Si certains albums affichent ouvertement leurs influences, leurs objectifs, leur construction, d’autres demeurent mystérieux même après bien des écoutes. Fear, d’Onsegén Ensemble, est de ceux-là. Mouvant, insaisissable, cinématographique et envoutant, le troisième effort des Finlandais marque l’auditeur tout en se dérobant à lui.
C’est une musique qui happe dès les premiers instants et ne lâche plus. Un rock progressif sorti des entrailles des terres finlandaises qui prend tour à tour des envolées souterraines et aériennes. Onségén Ensemble n’en est pas à son coup d’essai, puisque Fear est son troisième album, mais il pourrait être son plus abouti.
L’album, où les passages instrumentaux prennent largement le pas sur les parties chantées réduites, mixe avec habileté prog, post-rock, psychédélique, et certains y trouveront même des airs de post-metal ou de krautrock. Le tout avec neuf musiciens, et des instruments à foison : outre guitares, basse, batterie, voix masculine et féminine, le groupe multiplie les instruments à vent, qu’il s’agisse de cuivres, notamment trompette et saxophone, ou de bois, clarinette et flûtes en tête.
Pourtant, l’ensemble est tout sauf décousu. En sept titres, le groupe déroule un son complet, cohérent, homogène. Les morceaux ont leur identité propre, les instruments font souvent preuve de beaucoup de modulations et de variations. Le rythme change au gré des morceaux, l’énergique « Stellar » s’opposant à la douceur d’ « Earthless » qui suit, et chaque morceau recèle de détails qui lui sont propres. « Non Returner » se caractérise par ses chœurs aériens et ses percussions, « Earthles », débuté à l’arpège de guitares, monte en puissance très progressivement tout en s’appuyant, une fois n’est pas coutume, sur son duo de voix masculine et féminine. « Fear » surprend par des percussions presque tribales, quand « Sparrow’s Song » s’illustre par son aspect western.
Mais l’ADN est le même dans tous les titres, et l’homogénéité sans faille. La musique reste contemplative, énigmatique, extrêmement cinématographique. Le travail sur les transitions est particulièrement fourni, tant il est difficile de savoir où commence et où finit chaque morceau. L’album pourrait par instants sembler monotone, mais en se limitant à cinquante minutes, il évite sans mal l’ennui, ne s’en faisant que plus lancinant. Et si les arrangements sont foisonnants, ce sont bien les cuivres qui portent l’ensemble, omniprésents, incongrus et indispensables. Fear semble à la fois plus calme et plus tourmenté que ses prédécesseurs, il est en tout cas un album important de cette fin d’année, de ceux qui désorientent durablement.
Tracklist
Non-returner
Stellar
Earthless
Fear
Sparrow’s Song
Lament of Mine
Satyagrahi
Sortie le 20 novembre 2020 via Svart Records
