Que peut-on dire sur envy qui n’ait pas déjà été maintes fois écrit ? Dernière figure de proue d’un genre aujourd’hui délaissé par beaucoup, les Japonais restent pourtant fidèlement attachés à leurs racines. Comme un chemin, tracé sur un unique credo : transcender les sentiments les plus noirs de l’âme pour, dans un déluge de notes, s’en délivrer. Après un hiatus de deux ans faisant suite à un Atheist Cornea qui montrait pour la première fois une (certaine) lassitude chez le groupe, revoici le désormais sextet de retour aux affaires avec The Fallen Crimson.
Au cours de sa longue carrière et de ses dorénavant sept albums, envy a évolué de bien différentes manières. D’un screamo hargneux, crachant son désespoir à la face du monde, la formation avait par la suite tracé bien des chemins pour retranscrire sa tristesse. Entre le post-rock d’Insomniac Doze, les élans shoegaze de Recitations et du split avec Jesu en passant par moult expérimentations, nombreuses furent les mues transformées avec succès par les Japonais.
De ces différentes voies qui ont placé envy au statut de groupe culte, The Fallen Crimson est un carrefour. En resserrant la durée des morceaux ("seulement" cinquante-quatre minutes pour onze titres), ce nouvel album tire le meilleur de son passé sans pourtant faire du surplace. Il n’y a qu’à écouter "Statement Of Freedom" pour s’en convaincre. Dès l’introduction, les Japonais bandent les muscles et délivrent des riffs quasi post-hardcore, toujours portés par la puissance vocale de Tetsuya Fukagawa.
Ses hurlements, qui semblent sortir du fond de ses tripes, transcendent et se subliment dans ce maelstrom sonore composé pour la première fois depuis quinze ans par trois guitares. À ce titre, tout autant que le retour du chanteur, envy doit ce retour en haut de l’affiche à ses nouveaux membres. Yoshi et Yoshimitsu Taki, les deux guitaristes impulsent ainsi un sacré vent d’originalité au groupe. Ces nombreuses cordent constituent un véritable mur de son sur lequel se lézardent les notes de chaque instrument, créant un tout à la fois distinct et cohérent. Quant au batteur, Hiroki Watanabe, on sent tant sa déférence à jouer avec des musiciens qui l’ont influencé pour heaven in her arms que son besoin d’apporter du renouveau.
Certaines parties de batteries confèrent une violence que l’on n’avait plus entrevue depuis très longtemps dans la formation et magnifient les compositions du guitariste fondateur Nobukata Kawai. "Marginalized Thread" et "Fingerprint Mark" sont ainsi baignées d’une puissance hardcore que l’on ne pensait plus revoir chez envy. Et pourtant, il y a dans The Fallen Crimson d’intenses moments lumineux au milieu de ce déluge de noirceur, qui marquent un espoir au milieu de ces tourments. Avec "Rythm", Tetsuya délaisse d’ailleurs le chant pour laisser une voix féminine remplir de douceur un disque tumultueux, pause bienvenue après un premier tiers d’album éprouvant émotionnellement.
Mais cette touche d’espoir apparaît aussi dans ces orchestrations, ces nappes évanescentes qui habillent certaines chansons comme "Eternal Memories and Reincarnation" ou encore "Dawn and Gaze" et son refrain bercé par des choeurs féminins. Là où certains groupes pourraient tomber dans la démesure, jusqu’à en faire rire, les Japonais ont ce pouvoir de ne jamais se rendre ridicules.
Au contraire, le succès d’envy provient de sa puissance, de cette science de toucher au plus profond des sentiments. Les interprètes semblent s’abandonner sur chacune de leur composition, se mettant à nu sans aucune retenue à chacune des notes de l’album. La musique du groupe paraît tel un langage, qui casse toutes les barrières, linguistiques et sonores, pour ne laisser parler que l’émotion et la transcender. L’émotion totale, simple, à la fois profonde et véritable, celle qu’au final, peu savent livrer sans peur à leurs semblables.
In fine, The Fallen Crimson est un petit bijou, un disque pur et incandescent qui frappe en plein cœur. La pause de deux ans de Tetsuya Fukagawa et le recrutement de nouveaux membres auront permis à envy de se renouveler et de redonner une impulsion bienvenue chez un groupe qui vogue doucement vers ses trente ans d’existence. Et qui continue, de manière aussi belle que frénétique, d’inscrire sa légende.
envy - The Fallen Crimson : sortie le 07 février chez Pelagic Records
Tracklist :
1. Statement of freedom
2. Swaying leaves and scattering breath
3. A faint new world
4. Rhythm
5. Marginalized thread
6. HIKARI
7. Eternal memories and reincarnation
8. Fingerprint mark
9. Dawn and gaze
10. Memories and the limit
11. A step in the morning glow
