Faire entendre Islande et metal dans une même phrase revient souvent à entendre parler de Solstafir, mais c’est oublier dans le black metal des groupes solides et bien ancrés tels que Svartidauði ou encore Auðn, auquel on va aujourd’hui s’intéresser. Et alors que Farvegir fyrndar, sorti pratiquement il y a trois ans jour pour jour, était un des meilleurs albums du style de l’année 2017, que pouvait-on attendre d’un nouveau disque ? Toujours chez Season Of Mist, les Islandais ont donc décidé d'afficher leur créativité sur les dix pistes de Vökudraumsins fangi.
Malgré son titre quasi enchanteur – qui pourrait se traduire par « prisonnier d’un rêve éveillé » -, rien chez Auðn n’appelle à la joie. Le rêve éveillé serait sur ce disque quasi cauchemardesque, mais d’une beauté froide et macabre, de celle qui vous attire d’une manière hypnotique. Véritable récital de toutes les périodes qu’a pu traverser le black metal, les compositions des Islandais sont faites de changement de ton, de cassures et de pauses mélancoliques, où s’impriment des notes tant glaçantes que mélodiques.
La musique de Auðn aime se faire fluctuante, mouvante et prendre le temps dans sa construction. Dès l’introduction de la première piste "Einn um alla tíð", le ton est donné. Aux claviers élégiaques se succèdent les hurlements écorchés et rageurs d’Hjalti Sveinsson, soutenus par un mur de guitares qui assène une énergie épique au morceau. Le tout est indéniablement imposant, étouffant, tant les trémolos portés par les trois guitaristes du sextet édictent un authentique verrou psychologique.
La qualité de la production permet de rendre audible cet étau que tente de former Auðn sur cet album, cette sorte de cauchemar duquel on ne peut sortir. La puissance sonore qui en découle, revêtue comme dit plus haut par ces trois guitares , chacune perceptible, donne un véritable corps à ces atmosphères sombres et sans retour qui nous sont ici contées.
Les variations sont tout de même nombreuses, que ça soit au travers des morceaux, ou en leur sein même. Derrière cette unicité mélodique et thématique, le groupe connaît ses classiques tant et si bien qu’on voyage entre les sous-genres du black metal. Le mal-être et la mélancolie se diffusent dans toutes les chansons, que ça soit du groove rock’n’roll de "Verður von að bráð" aux paysages désolés portés par une douce et longue introduction de "Næðir um".
Et quand bien même la structure des pistes est parfois trop proche et se forme dans un moule similaire- où quand il y a préambule, cela finit en exutoire brutal et inversement - il y a peu de chances de se lasser tant la qualité d’écriture est présente. A ce titre, le final de l’album est tout bonnement époustouflant de puissance. "Ljóstýra" secoue chaque parcelle de noirceur en nous avant que l’instrumentale éponyme paraisse dévoiler un tant soit peu d’espoir, où violence et beauté ne semblent pas être incompatibles.
Auðn vient encore avec Vökudraumsins fangi de sortir un bel album. Dans une discographie sans fausse note, ce nouveau-né ne fait pas tache face à ses frères et susurre un souffle froid, mordant et tragique à l’oreille de ses auditeurs. Très théâtrales et portées par la force du chant en islandais, ces dix pistes qui parfois se ressemblent sont autant d’invitations à plonger fiévreusement dans un monde opaque. Et cet album est un parfait exemple d’exutoire, de puissance, et de beauté ténébreuse qui transcende et sublime les salissures.
Tracklist
1. Einn um alla tíð
2. Eldborg
3. Birtan hugann brennir
4. Verður von að bráð
5. Drepsótt
6. Næðir um
7. Horfin mér
8. Á himin stara
9. Ljóstýra
10. Vökudraumsins fangi
Auðn - Vökudraumsins fangi sorti le 30 octobre 2020 chez Season Of Mist