Les Suédois de Pain of Salvation nous avait quittés en 2017 avec l’excellent In the Passing Light of Day. Avec cet opus, ils avaient réussi à faire la synthèse entre leurs premiers albums plus violents et la nouvelle direction vintage. Trois ans ont passé, et voici leur nouvel effort intitulé Panther. Le line-up a (encore) changé avec le départ de Ragnar Zolberg et le retour de Johan Hallgren à la guitare et au chant. Un presque retour en arrière qui nous rappelle l’époque du diptyque Road Salt. Alors on peut se demander comment va réagir la formation après un album fédérateur et le come-back du guitariste phare de la formation, même si au final, depuis le début, Daniel Gildenlöw reste le seul maître à bord.
La sortie du single "Accelerator" en avait choqué plus d’un et avait pour but de délivrer le message suivant : "non Pain of Salvation ne fait pas dans le recyclage". Le premier morceau tranche clairement avec les atmosphères développées auparavant avec une production moderne, des synthétiseurs froids, des glitchs, bref on se croirait presque dans du nu-metal teinté de synthwave. Pour les fanatiques du groupe, le choc a pu être violent mais pour ceux qui seraient vraiment perdus, on retrouve la patte des Suédois avec cette alternance heavy/douceur et ces rythmes syncopés délivrés par le batteur français Léo Margarit. Le choix d"Accelerator" en ouverture de l’album s’avère être le bon puisqu’il présente bien la volonté du groupe d’avancer. Après un voyage vers le passé, Pain of Salvation est de retour vers le futur.
Et ce n’est pas le deuxième single "Restless Boy" qui dira le contraire. Autre choc pour les fans, le morceau est clairement l’ovni de l’album, voire de la discographie entière. Sorte de ballade trip hop qui évolue en metal plus dur à la System of a Down, la chanson s’appuie sur un orgue éthéré, la voix de Daniel vocodée et une batterie jazzy. On reconnaît quand même bien la volonté du groupe de jouer sur les ambiances, les styles pour créer quelque chose d’unique.
La force du groupe est résolument dans cette dichotomie permanente, entre heavy et douceur, modernité et vintage et le meilleur exemple pour illustrer ce propos reste le morceau "Panther". Titre éponyme de l’album, on est clairement dans du nu metal que n’aurait pas renié Linkin Park avec ses synthétiseurs puissants et ses riffs incisifs sur lesquels Daniel pose son rap. Mais dès qu’arrive le refrain, l’ensemble se fait plus doux, plus crooner et sensuel.
Il convient donc de louer la versatilité de Daniel Gildenlöw, même si son talent n’est plus à prouver. Mais on sent quand même qu’il a passé un cap dans la diversité de son chant : dur, suave, froid avec le vocodeur, Daniel reste le maître et n’a pas son pareil pour guider l’auditeur dans l’émotion qu’il veut véhiculer. En effet, l’atout majeur du groupe est de délivrer un metal progressif rempli d’émotions et d’atmosphères diverses. Pour Pain of Salvation, il faudrait créer un nouveau style intitulé "cinematic progressive metal" tant les ambiances nous transportent instantanément vers d’autres univers. Alors que l’intro de "Panther" intitulée "Fur" nous amènera vers le moyen-âge et la renaissance grâce à la mandoline de Johan Hallgren, "Unfuture" nous fera retourner à l’époque des westerns même si son propos reste tourné vers le futur. Encore une preuve de la dualité du groupe.
Il faut quand même rassurer les fans : Pain of Salvation reste Pain of Salvation et la plupart de l’album est dans la veine des albums précédents. "Wait" représente la ballade classique avec un riff au piano repris à la guitare sèche, le tout accompagnant les envolées lyriques de Daniel. "Keen to a Fault" aurait largement pu figurer sur BE avec son violon torturé qui prend le lead et ses riffs de guitare puissants. "Species" quant à lui, semble sortir de Road Salt avec une intro assez vintage pour aller crescendo vers quelque chose de plus heavy. Et enfin "Icon", l’epic de l’album rappellera aux auditeurs que le groupe puise son inspiration dans le rock progressif des années 70 avec une profusion de mellotron, de l’orgue hammond et surtout un solo de Johan Hallgren très Gilmourien et Oldfieldien. Cet exercice de style, toujours boudé par le groupe, permet de mettre réellement en valeur le talent de Johan et devrait se systématiser à l'avenir tant le guitariste le réussit, en ne versant pas dans la technicité sans âme.
Avec cet opus, Pain of Salvation utilise la même formule qui consiste à délivrer un rock/metal progressif rempli d’émotions mais tend à aller de l’avant. Avec des expérimentations, une production parfois plus moderne, le groupe ne veut pas tourner en rond et évite l’écueil de la redite. 23 ans après son premier album, la formation de Daniel Gildenlöw nous propose un opus extrêmement varié, qui a largement sa place dans la discographie et qui rend le groupe encore intéressant et novateur.
Tracklist
01 Accelerator
02 Unfuture
03 Restless Boy
04 Wait
05 Keen To A Fault
06 Fur
07 Panther
08 Species
09 Icon
Sortie le 28 août 2020 sur le label Inside Out Music
Photos : DR Inside Out Music