Avec un nom d'album tel qu'Algorythm, on imagine immédiatement Beyond Creation se lancer dans une musique toujours plus technique, cérébrale, précise et milimétrée. Si tous ces qualificatifs conviennent bien évidemment à ce troisième opus des Québécois, Beyond Creation poursuit toutefois son chemin vers un death metal toujours plus progressif où la mélodie n'est jamais délaissée.
Earthborn Evolution, le précédent album de Beyond Creation, oeuvrait déjà dans un style plus mélodique à la Cynic et Obscura, se détachant peu à peu du côté plus brut et fougueux de The Aura. Algorythm se situe dans la droite lignée d'Earthborn Evolution, à travers des morceaux où s'entremêlent avec justesse violence et émotion ("Surface's Echoes", le pont et le solo d'"Algorythm"). Pourtant, passée la courte introduction "Disenthrall", c'est une avalanche de riffs et de blasts à donner le tournis qui accueille l'auditeur avec "Entre suffrage et mirage".
Malgré un départ de l'album sur les chapeaux de roue, les éléments caractéristiques de la musique des Québécois (la basse fretless, les plans en tapping, certaines rythmiques ternaires) viennent rapidement s'immiscer dans le death technique proposé, ponctué par le growl varié de Simon Girard, parfois guttural, parfois hurlé. Derrière ses fûts, Philippe Boucher alterne entre plans presque jazz (on songe à Exivious sur le début de "Binomial Structures"), groovy ("Etheral Kingdom"), percussions sans cymbale ("The Inversion" à 5:15), et blast ravageurs (la première moitié de "Algorythm", "Surface's Echoes" à 3:07).
Les interludes ou passages mélodiques sont légion afin de ne pas perdre l'auditeur dans ce dédale de riffs (le très beau "A travers le temps et l'oubli" joué au piano, le final de "The Inversion" ou encore l'intro en tapping de "Surface's Echoes"), insufflant un souffle épique au death progressif de Beyond Creation (la fin de "The Afterlife" clôt l'album comme "Centric Flow" le faisait sur le Cosmogenesis d'Obscura). Simon Girard a choisi d'aérer ses compositions, comme sur le très beau "Etheral Kingdom" (qui porte très bien son nom) et sur lequel la basse en tapping d'Hugo Doyon-Karout n'a rien à envier à son prédécesseur, Dominic Lapointe.
Les cinquante minutes de l'album font passer par tous les états en donnant par ailleurs énormément de dynamique et de contraste au sein des morceaux, évitant ainsi l'ennui. Il est toutefois certain qu'avec une telle durée, l'assimilation de ces dix pistes ne se fait pas avec un nombre restreint d'écoutes. Mais comme pour les autres opus du quatuor canadien, chaque nouvelle lecture permet de découvrir de nouveaux détails au sein des titres, dont chaque seconde a été particulièrement soignée. On peut toutefois regretter un son très (voire trop) clinique, malheureusement propre au style musical, notamment sur les patterns de batterie triggés à outrance, ou sur certains plans qui manquent de naturel.
Mais, ce nouveau Beyond Creation ravira à coup sûr les amateurs de death metal progressif, technique et mélodique tel que le pratiquent des groupes comme Obscura, Hannes Grossman, Alkaloid ou Archspire. Misant toutefois toujours plus sur la mélodie, Simon Girard et ses acolytes cherchent à se distinguer de la quantité de combos qui officient dans ce style musical, et parviennent à trouver leur propre identité et à faire évoluer leur death metal. Un bon album, solide, précis et métronomique...un algorithme du death en sorte.
Disponible depuis le 12 octobre 2018 chez Season of Mist