Les Gros émergents du mois d’avril 2021

Chaque mois, notre rédaction met à l’honneur quelques formations émergentes qui lui ont tapé dans l’œil (ou plutôt dans les oreilles). Nous espérons que cette mise en lumière permettra à des groupes passionnés et de qualité d’obtenir l’exposition qu’ils méritent, car ils sont la preuve de la richesse et la diversité de notre scène musciale. Bonnes découvertes !

Stranger Vision - Poetica (power metal)
 


A tous les accros de power metal épique, Stranger Vision est là pour leur apporter leur dose indispensable d’héroïsme et de mélodies accrocheuses. L’album réunit tous les ingrédients qui plairont aux fans du genre : une voix très typée, relativement puissante, qui opère dans un registre assez aigu et multiplie les envolées ; des riffs de guitare à la pelle, avec des soli réguliers sans verser dans l’overdose ; des claviers et des chœurs qui viennent rehausser la dimension épique de l’ensemble. La part belle est vraiment donnée à l’aspect mélodieux, les arpèges clairs traversent l’ensemble, les riffs peuvent s’envoler dans les aigus ou se faire plus graves et lourds pour venir muscler les morceaux mais ne partent jamais dans des sonorités sur-saturées, la basse et la batterie sont présentes mais relativement discrètes.

Les mauvaises langues pourraient dire que l’album a une tendance à accumuler les poncifs du genre et ne le révolutionne pas, mais le reproche serait mesquin pour un tout premier album, qui plus est d’un groupe tout juste formé en mai 2019. Les Italiens livrent un opus extrêmement maîtrisé pour un premier effort, absolument entrainant ("Gates of Tomorrow", "Never Give up", "Before the Law", "Hero of the New World"…), bien qu’avec quelques titres dispensables et un peu trop long (il dépasse l’heure).

Mais la formation est prometteuse, et, cerise sur la panna cotta, incorpore un extrait du poème de William Ernest Henley "Invictus" (souvent cité par Nelson Mandela, et qui a donné son nom au film de Clint Eastwood) dans l’héroïque "Hero of the New World" avant d’intégralement le mettre en musique – avec brio – sur la piste suivante. Une nouvelle preuve du bon goût transalpin.

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Chronique de Aude D

 

Dr Schafausen - Waiting For Tomorrow (metalcore dystopique) 
 

Dr Schafausen est le nom du projet solo de Sergio Pagnacco, bassiste de Vanexa, mais c’est aussi le personnage principal et auteur de la trame narrative complexe élaborée dans ce premier opus, Waiting for Tomorrow. Cet alter ego, qui n’est pourtant pas si loin de la réalité (Sergio Pagnacco étant lui-même médecin audioprothésiste et ORL), propose une plongée dans un futur effroyable qui semble toutefois bien actuel, employant le mélange des genres (metalcore, djent, et rap) pour narrer cette vision pessimiste et dystopique d’un monde où oppression, solitude et violence sont devenues la norme. 
 
L’expertise du docteur ès basse se constate dans le beau travail sur la rythmique. Les morceaux sont variés et enlevés, marqués par de nombreux changements de rythme : du groove imparable sur les passages franchement trap aux breakdowns syncopés très metalcore, en passant par le djent technique et tranchant des guitares saturées, tout concourt à mimer les chocs erratiques de cet univers violent et désolé, tout en imposant une efficacité assez entraînante. L’identité vocale n’est pas moins complexe à définir : les morceaux reposent sur énormément d’harmonies et des jeux sur la multiplicité des chants. Officiellement, il n’y a que deux vocalistes, le Russe Slava Antonenko  et le Docteur, mais la réalité montre une richesse et une diversité surprenante : au sein d’un même morceau peuvent cohabiter des passages intenses de chant clair, des growls sinistres, mais encore des screams deathcore ou encore des lignes (t)rappées impeccables.
 
Côté propos, Dr Schafausen expose sa vision d’un monde dystopique en abordant des thèmes aussi variés que la violence sur les réseaux sociaux ("Cryptoviolence"), le quotidien des patients atteints d’acouphènes ("I Will Never Live in Silence"), ou encore la dépression et le suicide, au coeur du single "Beautiful Girl", tout en groove et en sensibilité. C’est finalement sur la souffrance de l’âme que se concentre surtout notre docteur : Le tempo galopant de "Can’t Get the Best of Me" s’avère être l’énergie du désespoir, et la réflexion métaphysique se poursuit avec l’agression et la puissance du morceau très kafkaien "Transient Parasite".  Avec la curiosité "2127", le concept prend toute sa dimension : dans ce morceau bicéphale, un beat rap moderne de deux minutes laisse place à un metal rageur, puis les deux univers se mêlent, pour évoquer le parallèle entre la récente vague de décès de jeunes rappeurs US à l’âge de 21 ans, et le tristement célèbre "27 Club".         
 
En définitive, inutile d’attendre demain, nous y sommes : avec son propos pessimiste, illustré toujours justement par un savant mélange de lourdeur et de rebond, une imagination débordante, et un son moderne et osé, Dr Schafausen se place indéniablement dans l’air du temps…


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Chronique de Julie L

 

Soothsayer - Echoes of the Earth (atmospheric doom metal)

 

Le quintette irlandais Soothsayer, existe depuis 2013. Un EP, un split, et de nombreux concerts plus tard, la formation doom metal présente aujourd’hui son premier album studio, Echoes of the Earth. Les six longs titres, représentant 51 minutes de musique, imposent un doom lugubre et glacé, et pourtant énergique, mêlant autant d’atmosphérique, de sludge, que de death triomphant. Une variété qui, pourtant, n’a rien d’hétéroclite. La maîtrise des musiciens, l’ingéniosité des compositions – toutes différentes, à l’identité bien marquée – et la production impeccable permettent à l’album d’irradier par son intensité. L’album est chargé, surchargé, de férocité mais aussi d’émotions, capable de s’immiscer dans les âmes, par le pouvoir des chants incantatoires, hurlements glaçants, et growls sinistres.
 
Cri de souffrance autant qu’une vengeance de la Terre à l’encontre de ceux qui l’ont menée à sa destruction, Echoes of the Earth présente de longues introductions, des atmosphères inquiétantes, et des crescendos de lourdeur doom, terminant en furie surpuissante. Des chants tribaux ("Fringe"), du growl funeste et des incantations se mêlent aux murs de guitares vrombissantes avant des accélérations impressionnantes, tempo punitif et cris inquiétants ("Outer Fringe"). Funèbre, angoissant et horrifique, le morceau "War of the Doves", avec la participation, à la complainte glaçante, d’Eugene Robinson (Oxbow), fait entrer la dissonance, la douleur et l’agonie. Le titre le plus court (six minutes tout de même) n’est pas moins travaillé : "Cities of Smokes", magistral, démontre le talent du quintette, parfaitement à l’aise dans les transitions, offrant à l’auditeur une incursion épique dans les profondeurs et la noirceur de l’âme humaine. Le hurlement déchirant du vocaliste Líam Hughes accompagne les différentes ambiances sludge, atmo, death, là où les guitares et la section rythmique prennent une puissance considérable, pour arriver sur un final magistral, impitoyable dans la violence et la furie.
 
Echoes of the Earth marque autant par les émotions que par l’agitation brute, sorte de déchirement organique, qui traverse tous les morceaux, rappelant parfois Cult of Luna.  Pour un premier effort, Soothsayer produit somme toute un ouvrage cohérent et extrêmement bien travaillé, tout en complexité et en noirceur, une version brute mais moderne, très post, du sludge / doom metal atmosphérique, qui pourra dévoiler sa qualité et son intensité de façon progressive aux auditeurs désireux de plonger dans des abîmes de rage et de désespoir.
 

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Chronique de Julie L

 

Redemption – Three Of A Kind (Rock N' Roll / Stoner)
 

Redemption est avant tout une histoire de famille. Celle de deux gamins (qui avaient 9 et 15 lors de la création du groupe en 2017!) ayant entraîné leur père dans leur idée de s'éclater en jouant du rock, tout simplement. Voilà un récit qui vous fera inmanquablement penser à celui Phil Campbell et ses Bastards Sons, pour qui les Français de Redemption ont d'ailleurs déjà joué en première partie.

D'ailleurs, les ressemblances entre les deux formations ne s'arrêtent pas là : la musique proposée par le trio est clairement influencée de celle du Gallois. Three Of A Kind transpire le rock et applique une recette certes éprouvée, mais qui continue toujours à faire ses preuves : des refrains simples et accrocheurs, une section rythmique d'une efficacité implacable, ainsi que des messages évidents et sans prise de tête ("Rock Or Die", "Welcome To The Wild", "Play It Louder"...). Nous pensons aussi à Headcharger tout au long de ses 39 minutes et notamment avec le puissant "Dark Side", la bande se plaisant visiblement à naviguer entre rock et stoner, en teintant toutefois son propos d'un soupçon d'aggressivité supplémentaire.

Three Of A Kind est le premier LP du trio, mais le groupe n'est pas sans expérience et a déjà publié deux EP. Au delà de l'aspect fun évident autour du projet, on devine aisément un sérieux travail de composition derrière chaque titre. Autoproduit, le disque a été mixé par Sylvain Masure (Mass Hysteria, etc.), et possède un son brut et convaincant. Une très belle histoire doublée d'une musique qui fait plaisir à entendre, que demander de plus ?  

Site 

Chronique de Axl D

 



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