Les civilisations antiques du nord de l’Europe ont le vent en poupe, en témoigne le succès pérenne d’Eluveitie et ses adaptations de textes en vieux gaulois, ou plus récemment, l’engouement que suscite la série Vikings. Et si les spectateurs sont plus habitués à des propositions anglo-saxonnes ou nordiques, les Français s’y mettent aussi. La preuve avec SKÁLD, jeune groupe français qui, avec son premier album, Le Chant des Vikings, rend hommage à vous aurez deviné quel peuple.
L’avenir est un long passé, disait en son temps Manau (oui, bizarrement, en 2019, on a le droit de citer Manau sur La Grosse Radio). Ce qui est certain, c’est que les jeunes formations qui forment le futur de la musique sont très inspirées par les temps anciens. Si certains massacrent sans vergogne ni inspiration France Gall ou Jean-Jacques Goldman, d’autres ont l’idée plus judicieuse d’aller fouiller bien plus loin et de faire revivre des œuvres vieilles de plusieurs siècles.
C’est ce que fait SKÁLD, tout jeune groupe français formé autour de Christophe Voisin-Boisvinet, producteur et compositeur, et Pierrick Valence, Justine Galmiche, Mattjö Haussy, chanteurs et multi-instrumentistes. Ensemble, ils proposent un univers néo-folk ou folk expérimental proche de Heilung ou Wardruna. Ces références sont présentes tout au long du disque, mais le groupe arrive malgré tout à proposer un album qui ait son identité propre et soit cohérent d’un bout à l’autre.
La thématique abordée est un des éléments garantissant la cohérence de l’ensemble, même si les textes en vieux norrois – langue scandinave médiévale qui a notamment influencé le normand – n’aident pas les auditeurs à le saisir consciemment. SKÁLD met en effet en musique des ensembles de poèmes scandinaves issus de l’Edda, ensemble poétique de textes rassemblés par l’Islandais Snorri Sturluson. Ceux-ci tournent essentiellement autour de la cosmogonie, ces mythes qui expliquent la formation de l’univers dans différentes religions, et des exploits de dieux et de héros de l’époque. Les histoires sont donc épiques au plus haut point, et mettent en scène des figures plus ou moins connues de la mythologie scandinave, Odin et Loki en tête.
Si, sans traduction, les auditeurs ne comprennent absolument rien, la musique suffit à assurer le dépaysement le plus total et le voyage dans le temps sans Delorean. Les mélodies semblent sortir tout droit d’un millénaire passé, et si certaines se rapprochent de musiques médiévales que l’on peut connaître en France ("Valfreyjudrápa"), la plupart sont beaucoup plus dépaysantes et se parent d’atouts plus exotiques.
Le collectif lorrain emploie également nombre d’instruments anciens et rares, notamment des percussions constituées d’ossements d’animaux et de bois de cerf, ou des instruments à cordes aux noms mystérieux : talharpa, maurache à archet, jouhikko, nyckelharpa, en plus de la classique lyre, auxquels s’ajoutent des programmations pour une touche electro très bien amenée. Enfin, les chanteurs eux-mêmes livrent une prestation remarquable. Leur chant peut se faire très doux, lent, presque lyrique par moments, ou au contraire scandé et guttural, et les harmonies entre les trois vocalistes magnifient les mélodies.
Si cet album n’est à proprement parler pas metal – pas de son saturé, de guitare électrique ou de basse – il suscitera probablement l’intérêt des fans de pagan. Après tout, le folk expérimental a bien sa place au Hellfest. Les paysages défilent, les ballades apaisantes (le magnifique "Ec man iotna" dans lequel les voix féminines s'entrelacent avec harmonie) alternent avec les morceaux puissants, martiaux ("Flúg", "Ó Valhalla" ou "Gleipnir" notamment). Sur ce créneau très particulier, SKÁLD devra réussir à garder son univers particulier tout en l’élargissant pour ne pas sombrer dans la redite. En attendant, le groupe s’offre une fort belle entrée en matière.
Tracklist
1. Enn átti Loki fleiri börn 01:23
2. Rún 02:40
3. Valfreyjudrápa 03:06
4. Níu 03:05
5. Flúga 02:32
6. Gleipnir 04:07
7. Krákumál 03:20
8. Ó Valhalla 03:35
9. Ec man iötna 01:59
10. Yggdrasill 03:34
11. Ódinn 03:08
12. Ginnunga 04:08
13. Jóga 03:34
Sortie le 25 janvier chez Decca
