Obsidian Kingdom – Meat Machine

Certains albums sont plus délicats à appréhender que d’autres, et semblent se soustraire à toute tentative d’analyse ou de classification, tournoyant autour de l’auditeur sans se laisser apprivoiser. L’œuvre d’Obsidian Kingdom est de ceux-là, et plus encore son dernier opus, Meat Machine, qui pousse toujours plus avant le malaxage des courants musicaux pour tous les fondre en un genre indéfinissable et insaisissable.

Et même après de nombreuses écoutes, Meat Machine semble loin de s’être révélé entièrement, se dérobant à ceux qui tentent avidement d’en saisir les nuances, d’en explorer les moindres recoins. L’album est marquant, sans conteste. Metal expérimental est ce qui définit de la façon la plus basique possible la musique du quintette barcelonais, et pourtant l’appellation semble galvaudée face à un tel album.

La première impression est celle d’un voyage chaotique, malmené par les éléments, aspiré par les tréfonds de l’obscurité humaine, incarné par un tourbillon d’influences hétéroclites qui s’entrechoquent, s’affrontent et se fondent entre elles. De la violence, de la technicité, des envolées atmosphériques, un mal-être sourd qui suinte entre deux décharges d’adrénaline.

L’ensemble est globalement puissant et agressif, même s’il n’est pas que ça, metal indéniablement, semblant puiser à presque tous les courants de ces trente dernières années, mais l’on ne saurait l’y réduire à ce genre. A l’exception du rap et du grindcore, on se demande à quelle source Obsidian Kingdom n’est pas allé puiser : metal progressif, metalcore, rock alternatif, sludge, electro, neometal, musique orchestrale, post-rock atmosphérique, indus, indie-rock voire pop, death, stoner, la liste des influences est interminable.

Et tout cela, les Barcelonais arrivent à le créer avec deux guitares (Viral Vector Lips et le chanteur Rider G Omega), une basse (Om Rex Orale), des claviers (la chanteuse Jade Riot Cul), une batterie (Ojete Mordaza II). Le chanteur passe aisément d’un scream très particulier à une voix claire extrêmement mobile à du growl, la chanteuse est capable de parties vocales dépouillées, étrangement douces dans ce maelstrom, et d’envolées qui, si elles ne sont pas à proprement parler lyriques, n’en demeurent pas moins techniques, et va même jusqu’à s’adjoindre les services d’un vocodeur.

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Les guitares et la basse, lourdes et très avant, jonglent aussi avec les styles, passent de riffs metalcore à des atmosphères death, se calment parfois pour un jeu plus heavy metal, voire indie rock, à la limite parfois de la pop. Les blasts de batterie explosent en de nombreuses occasions, accentuant la puissance de l’ensemble ou au contraire maintenant une tension sous-jacente quand les autres instruments atterrissent momentanément. Et les claviers, en de rares occasions accompagnés de cordes, font évidemment un travail impressionnant sur les atmosphères, les champs sonores qui s’entrecroisent en un harmonieux chaos, l’indus cédant le pas à l’indie pop, le metalcore se muant en electro, la musique orchestrale s’achevant en envolée de metal atmosphérique.

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A lui seul, aucun morceau n’est représentatif de l’album. Le premier, « The Edge », marque évidemment par son entame agressive au possible, très metalcore mâtinée de neometal, entre autres dans le chant, toutes guitares dehors agrémentées de nappes electro, avant de rapidement s’effacer devant une voix féminine soutenue par un piano minimaliste, pour s’achever dans une explosion de blasts derrière des chœurs gutturaux scandés. « The Pump » mixe dans une bonne dose d’agressivité ambiance indus, voix claires, batterie death et claviers indie ; « Flesh World » passe d’un metal atmosphérique à d’inquiétantes imprécations ; « Womb of Wire » provoque une collusion détonante entre des éléments de neo-metal expérimental, indus, des instruments non identifiés, du vocodeur, du piano, du scream… Les paroles torturées renforcent ce chaos sonore, on y décèle une obsession pour le corps, la blessure, la frustration, la dimension limitante d’un corps réduit à une enveloppe.

Manque peut-être parfois un peu de cohérence entre certains morceaux : il en est de magnifiques et stupéfiants qui semblent malgré tout étrangers à l’album, comme s’ils s’affranchissaient totalement des autres compositions – entre autres l’ouverture et la clôture de l’album – quand d’autres semblent se répondre entre eux, ancrés dans un indie-metal accrocheur mais tout de même étonnant (« Naked Politics », « Spanker », « Vogue »).

Mais cette réserve est presque insignifiante comparée à la puissance, la technicité et la singularité de l’ensemble. Expérimental dès ses débuts, Obsidian Kingdom se fait avec Meat Machine encore plus aventureux, déboussolant, agressif, étrange, atmosphérique, improbable. Unique.

Tracklist
1. THE EDGE(3:58)
2. THE PUMP (4:24)
3. MR PAN (5:38)
4. NAKED POLITICS (4:21)
5. FLESH WORLD (6:15)
6. MEAT STAR (4:41)
7. SPANKER (4:19)
8. VOGUE (3:42)
9. WOMB OF WIRE (5:17)
10. A FOE (5:26)

Sortie le 25 septembre 2020 chez Season Of Mist

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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