Si l’on excepte la parenthèse Supuration (Cu3e en 2013 et Reveries… en 2015), les fans de S.U.P auront dû patienter plus de dix ans avant que le combo nordiste ne donne un successeur à Hegemony (2008). Mais une chose est certaine avec le quatuor : peu importe le temps écoulé entre deux opus, la qualité est toujours au rendez-vous. Avec Dissymetry, la règle se vérifie une fois de plus. S.U.P est comme le bon vin et se bonifie avec le temps, et s’apprête à sortir ce qui s’apparente ni plus ni moins à un chef d’œuvre.
Ce qui caractérise un album de S.U.P (et par extension de Supuration), ce sont ces ambiances glaçantes, peut-être plus exacerbées encore au sein de ce projet-ci, et ce dès la courte introduction éponyme à base de bruitages évoquant un monde déshumanisé et numérique. « The Chasm and the Chronograph » se charge de plonger l’auditeur dans un univers glauque, où les frères Loez narrent un concept basé sur la dissociation de personnalité d’un protagoniste qui découpe son propre corps afin de le recréer pièce par pièce.
Derrière cette noirceur peu commune, S.U.P se démarque de l’essentiel de la scène metal extrême hexagonale à travers une apparente simplicité (notamment sur le pattern de batterie de « Sunless Rest ») mais surtout une qualité d’écriture sans précédent (« Tribulation »). Par certains aspects, Dissymetry rappelle la trilogie The Cube, notamment par le lien étroit entre mélodie, émotion et rage contenue dans le chant si reconnaissable de Ludovic Loez. A titre d’exemple, prenons « Cathedra » ou « The Day of Final Hope », dont la ligne mélodique risque de ne pas laisser grand monde insensible. Comme souvent avec les Lillois, les influences gothiques / new wave sont décelables (on pense parfois à Type O Negative, aux premiers Anathema ou à Paradise Lost), mais la force de S.U.P est de parvenir à poser son empreinte sur chacun des titres de l’opus. Empreinte vocale tout d’abord, puisque les frères Loez se complètent au micro, dans des harmonies vocales réussies (« Pipedream »). Il est également à noter que l’accent français du leader du groupe, souvent prédominant dans les œuvres passées est ici gommé en grande partie, ce qui n’est pas négligeable.
La production réalisée par le groupe en compagnie de Grégoire Saint-Maxin ne souffre d’aucun défaut et reste fidèle à ce que l’on attend de S.U.P : un son froid, clinique, des arpèges cristallins et des riffs tranchants et hypnothiques (« Hypnagogik Hop »,« Excision ») qui servent le propos et renforcent la sensation de mal-être et de désespoir exprimée dans l’œuvre.
On ne voit pas bien ce que l’on pourrait reprocher à ce nouvel album tant chaque aspect est travaillé avec une précision d’orfèvre. S’il est assez court (dix pistes pour cinquante minutes de musique, dont une intro et une outro), la lassitude n’est pas au programme et l’envie de relancer l’écoute une fois celle-ci achevée se fait pressante. En effet, cet album devient rapidement addictif en dépit de l'apparente difficulté d’accès qui caractérise le groupe au premier abord et les lignes mélodiques restent rapidement en tête (« Cathedra », « Tribulation », « The Final Day of Hope »).
Trente ans après la formation de S.U.P, Dissymetry se hisse sans effort à la hauteur des œuvres les plus plébiscitées du quatuor, telles que Room Seven, Imago ou The Cube. Si les quatre musiciens n’ont pas toujours été reconnus à leur juste valeur et restent surtout considérés comme un combo culte par un public de connaisseurs, espérons que Dissymetry leur ouvre les portes du succès à une autre échelle, ce qui ne serait qu’amplement mérité avec un album de cette qualité. Un bon prétendant au titre d’album de l’année !
Note : 9,5/10
Déjà disponible chez Overpowered Records
Photos promo : DR