Phantom Antichrist : sulfureux et indomptable
Kreator sort son 13ème album : Phantom Antichrist. Loin de leur porter malheur, ce disque forme une parfaite synthèse de ce que les quatre allemands sont capables de faire. Alliant thrash apocalyptique, mélodies crédibles et influences nouvelles, ce nouvel effort studio montre que Kreator n’a rien perdu de sa superbe, et se hisse au niveau des meilleurs albums de thrash metal de ces dernières années.
Que reste-t-il du thrash metal en 2012 ? Entre un big four qui sort des disques soit moyens (Megadeth – Th1rt3en), soit honteux (Slayer – World Painted Blood), et les groupes qui subsistent en faisant "comme avant" (Sodom – In War And Pieces), seule une poignée de groupes courageux arrivent à entretenir la flamme du genre. Parmi eux, un groupe qui n’a eu de cesse de se remettre en question et de renouveler son art : Kreator. Fort d’une carrière riche et d’albums tantôt sulfureux, comme Extreme Agressions, ou tantôt expérimentaux, comme Endorama, le groupe se permet de donner un coup de pied dans la fourmilière avec son treizième album : Phantom Antichrist.
En contrepied avec l’immobilisme musical dont font preuve la plupart des autres groupes du genre, Mille Petrozza et sa bande ont le regard tourné vers l’avant. Forts d’influences récentes, allant jusqu’au metalcore dans le titre "Victory Will Come" et d’un savoir-faire qui leur permet de maîtriser la rage pure et les fines mélodies, le groupe sert un album soigné et équilibré, dans lequel aucun titre ne ressemble à un autre ou ne tire l’ensemble vers le bas.
En effet, Phantom Antichrist fait partie de ces albums ou chaque titre a sa propre identité. On retrouve "From Flood Into Fire", l’hymne live en puissance avec un refrain à reprendre en chœur, la tuerie thrash "Civilization Collapse" qui sent fort le souffre, le très mélodique et solennel "Until Our Paths Cross Again" ou le gros mid-tempo martial "The Few, The Proud, The Broken". Chacune des neuf chansons de cet album accroche, soit par un riff, une montée ou un mélodie qui donne à chaque fois un cachet particulier.
De plus, chacun de ces missiles thrash a bénéficié d’un grand soin à l’écriture. Ainsi, les structures se répètent rarement et les parties sont agencées de manière à servir chaque titre. Ainsi, l’intro inquiétante de "Phantom Antichrist" mène naturellement à son explosion thrash, tout comme la progression de "Your Heaven In My Hell", au cours de laquelle l’auditeur se laisse emporter avec délectation. Aucun élément superflu ne vient polluer l’album, ce qui donne un ensemble court (45 minutes), mais extrêmement solide, qui ne demande qu’à être écouté en boucle.
Allant de pair avec cette écriture soignée, le groupe n’a pas négligé l’interprétation. Ainsi, la guitare rythmique rageuse de Mille Petrozza s’allie parfaitement avec les solos exécutés avec brio par Sami Yil Sirniö, qui arrive à exceller aussi bien dans les parties supersoniques typiquement thrash que dans les parties plus calmes, au cours desquelles il laisse éclater sa sensibilité. La basse ronde et omniprésente de Christian Giesler solidifie parfaitement l’ensemble pendant que Ventor frappe fort et juste. Mille Petrozza se montre particulièrement habile dans son chant, en laissant éclater sa rage dans un cri déchirant sur "United In Hate" ou en se montrant plus poignant dans "Your Heaven In My Hell".
Cette talentueuse équipe s’est alliée pour la première fois dans sa carrière avec Jens Bogren, producteur suédois de renom, qui est arrivé à faire sonner cet album très proprement. Enregistrés dans des conditions live, tous les instruments sont parfaitement audibles sans que jamais le son n’étouffe les tympans de l’auditeur. Sonnant plus metal que jamais, cet album bénéficie d’un son massif tout en restant dans les limites de l’écoutable, le tout grâce à un travail appliqué de chaque membre.
Phantom Antichrist est le résultat d’un travail minutieux, mais montre une rage sincère. Kreator ne cherche pas à recréer un paradis perdu comme le font de nombreux groupes de thrash qui ne parviennent pas à sortir des années 80. En restant dans son style de prédilection, Kreator avance, et sait tirer profit des remises en question au cours de sa carrière. Cela permet à ce treizième album de réunir tout ce que le groupe a pu faire de bon, en rendant l’ensemble actuel.
Le verdict est sans appel : Phantom Antichrist domine le thrash d'aujourd'hui.