Le retour de Body Count se fait dans le vacarme. Un amas de bruits violent, brut, et sans concession qui laisse pantois vu l’âge d’Ice-T, qui vient de fêter ses 62 ans en cette année 2020. Et après un Bloodlust dévastateur en 2017, mixture parfaite de rap, de hardcore et de metal, voici les Angelinos de retour avec Carnivore, bien décidés à tout bouffer sur leur passage.
Le titre éponyme introduit efficacement l’album, sans aucune finesse ni délicatesse. La maison brûle, et Body Count n’est pas là pour jouer le pompier de service, mais plutôt lui jeter des Molotov dessus. L’adage "l’homme est un loup pour l’homme" sied comme rarement à ce premier tube de l’ouvrage. Paroles percutantes, riffs lourds et cassants, on imagine immédiatement les ravages à venir dans le pit. Tout comme "Bum-Rush", qui bien que plus heavy, notamment dans son solo, fait preuve de cette même énergie primitive.
Et on sent bien ce qui anime les Américains dans leur musique. Cet agglomérat d’injustice, de violences policières, de racisme latent, qui se transforme en rage, enflamme l’intégralité de l’album, de chaque riffs à chaque mot proféré par Ice-T. Ce sentiment atteint son paroxysme sur "Point the Finger", exutoire où Riley Gale de Power Trip décuple l’intensité du morceau via une interprétation emplie d’animosité. Composition la plus crossover de Carnivore celle-ci est aussi l’un de ses plus intéressants tant Vincent Price délivre un groove ravageur sur sa basse qui met en valeur le jeu de guitare d’Ernie-C.
Et preuve de ce bon goût dans la malveillance dans lequel Body Count se repaît ici, les beatdown s’enchaînent glorieusement sur Carnivore. Le disque est taillé pour la scène et sera clairement un bonheur pour les amateurs de défouloir dans le pit. Le groupe en va même à sampler des bruits de sabre, de coups et d’os brisés sur "Thee Critical Beatdown", témoignage de la douceur intrinsèque de ce disque.
À l’instar des précédents albums, Carnivore s’érige en brûlot et réussit sans difficulté à intégrer une dimension politique à ses morceaux. Et qui, en plus, renforce ce côté hip-hop par l’utilisation de ce metal hardcore de haute volée. Néanmoins, malgré une production impeccable, où chaque instrument est audible et n’empiète pas le spectre auditif pour mieux laisser Ice-T enchaîner ses uppercuts, cet album n’atteint la qualité de son illustre aîné Bloodlust. La faute à certaines chansons qui sentent fort le remplissage. Ainsi, bien qu’écoutable, "Ace of Spades" est une reprise loin d'être inoubliable et aurait eu sa place en face B. Et si "Colors – 2020" remet au goût du jour un classique de la carrière solo du chanteur, elle aurait gagné à mériter le même traitement, quitte à être remplacée par la piste bonus "6 in tha Morning".
À côté de ça, même si "No Remorse" et "Another Level" paraissent un poil en dessous du reste, le disque est de très haut niveau et réserve encore des surprises. Preuve en est "When I’m Gone" où officie Amy Lee, chanteuse d’Evanescence. Et le résultat (contre toute attente diront certaines mauvaises langues) se révèle intéressant, notamment dans son refrain où Amy Lee apporte un degré supplémentaire de mal-être derrière la plus mélodique des compositions de l’album.
Bien que Carnivore soit moins équilibré et marquant que Bloodlust, difficile de bouder son plaisir devant un tel album. Mixture parfaite de rap et de metal, portée par une rage profonde et viscérale, le disque est à l'image de son titre. Et comme Ice-T le déclarait il y a quasiment trente ans, "Body Count’s in the house", et il va être difficile de les déloger.
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