La fin de l’album poursuit agréablement (mais sans trop de surprises) cet enchainement de ballades atmosphériques et de morceaux plus enlevés. On retient tout de même "Tarvos II", prêche costaud qui donne envie d’aller en découdre avec l’ennemi le plus proche. Entre les reprises d’airs traditionnels et les emprunts à leurs anciennes compositions, le trajet semble à première vue trop familier. Pourtant, au fil des écoutes, les instruments, et plus encore que les autres le violon, finissent par nous ensorceler insidieusement pour nous mener où bon leur semble, tel le joueur de flûte d’Hamelin . Si l’on espère que le chemin folk des Helvètes croisera de nouveau le death mélodique, on leur est reconnaissant de nous avoir transportés cette fois-ci dans des contrées enchanteresses.
Evocation II : Pantheon est sorti le 18 août 2017 chez Nuclear Blast.