Après avoir réenregistré ses morceaux les plus emblématiques avec son actuel line-up en 2012, le projet mené par Ralph Hubert depuis presque 30 ans propose un album respirant la fraîcheur, l'inspiration et l'enthousiasme . Mekong Delta donne une leçon de savoir-faire aux jeunes loups du Thrash/Progressive/Power Metal.
La classe, l'avoir ou pas. Porter une moustache de biker gay et avoir un bidon « Foire de la binouze », c'est pas classe, avoir une longue crinière et un look de dandy dark, c'est classe, une « croix de voyou » tatouée en vert sur l'avant-bras, pas classe, un motif représentant un dragon chinois aux multiples couleurs reproduit dans le dos, classe. Jouer lors la Fête de la Musique le «Antisocial » de Trust en chantant faux et en faisant des pains, c'est pas classe, reprendre de façon magistrale en version Thrash Metal le « Dance On A Volcano » de Genesis c'est classe.
Bref, avoir la classe comme le dirait ce grand acteur qu'est Aldo Maccione ce n'est pas donné à tout le monde (et c'est à la libre appréciation de chacun de l'avoir ou pas). Surtout lorsque l'on est vieux. Vieux et musicien.
Pas mal d'anciennes gloires du Metal s'accrochent à un passé prestigieux et se basent toujours sur la même recette avec souvent un résultat peu convaincant ou jouent la carte de la nostalgie à coups de tournées commémoratives. Et puis il y a les groupes qui vieillissent bien, notamment ceux qui n'ont jamais connu la célébrité justement.
C'est le cas de Mekong Delta, projet issu de l'underground Metal allemand initié par le bassiste virtuose Ralph Hubert qui discrètement depuis sa création en 1985 a avancé dans l'ombre (au point que lors des premières années de son existence, l'identité des musiciens composant le groupe est restée secrète) en devenant un des principaux représentants de ce courant typique au Metal extrême des années 80 que l'on nomme le Techno Thrash, soit du Thrash Metal à dominante progressive voire expérimentale.
La discographie du groupe est jonchée de hauts et de bas, conséquence peut-être d'un line-up fluctuant, mais depuis 2010 et l'album Wanderer on the Edge of Time, Hubert semble avoir trouvé la bonne équipe pour pouvoir interpréter son oeuvre.
Après Intersections en 2012 qui proposait une relecture des classiques de Mekong Delta enregistrés par les membres actuels du combo, est disponible chez Steamhammer/SPV depuis le 28 avril 2014 In A Mirror Darkly, album comportant 8 pistes (enfin 7 pour ce qui concerne l'édition que j'ai écoutée, les deux premiers morceaux « Introduction » et « Ouverture » semblent avoir été regroupés sur une même piste).
Et à l'écoute de ce nouveau disque (concept ? Car on a un peu l'impression que chaque piste raconte la partie d'une histoire, j'avoue ne pas m'être suffisamment penché sur les paroles pour répondre à cette question cependant) une chose est évidente : Le Metal pratiqué par Mekong Delta a la classe, oui. Il s'agit toujours d'un Thrash/Power Metal (mais qui n'a rien de germanique), souvent sombre et très technique mais qui reste digeste, pas de gras, pas de débordements, tout est parfaitement dosé.
Forcément dès l'introduction acoustique on pense à un des classiques du groupe « Dances of Death » (1990) , la déferlante de riffs techno-thrash qui suit ensuite nous renforce aussi dans cette impression mais voilà ce morceau instrumental, et à tiroirs, qui sert en quelque sorte de carte de visite pour ce nouvel opus de Mekong Delta est d'une élégance impressionnante déjà.
Chaque musicien est appliqué tout en restant sobre, à commencer par le vocaliste Martin LeMar au timbre de voix proche de Matt Barlow (Iced Earth, Ashes Of Ares) qui livre une prestation puissante mais n'en fait jamais trop dans les aigus notamment, en guise d'exemples citons « The Armageddon Machine », qui comporte des choeurs soignés aussi, la ballade aux arrangements léchés « The Sliver in Gods Eye » où la voix exprime énormément de feeling, les vocaux menaçants et lyriques de « Janus » ou ceux agressifs de « Hindsight Bias » et « Mutant Messiah ». LeMar est tout simplement la vedette de In A Mirror Darkly, c'est important de le souligner lorsque l'on sait que les chanteurs ont souvent été les maillons faibles de Mekong Delta.
Mais bien sûr les autres interprètes ne sont pas en reste, que ce soit la basse de Ralph Hubert virevolterante et qui « claque » (un peu à la manière de D. D. Verni, le bassiste d'Overkill) parfois ou les riffs inspirés et intelligents de Erik Adam H. Grösch (les furieux « Janus », « Hindsight Bias » et « Mutant Messiah » sont là pour le prouver).
On sent l'influence de la musique classique parfois chez Mekong Delta mais néanmoins nous sommes loin de la démonstration stérile d'un « branleur de manche » suédois bien connu par exemple, l'instrumental « Inside the Outside of the Inside » et « Hindsight Bias » sont de bons exemples de cette assimilation Thrash Metal de la grande musique.
Si vous en avez marre des groupes gras, pas fins, lourds et pourvoyeurs des clichés les plus éculés du Metal, cette nouvelle offrande de Mekong Delta est pour vous. Disons-le chaque morceau de In A Mirror Darkly est bon, on ne s'ennuie pas, c'est ça Mekong Delta, c'est ça avoir la classe.
Liste des morceaux :
1 « Introduction »
2 « Ouverture »
3 « The Armageddon Machine »
4 « The Sliver in Gods Eye »
5 « Janus »
6 « Inside the Outside of the Inside »
7 « Hindsight Bias »
8 « Mutant Messiah »