Jeune formation française, The Wolf You Feed décrit la musique de And the Wild Returns, son premier album, comme du metal progressif. Pourtant, l'appellation semble réductrice car le groupe s'aventure dans plusieurs directions musicales, choisissant délibérément de s'affranchir des barrières stylistiques. Tour à tour, power, heavy, stoner voire rock, And The Wild Returns est un opus surprenant qui méritait que l'on s'y attarde.
Avec un patronyme tel que The Wolf You Feed (dont la symbolique est décortiquée dans notre interview), on ne peut s'attendre qu'à une vive morsure de la part de ce combo francilien. Pourtant, "Fight With a Smile", qui ouvre l'album, débute de la façon la plus mélodique possible à travers des arpèges cristallins et la voix dépouillée de Nash (chant). L'assaut démarre un peu plus loin et le titre se mue alors en composition fortement influencée par le power et le heavy mélodique (les choeurs martiaux y sont clairement pour quelque chose). Si ce premier titre reste pourtant relativement classique, malgré un beau solo de guitare, la suite sera d'un autre acabit. "Victory" est plus mordante encore, agrémentée d'un refrain épique mais surtout d'un pont acoustique particulièrement réussi. "He Who Brings Destruction", à l'image de son titre, lorgne du côté du metal extrême avec un riffing qui rappelle le Dream Theater de Train of Thought et un chant presque growlé sur le chorus.
A travers ces trois premiers titres, The Wolf You Feed tient déjà à montrer la diversité de sa palette stylistique. Et les choses ne s'arrêtent pas en si bon chemin : "Next To Nothing" est un titre aux relents presque jazz, uniquement interprété à la basse par Greg, le fondateur du groupe. Avec un son à mi-chemin entre Sean Malone (Cynic) et Geddy Lee (Rush), le bassiste délaisse la technique pure pour une approche mélodique et réitèrera l'expérience sur le titre de clôture, un "No Nature No Future" en forme de duo basse / batterie. Mais la composition la plus surprenante de l'album reste "Come Along The Shadows", qui avec ses arrangements pour cordes frottées et sa ligne vocale, est typiquement rock voire pop.
Cette diversité de style est clairement le point qui risque de diviser les auditeurs car en assumant totalement cette direction artistique ("In the Sea of Insanity"), l'album semble au premier abord souffrir d'un manque de cohérence entre les pistes. Heureusement cette cohésion est assurée par une production plus que décente pour un groupe autoproduit. En effet, la batterie ne manque pas de punch (comment aurait pu en être autrement avec un batteur de la trempe d'Aurélien Ouzoulias derrière les fûts ?), les plans de guitare de Karim se font tour à tour planants ("In the Sea of Insanity") puis mordants ("Dress Code Blood (Hidden Demon)", "He Who Brings Destruction") et les morceaux possèdent des mélodies accrocheuses ("Victory").
Nous mentionnions précédemment Dream Theater. Heureusement, The Wolf You Feed se détache de cette influence très largement revendiquée dans le metal progressif pour développer une musique plus basée sur l'émotion que sur la technique. C'est le cas sur le fort réussi "In the Sea of Insanity" sur lequel la personnalité du groupe s'exprime pleinement. Et ce n'est pas le plan en shuffle fortement teinté de jazz à 5:44 qui nous fera mentir.
Au rang des reproches, le chant de Nash reste malheureusement en partie handicapé par un accent français relativement prononcé (à l'image de nombreuses formations hexagonales), et l'on regrette que le trio (Aurélien Ouzoulias n'étant qu'un musicien de session) ait choisi d'inclure à sa tracklist un titre de la trempe de "Come Along the Shadows", trop inégal et qui détonne avec le reste de l'album ou un "Fight with a Smile" plus classique. On aurait souhaité plus de titres dans la veine de "In the Sea of Insanity", qui dévoile toute la personnalité du combo à travers ses neuf minutes. Mis à part ces points négatifs, And The Wild Returns reste un effort de qualité pour un premier album, et ses quelques défauts seront probablement gommés sur les prochains opus du groupe.
D'ici là, on souhaite à The Wolf You Feed de pouvoir se produire rapidement sur scène une fois les salles de concerts à nouveau ouvertes, afin de faire profiter les amateurs de metal prog de sa musique si singulière.
Tracklist :
Fight With a Smile
Victory
He Who Brings Destruction
Next to Nothing
Come Along the Shadows
10000 Eyes
Dress Code Blood (Hidden Demon)
In The Sea of Insanity
No Nature No Future
Déjà disponible chez MusicÖEyes
Photographies : DR The Wolf You Feed