Opera Diabolicus – ” 1614

Élisabeth Báthory (orthographe d'origine s'il vous plait). Qui n'a jamais entendu parler de ce personnage historique emblématique aux mystères sans nom ?

Inspiratrice de nombreuses imageries et ambiances seyant parfaitement au metal et à son côté funeste ou lugubre, contesse meurtrière connue pour son sang froid et sa cruauté sans pareils, cette hongroise a inspiré de nombreux contes folkloriques dans lesquelles elle se serait notamment baignée dans le sang de ses victimes (de jeunes vierges) afin de garder sa jeunesse. Coutûme agréable et originale qui lui a valu des surnoms tels que la Comtesse Sanglante ou la Comtesse Dracula (inspirant directement le mythe popularisé par Bram Stoker à travers le patronyme de son célèbre vampire). Bien qu'amusantes, ces légendes ont été largement écartées par les historiens modernes mais persistent malgré tout dans les croyances populaires... et c'est tant mieux, car sans cela nous n'aurions pas connu quelques grands moments musicaux ou littéraires.

C'est désormais au tour de deux obscurs suédois qu'il revient de nous conter cette histoire sous la forme d'un opera heavy metal symphonique doomisant sous couvert de nombreux guests de renoms. Ainsi retrouve-t-on entre autres le chanteur/batteur Snowy Shaw (Therion, ex-King Diamond, ex-Mercyful Fate) ou le brillant vocaliste Mats Levén (ex-Therion, Krux), sans oublier Niklas Isfeldt (Dream Evil) et son chant heavy, autour des deux têtes pensantes du projet : David Grimoire (guitares, claviers, musique) et Adrian de Crow (basse, paroles). Chacun ignore de qui il peut s'agir mais peu importe, on risque bien de les élever très vite au rang de maîtres du genre.

Opera Diabolicus 1st album 1614 bathory

Et pourtant c'était mal parti, car Opera Diabolicus aurait très bien pu ne jamais voir le jour tant l'enregistrement s'est étalé dans le temps et que beaucoup pensaient ce projet déjà annoncé en 2008 comme mort-né. Mais voilà, presque 4 ans plus tard, le premier opus (tout d'abord prévu pour être éponyme) de cette grandiloquente aventure prend enfin une véritable forme physique, †1614 voyant le jour le 20 janvier 2012 chez Metalville (après un changement de label un peu pénible car retardant une nouvelle fois l'échéance pour le groupe).

Grandiloquent oui et non d'ailleurs, Grimoire et De Crow gardant ici du début à la fin une touche musicale et lyrique classieuse évitant à cet album de sombrer dans les éceuils potentiels inhérents au style. Là où tout aurait pu être pompeux et over-dramatique, Opera Diabolicus contrôle son auditoire jusqu'au bout, transformant ces 54 minutes de musique en épopée poétique obscure. Une vraie réussite qui place d'emblée cet opus parmi les perles rares d'un exercice dangereux : le metal opera. un peu là où Avantasia s'est récemment légèrement vautré, même si on le concède les deux projets n'ont absolument rien à voir.

Cependant, articuler une histoire aussi convenue autour d'invités chanteurs tous aussi prestigieux les uns que les autres n'étaient pas une mince affaire. Autour de nos trois vocalistes suédois, on trouve ainsi une certaine Camilla Alisander, soprano professionnelle à l'opéra de Göteborg, une étrangère pour tout fan de metal donc et ce n'est peut-être pas un mal. Interprétant à la perfection le rôle de ladite Contesse, on n'aurait pas pu rêver meilleure incarnation d'Elizabeth Bathory sur le plan vocal. D'un timbre à la fois inquiétant, profond, sombre et aérien (se raprochant par moments de Sabine Edelsbacher, chanteuse d'Edenbridge) , la miss transcende les passages où elle s'exécute, nous terrassant à la moindre note. "The Gates" (ouvrant l'opus après sa traditionnelle introduction) et "Blood Countess Bathory" en sont les meilleurs exemples, on en vient presque à regretter de ne pas l'entendre un peu plus souvent (à noter aussi une autre intervention en mode plus énervé de la demoiselle sur "The 13th Guest"). Mais 1614 datant la mort de l'héroïne en question, on peut facilement le comprendre contextuellement (car il s'agit bien d'un disque sur la fin de Madame Bathory, "left to die, betrayed by my own destiny" étant d'ailleurs parmi ses derniers mots prononcés).

Opera Diabolicus (Grimoire & de Crow)

Niveau influences musicales, puisqu'il faut tout de même en parler afin de donner un ordre d'idée au lecteur qui attend cette offrande avec impatience, on navigue très habilement entre une idée retenue du symphonique, une majesté gothique qui ne dégouline jamais, un heavy acéré bien ancré dans un jeu de guitare des plus traditionnels associé à une rythmique bien lourde, et une atmosphère doom délaissant pourtant le côté traditionnel du genre. Vous l'aurez compris, il est difficile d'en sortir un étiquette précise, le terme heavy symphonique fera certainement l'affaire et saura satisfaire la majorité. Indice supplémentaire, la présence de l'excellent Andy LaRocque à la production en fera tiquer plus d'un ; ainsi reconnait-on quelques envolées à la King Diamond (le chant sur-aigu en moins et l'esprit orchestral en plus), le brillant final "Stone by Stone" aurait très bien pu ainsi constituer une oeuvre du roi danois. Le bouillant "The 13th Guest" aussi d'ailleurs.

Le son est donc globalement parfait (on ne regrette en rien le temps qu'ils ont pris pour peaufiner le tout), l'écriture ciselée à son paroxysme, les chanteurs au top niveau. Snowy reste Snowy (jusqu'à son jeu de batterie) et bouscule nos tympans avec bonheur, Mats Levén survole une nouvelle fois les débats de sa voix parfaitement éraillée, et Niklas jouissant d'une liberté supplémentaire offrant ainsi une autre partition comparé à ce qu'il a l'habitude de délivrer sur Dream Evil (méconaissable de personnalité sur la fin de "Forbidden"). Au niveau des chansons marquantes, nous serions presque tentés de toutes les citer, mais mettons en avant le fameux "The Gates" et ses dix minutes d'entrée, le presque extrêmisant "Blood Countess Bathory" entraînant à souhait, un "Mythos Lamia" hymnesque faisant suite à un merveilleux interlude que nul groupe de doom atmo n'aurait renié et bien sûr la magnifique conclusion déjà pré-citée. Bref du grand art, une sorte de claque dans la gueule comme seuls Therion ou plus sobrement The Vision Bleak avait su nous offrir jusque là.

Une pièce à l'apparence unique à conseiller pour tous les fans de musique sombre et mélodique, un des must have de ce début d'année 2012. A voir s'il réussira, à l'instar de ce qu'aurait voulu Miss Bathory, à résister à l'épreuve du temps (seul très léger doute qui empêche une meilleure note, histoire aussi de laisser le champ possible vers une amélioration de celle-ci à l'avenir). Pour cela, n'hésitez pas à prêter à ce disque une oreille vierge de tout préjugé.

Note : 8.5/10

  
 

NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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