"Nous ne sommes pas un groupe cliché"
A l'occasion de la sortie de Ravenhead, Seeb, chanteur, guitariste, claviériste, compositeur et producteur d'Orden Ogan a parlé de la confection de son album à La Grosse Radio. De la phase d'écriture aux touches finales de l'enregistrement, le leader du groupe est impliqué à 100% et n'hésite pas à expliquer à quel point son groupe lui tient à coeur. Entretien avec un passionné.
Bonsoir Seeb et merci de nous accorder cette interview. Comment te sens-tu après avoir fini Ravenhead ?
Soulagé ! J'ai travaillé vraiment dur, j'ai tout produit dans mon studio, l'écriture a eu lieu de janvier à mai, on a enregistré la batterie fin-mai, mais depuis ce moment, j'ai travaillé sans relâche jusqu'à fin novembre et, lors des dernières phases, je me couchais à 7h du matin pour me lever à midi. Du coup, après avoir fini, je suis bien plus détendu.
Dans Orden Ogan, tu joues de la guitare, tu chantes, tu écris les chansons et tu produits. Qu'est-ce que ça fait d'avoir autant de casquettes ?
Pour moi, ça fait partie d'un tout. Je pense qu'on peut mettre dans deux catégorie différentes les gens qui jouent des instruments et les musiciens à proprement parler. Je pense qu'il faut être né musicien pour l'être, pour qu'écrire des chansons naturellement en prenant ta guitare, puis que les paroles viennent toutes seules. Il m'arrive même de me réveiller en pleine nuit et d'aller sur mon ordinateur parce que j'ai rêvé d'une chanson. Ma copine n'apprécie pas trop ! [rires] Concernant la production, c'est aussi venu naturellement, vu que j'ai mon propre studio pour travailler, je m'occupe aussi d'autres groupes. Je pense que c'est comme sur scène : tu peux jouer une chanson aussi bien que possible, si le son est nul, ça n'a pas d'intérêt. Du coup, je m'assure que l'enregistrement soit de la meilleure qualité possible. Bien sûr, ça demande beaucoup de pratique.
Certains groupes aiment avoir comme producteur quelqu'un qui ne fait justement pas partie du line-up, pour prendre du recul. Qu'en penses-tu ?
Je peux te dire que c'est important quand tu as plusieurs égos dans un seul et même groupe, comme ça, quelqu'un peut chapeauter l'ensemble. Mais dans Orden Ogan, la plupart des idées viennent de moi. J'ai beaucoup de respect pour mes musiciens, Dirk est un très bon batteur, Tobi un super guitariste, Niels aussi, mais il joue de la basse parce qu'on n'avait pas de bassiste ! [rires] Mais ils respectent aussi mes rôles de compositeur et producteur. Du coup, quand quelque chose ne fonctionne pas, je le dis et il n'y a pas de conflit, on passe à autre chose. J'ai une vision claire de la direction de nos chansons, du coup, avoir un producteur extérieur est inutile. Si je devais passer un rôle à quelqu'un, ce serait pour le mix, à ce moment-là, je choisirais Colin Richardson.
Est-ce que tes musiciens te donnent des idées pour certaines parties ?
Je dois dire que la plupart du temps, j'ai tellement d'idées que je dois faire le ménage dedans. Avec le dernier album en date, To The End, parce que deux membres venaient d'arriver. Ensuite, nos liens en tant que groupe se sont vraiment renforcés, vu qu'on a beaucoup tourné. Ils ont eu une idée de comment le groupe devait sonner, à force de jouer. Du coup, je pense qu'on a vraiment travaillé sur les chansons en tant que groupe, ce qui est bien pour tous les membres à mon avis.
Ravenhead sonne plus gros que les albums précédents, avec plus de choeurs et d'orchestre. Est-ce voulu ?
Nous sommes un groupe qui tient à rester le plus proche possible de ses fans. Après nos concerts, nous allons au merch pour aller à leur rencontre. Il y a deux choses qui reviennent souvent quand les fans parlent de ce qui leur plaisent dans nos chansons : les refrains catchy avec des choeurs et les gros riffs, le côté metal, car il se trouvent que beaucoup de groupes de power metal ne mettent pas autant l'accent sur ce point que nous. Du coup, nous nous sommes concentrés sur ces points pour les améliorer. Du coup, nous avons bien plus travaillé nos choeurs, ce qui peut donner cette impression de "plus gros".
Parlant des riffs, si beaucoup de groupes de power metal lorgnent du côté des années 80, on retrouve une touche moderne dans ta musique. Peux-tu nous en parler ?
La plupart des groupes de power metal sont plus anciens qu'Orden Ogan. Il n'y a pas beaucoup de groupes plus jeunes que ceux qu'on connaît depuis des lustres. Edguy commence à prendre de l'âge, après est venu Sabaton, Powerwolf ensuite, et il n'y en a pas beaucoup d'autres. Sinon, on a les mêmes groupes que dans les années 90. Du coup, vu que nous faisons partie des plus jeunes, nous sommes aussi influencés par les groupes de notre génération, on a écouté un peu de metalcore, ou même des groupes simplement plus brutaux comme Machine Head. Ce n'est pas vraiment une influence pour un groupe plus ancien comme Blind Guardian. J'ai pas mal travaillé avec Dirk, notre batteur, qui vient de l'univers djent, il propose pas mal d'idées et si certaines sont hors de propos, d'autres marchent bien.
La pochette de Ravenhead, faite par Andreas Marschall, a une thématique beaucoup plus sombre. Pourquoi ?
Pour ça, il faut que j'explique le nom du groupe : "Orden" veut dire ordre en allemand et "Ogan" veut dire peur en celtique. Du coup, nous avons voulu mettre ça plus en avant sur notre pochette. Sur le verso de la pochette, il y a aussi notre mascotte devant une abbaye en haut d'une montagne avec un corbeau qui vole au-dessus, d'où le titre Ravenhead (tête de corbeau). Comme je t'ai dit, le disque a fait l'objet d'un travail plus pointu sur les refrains et les riffs. Du coup, c'est bien d'avoir une pochette plus agressive, comme les vieux Megadeth.
Nous avons aussi des paroles aux thèmes assez sombres, mais à côté de ça, on a une musique plutôt joyeuse par moments, comment gères-tu ce décalage ?
Je comprends ce que tu dis, c'est le cas dans "Evil Lies in Every Man", par exemple. Pourtant, c'est écrit en mineur, du coup, c'est censé être triste. Les sujets sont généralement pris d'un léger concept basé sur des histoires d'horreur, c'est surtout le cas dans le clip de "F.E.V.E.R" qui montre pas mal de thèmes utilisés. Toutes les chansons ne font pas partie du concept, mais "Evil Lies in Every Man", "Ravenhead" et "F.E.V.E.R" sont liées entre elles. Nous ne sommes pas un groupe cliché qui fait des mélodies joyeuses cheesy, ni des suiveurs d'Helloween.
On retrouve deux invités sur Ravenhead : Joacim Cans (Hammerfall) et Chris Boltendahl (Grave Digger). Parle-nous en.
Je ne suis pas du tout fan du principe de name-dropping. Si les fans d'Orden Ogan achètent un de nos disques, je préfère qu'ils l'achètent pour notre musique et pas pour les invités dessus. Sinon, autant acheter un album de Grave Digger, par exemple ! Pour une collaboration, il faut que ça rentre parfaitement. Lors de notre dernière tournée avec Grave Digger, nous sommes devenus très amis avec Chris, j'ai d'ailleurs fait les choeurs sur leur dernier album. Après l'enregistrement, Chris m'a dit qu'il serait partant pour chanter sur un disque d'Orden Ogan et une fois les chansons écrites, j'ai tout de suite su quelle partie il chanterait [sur "Here at the End of the World"]. Avec Joacim, c'était un peu différent. On avait déjà fini d'écrire "Sorrow is your Tale", mais j'avais l'impression que ça ne marchait pas avec ma voix. Ça allait, mais il m'a semblé que ça marcherait mieux avec quelqu'un d'autre. C'était au moment où la tournée avec Hammerfall a été confirmée, du coup, le choix était évident.
Comptes-tu l'amener sur scène avec toi ?
On aimerait bien, mais ça m'étonnerait que ça arrive pendant la tournée. Le fait d'amener Joacim sur scène avant risque de gâcher l'excitation de l'arrivée d'Hammerfall sur scène. Mais je suis sur que c'est faisable sur un festival où on joue tous les deux.
Y a-t-il d'autres artistes que tu aimerais travailler sur d'éventuels autres albums ?
Il y a des artistes intéressants, ça peut paraître étrange comme choix, mais j'aimerais travailler avec Jonathan Davis (Korn) ou Trent Renzor (Nine Inch Nails). Ils ont une manière très personnelle de composer et c'est là que j'aimerais collaborer avec eux. Je ne sais pas si ça arrivera un jour ! [rires]
Que peux-tu dire sur la tournée qui arrive avec Hammerfall et Serious Black ?
J'en suis très content. Ca fait plaisir de voir qu'on grandit de jour en jour. A la base, l'agence de booking qui s'en occupe nous avait proposer de tourner avec Edguy, mais nous n'aurions pas pu sortir le disque à temps et du coup, on nous a mis sur Hammerfall. Ces derniers étaient très contents qu'on tourne avec eux.
A quand une tournée en tête d'affiche ?
Nous allons faire une autre tournée en première partie d'un autre groupe (au moins aussi gros qu'Hammerfall) en août, je ne peux pas en parler pour l'instant, mais ce sera une belle opportunité pour nous. Nous ferons sûrement une tournée en tête d'affiche en 2016, qui accompagnera la sortie d'un DVD. On vient d'en parler avec notre maison de disques, vu qu'on va jouer au Rockharz Open Air en Allemagne qu'on risque de filmer en plus d'un autre concert en club, cette fois en tant que tête d'affiche. C'est intéressant de montrer les différentes atmosphères sur un gros festival et dans une petite salle.
Quel est ton meilleur souvenir de concert ?
Nous avons fait le Progpower USA en septembre et nous avons été complètement soufflés. Nous ne savions pas du tout à quoi nous attendre.Nous avons joué dans une salle comble et tout le monde chantait nos refrains… on se demandait se qu'il se passait ! [rires] Quand nous avons fait la séance d'autographes ensuite, la file d'attente s'étendait jusque dans la rue, nous avons écoulé tout notre merch en une heure ! C'est aussi là qu'on a eu nos conversations les plus profondes et les plus intéressantes concernant les paroles de nos chansons.
Restons en Amérique. Dave Mustaine (Megadeth) a déclaré sur internet qu'il adorait Orden Ogan. Qu'en penses-tu ?
Plein de gens parlent de lui comme si c'était le pire imbécile de la scène, sûrement à cause de ses opinions politiques. Ça ne m'intéresse pas, tant que ce n'est pas trop extrême. Orden Ogan n'a rien à voir avec la politique. Ce qui m'intéresse, c'est que Dave Mustaine est une légende et aussi l'un des compositeurs et guitaristes les plus influents de la scène. Du coup, c'est un compliment énorme, j'en suis très heureux. Nous avons essayé de le contacter pour intégrer son Gigantour, nous avons une bonne agence de booking, mais c'est très difficile d'entrer en contact avec eux. Nous avons essayé aussi via la marque de guitares Jackson, qui endorse le bassiste Dave Ellefson, mais ça n'a pas marché. Peut-être qu'on les rencontrera lors d'un festival.