Le thrash artisanal
Alors que le thrash est revenu à la mode chez les metalleux et que les productions léchées sont devenues une constante dans le genre, certains groupes continuent de prôner un esprit "fait-maison". C’est le cas du groupe américain vétéran du genre Hirax, qui sort son cinquième album, Immortal Legacy. Parfois brouillon et pas toujours dans les standards, ce disque transpire l’envie de bien faire, malgré les limites de chacun.
Les jeunes groupes de thrash metal fleurissent depuis une quinzaine d’années. Schmier (Destruction) avait déclaré dans une interview accordée à la rédaction que c’était dû au retour de la qualité dans le genre. Avec cette poussée de jeunes groupes est aussi arrivée une vague de reformations de groupes "de l’époque" dont Hirax, en 2000. 14 ans plus tard, le groupe sort son troisième album depuis cette reformation, intitulé Immortal Legacy.
Alors que tous les groupes suivent des modèles différents, Hirax a décidé continuer à tracer sa route et de faire un album artisanal. Ainsi, point de surenchère sonore ou d’artifices de production, l’album sonne brut de pomme et garde un esprit spontané. Le son de guitare de Lance Harrisson n’est aucunement poli et garde ces quelques légères imprécisions au toucher qui donnent un certain charme à l’ensemble, sans bien sûr eclipser son talent, avec des riffs qui ne manquent pas de mordant et des solos assez bien construits.
Cet aspect fait-maison se ressent aussi dans les compositions. Les idées sont rarement mauvaises, mais on remarque qu’elles sont jetées sur la table de manière spontanée et pas forcément retravaillées. Ainsi, certains titres, comme "Deceiver" ou "Immortal Legacy", partent sur une bonne base mais sont un peu abaissés par une ligne de chant hasardeuse ou une construction pas assez punchy. En revanche, cette spontanéité permet aux pépites comme "Victims of the Dead" ou "Violence of Action" de briller.
Katon W. De Pena, chanteur du groupe, a déclaré qu’il s’agit de leur album "le plus diversifié". Effectivement, Immortal Legacy présente des titres très différents les uns des autres. Si bien qu’on peut aisément penser que le groupe part dans tous les sens. En effet, quel est le rapport entre un titre épique comme "Tied to the Gallows Pole", une pièce thrash sulfureuse comme "The World will Burn" et une interlude à la basse nommée "Atlantis (The Journey of Atlantis)" ? Hirax se montre donc spontané ici aussi, en déversant ses idées pêle-mêle, sans chercher à les organiser.
Cette spontanéité n’est malheureusement pas sans défaut. Elle se ressent notamment dans le chant de Katon W. De Pena. Très limité vocalement, le frontman fait ce qu’il peut pour donner un maximum de vie à ses lignes de chant pas toujours heureuses. En effet, s’il tape dans le mille avec "Hellion Rising" ou "Tied to the Gallows Pole", il se vautre sur "Immortal Legacy" et "The World Will Burn" en essayant d’aller au-delà de ses capacités.
Avec Immortal Legacy, Hirax y croit dur comme faire et délivre un album étonnamment agréable. Loin des productions léchées et des structures éculées, le groupe ne révolutionne rien mais présente une vision personnelle du thrash, fait avec amour et un savoir-faire identifiable. Un bon moment à passer avec des titres qui risquent de donner sur scène.