Nouveau plaisir coupable ?
Ah Within Temptation, ce groupe que les "vrais true metalleux" adorent détester, pas seulement parce que c'est "à chanteuse" (c'est pour certains un critère déjà suffisant pour ne pas aimer, sauf s'il s'agit de Arch Enemy et consorts extrêmes) mais parce que les derniers albums du groupe ont été plus ou moins sujets à controverse. Entendez par là une tendance à pousser le côté pop à outrance, après des débuts pourtant assez "badass" sur un Enter sombre et parfois growlisant ou le mythique Mother Earth pour le moins équipe et aux riffs encore acérés.
Patatras par la suite donc. Trois autres albums partiellement délaissés par les fans de la première heure, l'accusation d'un embourgeoisement par certains ou d'expérimentations maladroites, voire d'une tentative de commercialisation pour toucher au-delà du public metal. Ceci avec pour point d'orgue un The Unforgiving conceptuel qui fit mal aux derniers sceptiques avec ses "Faster" ou pire encore "Sinead" digne des tubes du Top 50.
Pourtant, ce dernier CD était au final objectivement plutôt bien réussi, gagnant aux écoutes et augmentant un certain plaisir coupable : celui d'aimer un album qu'on devrait détester. Et pas seulement parce que Sharon den Adel est ravissante avec une voix parfaite. Non non, juste parce que ça accrochait l'oreille, que ça faisait du bien, détendait, que les mélodies se fredonnaient sans mal et avec plaisir... bref, ce qu'on attend de la musique quelque part, non ? Tout du moins dans un certain état d'esprit.
Nous étions donc fébriles à l'idée de découvrir ce sixième opus, sobrement intitulé Hydra et mis en vente le 31 janvier via BMG Rights. Annoncé comme un mix du passé, du présent et même du futur de Within Temptation, les premiers échos firent état d'un album "plus metal" que jamais, peut-être le plus "heavy" de l'histoire du combo. Est-ce donc véritablement le cas ?
Rapproche-toi, n'aie pas peur...
Bon, ces échos tombèrent lors de pré-écoutes où "Covered by Roses" et surtout "Whole World Is Watching" n'étaient pas proposées car en finalisation, cela tempère donc le jugement initial. Cependant oui, ce brûlot offre quelques passes metal fort intéressantes que nous n'avions plus entendu dans le groupe depuis plus de dix ans, avec le retour croyez-le ou non de quelques bribes de chant extrêmes performées comme à l'époque par le compositeur guitariste "plus tout à fait membre officiel du groupe car s'occupe des enfants qu'il a eu avec Sharon mais quand même" Robert Westerholdt. On retrouve ainsi son timbre éraillé parfois maladroit mais toujours efficace sur "Tell Me Why" et surtout "Silver Moonlight", comme par hasard deux des meilleurs morceaux du disque. Les plus metal aussi, cela va donc de soi, un peu à l'image de ce "Let Us Burn" aux guitares triomphantes en intro ou encore le fameux "Paradise (What About Us?)" déjà présenté en single où on croit presque entendre du riffage à la Nightwish période Once... et avec Tarja Turunen en invitée, c'en est presque troublant.
Avant de parler de l'autre facette de cette offrande, bien moins metallisante et plus en douceur, arrêtons-nous justement un instant sur miss Tarja et les autres : quatre guests au total afin de colorer au maximum ce monstre à plusieurs têtes. Outre le "Paradise" très réussi avec la célèbre diva finlandaise, retrouvons sur le second single l'ami Howard Jones (ex-Killswitch Engage) sur un "Dangerous" faussement moderne et qui ne tourne pas au metalcore bidon comme on aurait pu le craindre... même si, avouons-le, ce n'est pas le titre le plus marquant du lot, bien qu'au final il finit par bien passer avec sa mélodie certes simpliste mais agréable. Vient ensuite... Xzibit ! Ouais, c'est un peu Pimp My Within sur le morceau "And We Run" où le rappeur vient poser son flow avec un certain brio... bon, on aime ou n'aime pas, mais cela fait son effet, et forcément ce n'est pas sans rappeler le Linkin Park fin 90s/début années 2000, pour une chanson que nous aurions espéré d'ailleurs un peu plus "heavy" et sur laquelle on regrettera l'absence étrange de guitares par moments. Enfin, et pour conclure la tracklist, un "Whole World Is Watching" totalement rock popisant interprété en compagnie de Dave Pirner (Soul Asylum) ; et si sa voix se marie parfaitement avec celle de Sharon disons tout de suite que ce titre sans être trop mièvre semble maladroitement installé en "grand final". Bonne idée donc de la part de Within Temptation que d'utiliser ces voix très différentes pour des styles qui le sont tout autant, même si certaines collaborations auraient peut-être mérité d'être plus poussée.
Venons-en donc au côté pop Temptation, y succombons-nous aussi facilement sur cet album que nous l'avions fait sur The Unforgiving ? Plus ou moins. Rangeons donc "Whole World Is Watching" dans cette catégorie, parfois trop simpliste et qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, d'ailleurs le groupe a hésité jusqu'au dernier moment pour l'incorporer sur Hydra et on peut aisément comprendre pourquoi. "And We Run" avec Xzibit ne peut certainement pas être qualifiée de pop, plus une sorte de gros rock ambiant rappisé qui traîne cependant en longueur... quant au gros raté de l'album, il est représenté par un "Dog Days" totalement froid au niveau des émotions et assez vide jusque dans ses paroles assez étonnantes de niaiserie : "1, 2 3, 4, what are you waiting for?" ... mieux, on attendait mieux que ça, chanson plutôt ratée donc. Heureusement, il y a du tout bon dans le mignon, le "Covered by Roses" quelque peu dansant qui reprend le thème simple du "carpe diem" a un côté attachant qui donne un goût de reviens-y de même que ce "Edge of the World" un poil expérimental et fort séduisant qui met un certain temps à décoller mais qui se justifie par sa belle progression jusqu'à une explosion finale certes retenue mais jouissive.
Dur au final de juger un album aussi varié qui peu frustrer dans un sens comme dans l'autre, tant il aurait pu être plus abouti en partant moins dans toutes les directions ou en évitant certaines redites ponctuelles. Mais telle était la volonté de Within Temptation, en cela le pari est partiellement réussi et devrait donc plaire aux fans. Puis bon, lorsqu'on écoute "Silver Moonlight", "Paradise" et ce "Tell Me Why" explosif et aux riffs/soli remis aux goûts du vrai bon metal symphonique, on sent que le combo hollandais n'a rien perdu de sa verve et de son énergie, et c'est sur ses bases que l'ont pourrait espérer une suite fort positive pour Sharon et ses amis. Avec, pourquoi pas, la confirmation de ce retour au metal plus direct et prononcé sur un prochain album sans concession et débarrassé de quelques longueurs inutiles ?
T'as le soleil dans les yeux, LOL !
En attendant, Hydra est là et a pour but de montrer que Within Temptation est un groupe sans limite, avec des musiciens au top, une chanteuse toujours aussi parfaite et un excellent son des plus équilibré. Les "true" resteront une nouvelle fois à l'écart mais la qualité musicale globale, sans être éclatante, saura satisfaire l'amateur d'une musique simple qui donne le sourire et une certaine pêche. Certes le retour à l'aura Mother Earth ne sera pas encore pour cette fois, mais il faut savoir vivre avec son temps et se contenter parfois de ce qu'on peut avoir, car chacun sait que cela aurait pu être pire... bien pire. A voir désormais sur scène où le groupe ne déçoit jamais pour une flopée de dates sur le sol français prévues en avril prochain, car Within aime la France et la France le lui rend bien !