Apocalyptica est un groupe qui n’a pas d’équivalent dans le metal, puisque la formation finlandaise a réussi à s’imposer dans le monde de l’électricité et des distorsions armée seulement de violoncelles et d’une batterie. La formule a évolué au fil du temps, passant d’une musique entièrement instrumentale à un modèle plus classique avec chanteur(s). Ce nouvel album marque un retour à l’instrumental pur : nouvelle évolution ou retour en arrière ?
Apocalyptica, est-ce mieux en instrumental ou avec du chant ? Et puis d’abord, Apocalyptica, est-ce plus du classique ou du metal ? En fait, est-ce du metal tout court ? Le groupe finlandais n’est pas du genre à mettre tout le monde d’accord, et il est difficile de trouver une réponse consensuelle à ces questions.
Mais plutôt que de chercher à plaire à tout le monde au risque de ne plaire à personne, le groupe a pris une décision relativement radicale avec ce tout nouvel album, Cell-O : exit les chanteurs invités, exit (pour un temps ?) Franky Perez, vocaliste attitré depuis 2015, l’album est entièrement instrumental – si l’on excepte un passage parlé à la toute fin de l’album, qui ressemble plus à une voix off racontant une histoire qu’à une forme quelconque de chant.
La première écoute plonge l’auditeur dans une musique extrêmement évocatrice, qui n’a rien à envier à une bande-originale de film, exercice auquel s’étaient d’ailleurs attelés les Finlandais en 2019, (voir par exemple « Rise », très cinématographique) très belle, mais qui donne l’impression que le groupe s’est cette fois beaucoup plus tourné vers le classique que vers le metal. Au vu du résultat, on se dit que la formation aurait tort de se priver, même si le manque d’éléments rappelant le message surprend - à l’exception de la batterie de Mikko Sirén, par ailleurs plus en retrait que sur de précédents albums – et peut en décevoir certains.
Mais au fil des écoutes, les différents éléments se révèlent. Ainsi, « Ashes of the Modern World », qui commence avec un jeu de cordes classiques, concentre dans son dernier quart (à partir de 3’20) des break, des riffs typés metal et un son distordu de violoncelle à tel point qu’il est très difficile d’être certain qu’il ne s’agisse pas en réalité d’une guitare électrique.
Ce traitement si particulier du violoncelle se retrouve sur plusieurs autres morceaux, tels que « En route to Mayhem », qui a d’ailleurs fait l’objet d’un très beau clip. « Catharsis » est probablement le titre qui évoque le plus immédiatement le metal, avec sa mélodie énervée qui suit un début pourtant tout en douceur au violoncelle « classique ».
Sur cet album, il n’y a d’ailleurs pas un son de violoncelle, mais une multitude. Outre le fait que Paavo Lötjönen, Eicca Toppinen et Perttu Kivilaakso jouent chacun des parties différentes qui se complètent et se répondent, ils proposent des façons de jouer très différentes, de sorte que les instruments produisent des sons que le profane n’aurait jamais imaginé pouvoir sortir d’un violoncelle.
Surtout, cet album semble être celui sur lequel Apocalyptica s’est le plus aventuré vers des structures progressives, avec des morceaux faisant tous plus de cinq minutes sauf un, un titre de plus de dix minutes et une clôture qui enchaîne les changements d’ambiances et de mélodies pendant sept bonnes minutes.
« Cell-0 », titre éponyme et record de longueur, commence ainsi comme un ensemble de cordes classiques, avant de partir dans une cavalcade menée par la batterie, incorpore des passages de cordes très lyriques, fait voyager dans des contrées inexplorées pour s’achever en un final lourd et lent.
Et Apocalyptica enrichit encore sa musique sur « Fire and Ice », probablement l’un des titres les plus captivants du disque, avec des changements de mélodies, des violoncelles de plus en plus agressifs et saccadés, une ambiance tribale, que le groupe décrivait en interview comme celtique, et l’intervention d’une cornemuse irlandaise jouée par Troy Donockley de Nightwish.
Si les adeptes d’une musique à chanteur pourront être un peu déçus, Apocalyptica signe pourtant un album très riche, redonnant enfin toute leur place aux violoncelles. Sans texte, la musique seule n’empêche pourtant pas de ressentir et d’imaginer des scènes, des histoires. Le groupe expliquait d’ailleurs en interview avoir conçu cet album comme un voyage, évoquant le futur sombre de l’humanité et tous les risques auxquels elle s’expose. Prenant d’un bout à l’autre, Cell-0 rappelle à tout le monde qu’Apocalyptica n’a guère besoin d’autre chose que de violoncelles pour faire des étincelles, et que c’est peut-être sans chanteur que la formation est la meilleure.
Tracklist :
01 Ashes Of The Modern World
02 Cell-0
03 Rise
04 En Route To Mayhem
05 Call My Name
06 Fire & Ice
07 Scream For The Silent
08 Catharsis
09 Beyond The Stars
Sortie le 10 janvier chez Silver Lining Music