A l’inverse de certains « anciens » groupes, on ne peut pas dire qu’Annihilator prend son temps pour sortir ses disques. En effet, le projet de Jeff Waters débite ses albums à un rythme quasi effréné, avec malheureusement parfois, un impact sur la qualité desdites réalisations. Et deux ans après un For The Demented d’excellente facture, on peut se demander si les Canadiens ont encore de l’énergie à revendre avec ce Ballistic, Sadistic. Amateurs de mélodies enlevées et nerveuses ne quittez pas cette page, vous ne devriez pas être déçus du voyage proposé.
Et pas de temps à perdre, dès le premier morceau "Armed To The Teeth" les bases sont posées. Rythme infernal, power chords, solos énervés et harmonie entêtante, l’introduction est belle. Mais le meilleur reste à venir, tant, pour ce disque, Jeff Waters et ses musiciens se sont décidés à donner un condensé idéalisé de leur vision du thrash metal. On ressent à chaque chanson le plaisir pris par le maître à penser (et seul maître à bord depuis toutes ces années) dans la composition de l’album. Les morceaux ne sont pas ancrés dans le passé, mais au contraire, montrent un thrash metal, qui, sans se renier, a su évoluer. Et cela se voit à tous les niveaux, des riffs de guitares parfois très modernes jusqu’au chant de son leader.
Car, il ne faut pas l’oublier, cela fait bientôt six ans que Dave Padden a quitté ses oripeaux de vocaliste d’Annihilator. Et, là où, au début, beaucoup pensaient qu'entendre Jeff derrière le micro principal était une fausse bonne idée, chaque nouvel album infirme ce point de vue. Sur Ballistic, Sadistic son chant est, en plus d’être varié, d’une agressivité collant idéalement avec la rage transportée par les compositions.
Sur des phrasés assez courts et hachés, portés par une tessiture rauque, ses hurlements, quasi continus, font preuve d’une grande efficacité, et s’imposent comme une des qualités de l’album. Des morceaux tels que "Dressed Up For Evil" (et son magnifique break), "Out With The Garbage" ou cette conclusion furieuse avec "The End Of The Lie" sont embellis par les progrès vocaux de Waters. Le chant, contrairement à d’anciens disques, ne gâche pas la virtuosité ambiante, mais au contraire participe à sa qualité.
Et de la qualité, il y en a dans cet album. De la qualité qui suinte de tous les pores durant ces quarante-cinq minutes d'écoute frénétique. De la production irréprochable jusqu’aux compositions, on ne peut qu’être soufflé par le boulot accompli. Car si on peut se foutre de l’égo parfois immense de Jeff Waters, difficile de ne pas reconnaître que celui-ci est un bourreau de travail. Et, là où on pouvait sur les précédents efforts voir du remplissage, le sieur est ici à son meilleur, tout autant capable de sortir des riffs impossibles que de gérer parfaitement le rendu sonore d’un disque.
Il s’agit peut-être de l’avantage d’avoir son propre studio, mais tout de même, le chanteur guitariste fait sonner ce Ballistic, Sadistic de fort belle manière. Le mixage est à l’image de la qualité de cet album, proche de la perfection. Les guitares n’écrasent pas les autres instruments, la basse est ultra présente et on se régale à écouter chacun des musiciens exprimer son talent.
On est ici abreuvé, jusqu’à plus soif, par cette récréative frénésie. Les singles ne sont pas juste là pour montrer une façade acceptable de ce Ballistic, Sadistic. Au contraire, tout le disque est excellent et rien n’est à jeter sur cet album. Comment ne pas avoir envie d’entendre en live "Riot" et son rythme fait pour headbanguer ? Pourquoi Jeff Waters n’est-il pas capable de continuellement fournir des hymnes aussi entêtants que "Psycho Ward" ? Même les passages les plus mélodiques tels que "Lip Service" ou la pause quasi éthérée de "One Wrong Move" sont au service d’une création musicale irréprochable, révélant les qualités d’un groupe souvent oublié par le "grand public" quand on parle de thrash metal.
Dans ses interviews précédant la sortie de Ballistic,Sadistic, Jeff Waters déclarait chercher à revenir aux sources de ses premiers albums avec ce nouveau disque. Et le pari est remporté haut la main. Sans pour autant atteindre la grandeur d’un Alice In Hell ou d’un Never, Neverland, Annihilator livre ici un de ses meilleurs opus. Les hymnes sont nombreux dans ce déluge de notes, réminiscences d’un thrash dopé aux mélodies heavy qui fera bien plus que contenter les amateurs du genre. Le Canadien peut être fier de son nouveau bébé tant ce disque se place dans le haut du panier de sa florissante discographie. Et pour paraphraser un ancien de notre équipe pour terminer en beauté cette chronique, disons-le clairement, ce Ballistic, Sadistic "Thrash Dans Ton Froc".
Tracklist
1 Armed To The Teeth 04:26
2 The Attitude 04:01
3 Psycho Ward 04:39
4 I Am Warfare 04:46
5 Out With The Garbage 04:26
6 Dressed Up For Evil 04:40
7 Riot 03:45
8 One Wrong Move 04:35
9 Lip Service 05:47
10 The End Of The Lie 04:15
Annihilator - Ballistic, Sadistic : sortie le 24 janvier 2020 chez Silver Lining Music