Saint Père du death mélodique, c'est quatre années après un solide retour qu'At The Gates sort To Drink For The Night Itself. Inspiré du roman de Peter Weiss, L'Esthétique de la Résistance, cette sixième production studio n'a pourtant pas grand-chose d'un concept album. Non, elle s'affiche simplement comme une réussite totale, faisant honneur à la réputation de ses musiciens et s'impose d'ores et déjà comme une des plus belles sorties de cette année 2018. GO !
Inespéré, le retour d'At The Gates (en excluant la reformation express pour quelques dates en 2008) avait été divinement fêté en 2014 avec la sortie de l'extraordinaire At War With Reality. Dix-neuf ans après la sortie du cultissime Slaughter of the Souls, les maîtres incontestés du death metal mélodique réalisaient un tour de force dû à une production propre, des compos occultes et enragées.
Après ce coup de maître, on était en droit de se demander quel serait l'avenir du groupe ; surtout après le départ d'Anders Björler, guitariste et membre fondateur de la troupe. Et pourtant, la rage persiste et c'est donc quatre ans « seulement » après At War With Reality que les Suédois reviennent avec une œuvre déjà culte : To Drink From The Night Itself.
Si une expression devait être employé pour qualifier ce sixième album, ce serait sans doute « porter ses couilles ». À l'heure où la majorité des groupes du genre court après l'évolution pour le meilleur (Dark Tranquillity) comme pour le pire (In Flames), At The Gates s'offre un retour vers le passé, ne cherchant ni à changer ni à faire évoluer ses codes, mais tout simplement à les sublimer.
Le ton est donné dès l'introduction "Der Winderstand", onirisme et angoisse se mélangent délicieusement et annoncent quelque chose de lourd. Le titre éponyme de la galette fait écarquiller les yeux, comme si l'on venait de découvrir une piste cachée dans Terminal Spirit Disaese. Tomas Linberg est plus en voix que jamais et déverse ses tripes dans ce timbre unique, torturé, presque flippant.
Mais ce qui surprend, charme et enivre, c'est cette production authentique. Le son est crade, glauque et dans son jus, aux antipodes de celui d'At War With Reality qui était peut-être finalement trop lisse, trop propre, trop moderne pour la musique du combo suédois. Ici, tel un phœnix démoniaque, l’identité de ATG semble plus que jamais ressuscitée. Outre ce mixage, c'est dans les mélodies que l'on retrouve cette signature. Si celles d'At War With Reality brillaient par cet aspect oculte et leur côté très lourd, TDTNI joue à 200 % la carte du catchy et de l'efficacité.
Crédits photos: Esther Segarra
Il suffit d'entendre "Seas of Starvation" et son riff implacable, le groove de "Palace of Lepers" ou encore l'appel au headbang de "The Chasm". Chaque titre est une véritable déferlante de violence et donne le sentiment de se retrouver sur un champ bataille ravagé par des semaines d'affrontement. Autre constat très positif, on sent que les musiciens ont pris de la bouteille. Particulièrement Adrian Erlandsson au jeu toujours aussi carré et percutant, notamment au niveau de la double grosse caisse. Nouveau venu, Jonas Stålhammar convainc de A à Z et apporte un gros plus au niveau de soli.
Aux termes des quarante minutes proposées à travers ses douze titres, l'album ne met pas plus d'une écoute à convaincre l'auditeur qu'At The Gates reste le maître absolu du death mélodique. Percutant, efficace, old-school, sincère, grisant et, encore une fois, magnifiant les codes d'un genre que l'on aurait pu croire oublié, To Drink From The Night Itself est définitivement la plus belle offrande déposée aux pieds de l'autel du death metal suédois.
Sorti le 18 mai chez Century Media