Dave Lombardo, batteur de PHILM (ex-Slayer, Fantômas, Grip Inc.)

"Nous sommes productifs"
 

A l'occasion de la sortie de Fire From The Evening Sun, deuxième album de PHILM, Dave Lombardo, batteur et producteur du groupe, a parlé du processus créatif de ce disque à La Grosse Radio, ainsi que du prochain album qui est déjà bien avancé, avant de revenir sur le reste de sa riche carrière, pleine de projets aussi variés qu'intéressants. Un artiste qui ne se limite pas à l'aura de Slayer.

Bonjour Dave et merci de nous accorder cette interview. Nous sommes ici pour parler du nouvel album de PHILM, Fire from the Evening Sun. Parle-nous de tes méthodes de création pour ce disque.

PHILM écrit toute sa musique avec l'improvisation. J'appelle les gars pour répéter, on se retrouve au studio, on prend un café et de quoi manger, on entre dans la salle de répétition, enregistre et on commence à jouer. On commence à créer. Ensuite, on écoute ce qu'on a enregistré et on prend quelques extraits qui nous intéressent. En une session, on peut éventuellement tirer trois idées pour une nouvelle chanson. Sur le premier album, on laissait l'improvisation entière sur l'album. Sur Fire from the Evening Sun, on a pris les enregistrements et on les a utilisés comme base pour créer des chansons. Du coup, la méthode a changé entre les deux albums.

Pourquoi avoir changé de méthode ?

Il y a plusieurs raisons. Sur le premier album, on expérimentait, mais je pense qu'après sa sortie, on devait créer des chansons en pensant à l'auditeur, La musique d'avant-garde et d'improvisation est parfois très difficile à cerner pour certaines personnes, parce qu'ils ne comprennent pas quand il n'y a pas de structure classique. On a donc créé ce nouvel album autour de ces structures. Je pense que c'est une évolution normale.

Les deux albums sont sortis en peu de temps, comment expliques-tu le fait que vous ayez travaillé aussi vite ?

En plus de ça, nous avons un autre album en route que j'espère pouvoir sortir en mai. On a déjà six chansons enregistrées, deux d'écrites et je pense qu'on doit en écrire encore deux. Ca fera dix chansons au total, c'est ce que je veux mettre sur cet album. Nous sommes productifs. Sur les 24 heures d'une journée, il nous faut huit heures pour dormir, huit heures pour nous-même et huit heures pour travailler. Le compte est bon ! Il faut juste se concentrer et travailler dur pendant ce temps qui nous est imparti. Et ce n'est pas vraiment du travail en plus, c'est du jam, c'est de l'improvisation. On aime faire ça. Créer. Fermer les yeux, ne penser à rien et nous écouter. Il faut aussi espérer que c'est en train d'enregistrer, parce que si ce n'est pas le cas, c'est fini, tu ne peux pas récupérer ce que tu as fait. Ça nous est arrivé de ne pas récupérer ce qu'on a joué. Même sur scène, quand j'étais avec Slayer, je montais sur scène avec eux et après ils me demandaient "Qu'est-ce que tu as fait à tel moment ?" Et je répondais "Je ne sais pas, j'ai juste créé quelque chose de nouveau". J'adore travailler de cette manière.

Est-ce pour cela que l'album est plus catchy ?

Oui, c'est aussi ça l'évolution de notre manière de composer, on est devenus meilleurs dans ce domaine.

PHILM

Vu que tu as joué dans d'autres groupes plus extrêmes auparavant, était-ce un désir de jouer une musique moins portée vers cela ?

J'adore la musique extrême et je pense que PHILM peut faire des trucs plus extrêmes, mais c'est ce qu'on a créé à ce moment-là.

Que peux-tu nous dire sur la direction musicale du prochain album. Va-t-elle encore changer ?

Non. Il y aura sûrement quelques surprises, mais je ne sais pas, pour l'instant, c'est cru, je ne l'ai pas encore cuit, ça va encore me prendre du temps. Si je sors ça en mai, il faudra que j'ai fini de tout enregistrer avant qu'on parte en Amérique du Sud fin janvier. Du coup il faudra bosser, même pendant les vacances.

Il y a une chanson qui s'appelle "Fanboy". Avez-vous déjà eu des soucis avec les fans ?

Gerry Nestler [guitare/chant] voit comment les fans se comportent avec moi. Parfois ils sont nerveux et étranges. J'en ai vu se mettre à genoux devant moi et je leur dit "Mec, lève-toi !" Du coup, Gerry a fait une chanson assez drôle sur ces fans-là. Je suis fan aussi, je peux comprendre, mais je ne me comporte pas comme ça. Il y avait un fan qui traînait près des loges de Slayer, et le tour manager lui a dit de partir, il disait qu'il était notre ami, mais ce n'était pas le cas. Quand il lui a dit de partir, le gars a presque commencé à pleurer. C'est bizarre, mais c'est comme ça.

On remarque qu'en live, tu joues sur un plus petit kit de batterie. Qu'est-ce que ça change pour toi ?

J'ai réduit mon kit parce que quand j'ai rencontré Gerry, il utilisait une guitare qui n'était pas faite pour le metal, une Les Paul 1969 originale, dorée. Waldemar Sorychta de Grip Inc. utilise une Ibanez, d'autres guitaristes de metal utilisent des ESP. La guitare de Gerry a un son différent. Du coup, je me suis dit que je devais changer ma batterie pour coller à son son classique. Du coup, j'ai pris le kit de base, alors que pour du thrash moderne, on aurait besoin de double-pédale. L'avantage de réduire son kit, c'est que, quand tu as été habitué à jouer sur du plus gros, tu dois réfléchir de manière plus approfondie à ta créativité. Avec ma grosse batterie, c'est plus facile de créer, alors que là, il faut essayer d'autres choses. Du coup, tu développes un autre style. En revanche, il y aura de la double-pédale sur le prochain album de PHILM. Mais d'une manière différente du thrash classique, c'est difficile à expliquer. Parmi les deux chansons que nous n'avons pas encore enregistrées, il y a même un blast-beat différent de ce qu'on entend dans le thrash habituel. Ca sonnera comme ça :

Comment gères-tu le fait d'être à la fois producteur et batteur de PHILM ?

Je dois réfléchir à mon rôle et me dire "est-ce que c'est le producteur ou le batteur qui parle ?" En tant que batteur, je suis au milieu de tout ce qui se passe quand on joue, du coup, je comprends mieux comment on doit sonner et je suis plus à l'aise concernant certaines structures et certains arrangements. J'arrive à donner des idées aux gars, comme faire répéter un lead à Gerry. Cela fait si longtemps que j'écoute de la musique, j'ai participé à une trentaine de productions, je pense que je sais comment ça marche. C'est quelque chose que tu développes avec le temps.

Ce n'est pas trop dur de jongler entre ces rôles ?

Je suis capable de me partager. En tant que producteur, des fois je leur dis que les choses doivent se faire de telle manière, puis ils contestent, j'insiste, je les laisse faire les choses à leur manière et au final je leur dis "Vous voyez, je vous l'avais dit que ça ne marche pas !" Mais je les laisse essayer, je ne suis pas un producteur trop directif qui n'accepte que les choses qui sont faites à sa manière. Il y a des choses sur l'album que je n'aime pas mais que les deux gars ont voulu garder. Je ne veux pas trop contrôler le groupe, je pense que le producteur doit laisser l'artiste s'exprimer en tant qu'artiste et que si Gerry veut tenter un truc avec sa guitare ou son chant, je dois le laisser faire, même si je ne suis pas d'accord.

La méthode de fonctionnement de PHILM semble être spécifique. Qu'en est-il de tes autres projets comme Fantômas ou Grip Inc. ?

Dans Fantômas, Mike Patton écrit tout. Tout. Le chant, la guitare, la basse, les samples, même la batterie. Il sait exactement ce qu'il veut et je dois apprendre ses parties. Ça fait de moi un meilleur batteur, parce que je fais des trucs auxquels je n'aurais jamais pensé tout seul. Ce génie de Mike Patton va créer quelque chose et je ne sais pas comment il a pu penser à ça. Il y a un pattern sur le premier album où les toms ont un rythme constant et la double pédale change. Normalement, c'est l'inverse, mais il a changé pour celui-ci. Pour Grip Inc., Waldemar improvise parfois, ou nous montre une chanson d'autres fois. C'est aussi lui qui produit tout. Mais l'avenir avec Grip Inc. est incertain, parce que Gus Chambers est mort, et c'était lui le chanteur. Dans un groupe, quand le batteur ou le guitariste partent, c'est dur, mais quand c'est la voix du groupe… J'y ai réfléchi, mais ce n'est pas pour tout de suite.

Et pour Fantômas ?

On rejoue ensemble pour la première fois en 10 ans ! C'est super ! On va faire un concert en club à Santiago et après on va faire les festivals. Ça va être excellent ! Je ne sais pas encore si on fera un nouvel album à l'avenir, mais au moins on joue ensemble. J'espère qu'on pourra jouer en France, je me souviens qu'on avait joué à l'Elysée Montmartre à l'époque, j'adore cette salle.

Tu as également participé à des bandes originales de films, comment vois-tu cet aspect de la musique ?

C'est très différent, parce que tu regardes des images, tu dois sentir ce que te dis l'image et l'interpréter pour retranscrire ça en musique. C'est très intéressant de travailler avec des gens comme Tyler Bates [Watchmen, 300...] ou Joseph Bishara [Insidious]. Tu vas dans une salle sans connaître la musique. Tu connais le type de musique, tu sais que ça doit oppresser, mais ils te disent « là, j'ai besoin d'un pattern très puissant, là il me faut des cymbales, écoute l'ensemble de cordes et sois créatif ». Tu dois bien tout observer le chef d'orchestre pour savoir quand t'arrêter et quand changer d'humeur. Jouer dans un groupe est fun, mais travailler avec un orchestre classique est très intéressant. Qui sait, peut-être que je mettrai un ensemble de cordes dans le prochain album de PHILM !

PHILM Fire from the evening sun

De nos jours, de nombreux groupes utilise des artifices dans leur musique, si bien qu'ils sonnent parfois comme des cyborgs. Qu'en penses-tu ?

J'aime bien la musique faite par des cyborgs, comme tu dis. J'aime la musique industrielle, qui sonne mécanique. Mais quand je vais voir un groupe en concert qui ne sonne pas comme sur le disque, ça me plait pas. Tu peux utiliser la technologie dans ta musique, mais il ne faut pas perdre le facteur humain. Si tu utilises trop d'outils informatiques ou de montage, tu pers ça. A la base, dans le thrash, on enregistrait tout sur cassette, il n'y avait pas de samples, tout était naturel, c'était ce qui rendait cette musique spéciale.

Et en conclusion :

 

Interview réalisée conjointement avec Tfaaon.



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