Voici une pochette qui illustre bien ce qu’est Mayhem en 2014, après 30 ans de carrière.
L’artwork du polonais Zbigniew M. Bielak est l’adaptation du Cénotaphe à Newton réalisé par Etienne-Louis Bouillée représentant l’élévation réalisé en 1784. Ce projet aurait pris la forme d’une sphère de 150 mètres de diamètre, posée sur une base circulaire entourée de cyprès. Ces projets représentaient des édifices gigantesques combinant la philosophie des lumières, l’amour de la géométrie à une grande échelle.
Je pense que l’on pourrait aussi bien décrire la musique de Mayhem avec des œuvres des Futuristes russes du début du XXème siècle comme avec le son des sirènes de « Trinity » ("Babalon, Antichrist, Rocketeer, Trinity…") sous la mitraille d’un monde en guerre, psychologiquement atteinte et perdue à jamais sous les ruines.
Cet architecte français développait un style géométrique propre comme la batterie de Hellhammer qui est cinglante, mathématique, spartiate. Œuvre inspirée par les formes classiques et caractérisée par la suppression de toute ornementation superflue à l’image des riffs dévastateurs (celui de « Pandaemon » est assez ahurissant), l'agrandissement des formes géométriques sur une échelle gigantesque et la répétition en très grand nombre d'éléments poussant à l’aliénation dévastatrice. L'objectif était de produire une impression de majesté de l’univers, à l’image de la voix d’Attila qui déverse ses mots comme le ciment d’une fondation qui essaye d’ensevelir à 6 pieds sous terre les opposants du régime qui l’empêcheraient de régner sur la Terre.
L’image est moderne, comme ce Black Metal qui a mis 30 ans à sortir quand on entend « Milab », qui se projette vers un post Black Metal lancinant, sinueux, slalomant entre fantômes, cauchemars et horreurs d’une guerre psychologique gagnée d’avance par un troisième pouvoir invisible.
Les textes sont courts, impactant, peu de mots pour aller directement au but : 39 pour « VI seconds » donnant une impression de souffrance sur un mid-tempo toute en finesse grâce au doigté de Hellhammer, mais lorsque ce dernier lance son attaque, ils sont peu à pouvoir le suivre si ce n’est les riffs de Teloch qui est l’architecte en chef de cet album.
Le mot est faible pour dire qu’il les a compris. Il a repris la Maîtrise d’Ouvrage sur les cendres de Blasphemer en ne dénaturant ni les fondations, ni la charpente. L’édifice tient bon, porté par les 4 piliers que sont les musiciens avec un conducteur des travaux en la personne de Necrobutcher.
Le sol vibre sous les impactes de la batterie, une vibration assourdissante, métallique, terrible, tortueuse comme avec « Throne of Time » et son petit riff piquant pendant qu’Attila se glisse dans votre conduit auditif tel du sang visqueux ou sur le single « PsyWar » ("PsyWar - Pull The trigger, PsyWar - kill the Target, No Future, Lost forever, Psywar - End the torment"). Sur « Corpse of Care » on en arrive à se demander comment il arrive à tenir une cadence aussi infernale, démonstrative… sûrement l’un des meilleurs batteurs de sa génération.
Mayhem ne cherche pas à faire comme de nombreux groupes qui officient dans le même genre musical. Ils investiguent, entreprennent. Cela ne plaira pas à tous le monde mais ils en ont cure !
L’architecte Bouillée était taxé de mégalomane en son temps, je vous laisse réfléchir à la musique de Mayhem en 2014…
Lionel / Born 666