Rammstein. Un nom qui fait forcément écho, que ce soit dans le coeur des amateurs, ou dans celui des néophytes, tant la formation s'est imposée dans tous les esprits. Un groupe aux frontières, qui à la manière d'un System Of A Down ramène tous types de public. Et pas forcément les amoureux de metal, genre principal dans lequel le groupe s'inscrit. 10 ans après Liebe Ist Für Alle Da, un nouvel album, éponyme, arrive avec une promotion massive quelques semaines seulement avant sa sortie.
Si l'album est annoncé depuis septembre dernier, c'est le clip de "Deutschland" qui va donc lancer la vague d'attentes et d'excitation liée à la formation allemande. Un clip qui, comme à l'accoutumée, charge ses visuels, offre une réelle expérience de court-métrage, et s'inscrit dans ce que le groupe a toujours proposé de mieux. Symbolique, dénonciation, provocation (le groupe est d'ailleurs accusé de gratuité, sentiment que nous ne partageons pas ici), et surtout une volonté artistique forte, la réalisation de Specter Berlin marque un nouveau tournant dans l'histoire - visuelle - du groupe. Pour ce qui est du morceau, on peut en parler avec plus de retenue, tant Rammstein est dans son carcan, et fait ce qu'il sait faire sans trop se fouler.
La question qui se pose donc avant d'entamer l'écoute est : qu'attend-on encore, musicalement, de Rammstein en 2019 ? Le groupe officie dans un metal industriel très balisé, qui a très rapidement atteint une certaine limite, et joue de variantes qui n'ont d'attrait que l'efficacité de titres conçus pour la scène. On sait que la dose d'adrénaline va être prise par les rythmiques très pesantes et des riffs très lourds, que la voix de Till Lindemann sera scandée pour aborder des refrains plus mélodiques souvent accompagnés de choeurs, mais au-delà de ça, on se demande surtout ce que l'on retient une fois l'album terminé. Rammstein étant désormais totalement indissociable de ses visuels, on est plus excité à l'idée de découvrir un nouveau clip, ou d'imaginer le travail scénique qui va être conçu pour les nouveaux titres, que de découvrir ces derniers, devenant de simples outils au service de quelque chose d'autre, tout aussi honorable.
Les appréhensions premières sont donc celles qui prédominent après l'écoute. Si l'on retrouve l'efficacité dès le début de l'album, et que certains refrains rentrent immédiatement en tête, elle est plus due à une recette bien huilée qu'à un regain d'originalité. Rammstein est sur de gros rails, ça fonctionne par moments (on pense à "Radio", dont le clip vient d'être dévoilé), ça déraille méchamment sur d'autres. C'est d'ailleurs quand le sextette tente de s'éloigner légèrement de sa formule qu'il pêche (on pense à "Auslander" et certains passages que même les cave underground allemandes n'oseraient pas diffuser), sans que cela n'en soit complètement honteux pour autant. Car au-delà des défauts et du manque d'innovant, le groupe maîtrise sa formule. Pas de surprise, pas de déception ?
C'est en cela que les fans vont immédiatement s'y retrouver. Rammstein fait du Rammstein, sans grandes variantes, sans donner l'impression d'offrir de nouveaux titres, et recopie ce que l'on aime chez lui. Si c'est ce que l'on attend alors, on peut être totalement comblé. Cela n'excuse cependant en rien un certain ventre mou, des titres dispensables tellement ils semblent creux ("Puppe", "Diamant") et une tentative de retourner dans l'incisif avec "Weit Weg" qui tombe rapidement à plat. L'album se termine sur un "Halloman" intéressant, que l'on aurait aimé plus développé. Au niveau de l'écriture, certains titres, comme on a pu le voir avec "Deutschland" bénéficient de textes simples mais soignés, et d'autres, tels que "Tatoo" (qui parle de...se faire tatouer) dont on se fout royalement.
L'album est donc sur un fil très instable, suffisamment travaillé pour plaire, voire ravir les fans les plus assidus, mais trop peu abouti pour être retenu au-delà des premiers titres très efficaces. L'impression que certains morceaux sont là pour combler et offrir une durée convenable à la galette - chose très courante, tout ne peut pas être égal sur un album - laisse un arrière-goût assez amer. Mais il faut laisser sa chance à Rammstein, le réécouter, des subtilités se cachant sans aucun doute ça et là. Nous n'avons eu nous-même que l'opportunité d'une unique écoute, ce compte-rendu est donc basé sur un ressenti global et non une analyse poussée. Ressenti qui sera peut-être totalement annihilé après plusieurs écoutes plus intenses, ou au contraire malheureusement confirmé.
Tracklist :
Deutschland
Radio
Zeig Dich
Ausländer
Sex
Puppe
Was Ich Liebe
Diamant
Weit Weg
Tatoo
Halloman
Sortie le 17 mai 2019