Andreas Kisser, guitariste de Sepultura

"Sepultura a survécu pendant 30 années très mouvementées"
 

Sepultura a profité de son passage au Motocultor pour célébrer ses 30 ans d'existence. En cette occasion, La Grosse Radio s'est entretenue avec Andreas Kisser, guitariste et tête pensante du groupe. Sans nouvel album à promouvoir, le thrasher en a profité pour offrir une rétrospective de sa carrière, présentant les bons et les mauvais moments avec honnêteté et lucidité.

Bonjour Andreas et merci de nous accorder cette interview. Vous êtes actuellement en tournée pour célébrer les 30 ans de Sepultura, qu'est-ce que ça fait ?

Ca fait du bien. C'est le bon moment pour Sepultura de faire ça, vu qu'on est en tournée depuis deux ans pour The Mediator between Head and Hands must be the Heart.  C'est un album fort, avec un line-up uni, du coup le groupe est dans un excellent état pour célébrer un tel anniversaire et ressortir les titres plus anciens. Mais nous ne célébrons pas de réussite personnelle, nous jouons aussi des chansons de 1985, il n'y a que Paulo [basse] qui est resté de cette période. Nous célébrons l'ensemble de l'époque pour satisfaire chaque fan de Sepultura. Ils sont très différents, entre ceux qui aiment, ceux qui détestent… [rires] Sans eux, nous ne serions pas là, donc nous avons une setlist variée où nous piochons dans toutes les époques pour plaire à chacun. Je les respecte tous, sans forcément être d'accord avec tout le monde, mais ils sont libres.

Puisque nous sommes dans les anniversaires, comptez-vous faire quelque chose pour les 20 ans de Roots l'année prochaine ?

Nous allons plutôt fêter la sortie d'un nouvel album ! C'est un de nos albums les plus importants et il a eu un grand impact sur la scène. C'est bien que les gens continuent d'en parler aujourd'hui, nous en jouons toujours un peu. C'est un privilège d'avoir participé à ce projet. Après être sorti du Brésil en 1989 pour tourner avec Sodom, nous avons tout fait pour rendre Sepultura le plus original possible, en utilisant nos racines musicales. Ces influences ont explosé avec Roots. Il pourrait y avoir des possibilités l'année prochaine. Nous avons déjà joué Arise et Chaos AD en entier, faire Roots en entier serait un sacré challenge, mais rien n'est prévu pour le moment.

Andreas Kisser Sepultura

Vous aviez aussi fait une tournée spéciale en Europe en 2011, avec que des morceaux de Beneath the Remains, Arise et Chaos AD. Quels souvenirs en as-tu ?

C'était une tournée intéressante, le souci est que cela n'a pas été fait au bon moment. Kairos venait de sortir et nous avons manqué une période importante pour le promouvoir. Mais, en même temps, c'était la première tournée avec Eloy Casagrande, donc c'était bien de le roder sur une setlist atypique, pour, par la suite, avoir plus de choix dans notre répertoire. Et nous avons adoré jouer avec nos amis d'Exodus, Destruction et Heathen.

Du coup, comment est l'ambiance avec Eloy, maintenant qu'il est dans le groupe depuis quatre ans ?

Il est plus jeune, mais a déjà beaucoup d'expérience. Il a commencé à jouer à huit ans et a gagné plusieurs concours de musiciens, il a tourné avec André Matos… Quand il est arrivé, il était prêt, comme une machine prête à attaquer ! Il prend soin de lui, d'autant qu'il est dans un groupe qui tourne En plus, Sepultura est la musique qu'il aime jouer, avec laquelle il peut le mieux s'exprimer. Il a aussi apporté beaucoup de possibilités à notre musique.

Quand tu es entré dans Sepultura en 1987, pensais-tu y rester aussi longtemps ?

Je ne pensais pas à ça quand je suis entré dans le groupe. Si Sepultura a survécu et tenu aussi longtemps, c'est parce que nous vivons le moment présent. Bien sûr, nous travaillons dur. Quand je suis entré dans le groupe, ils avaient déjà un rythme soutenu, à répéter tous les jours, à s'accrocher à une époque où c'était difficile de se produire en concert et à s'investir en tant que musiciens. Et nous y voilà ! C'est une belle histoire, un groupe qui commence au Brésil, qui sort de l'Amérique du Sud, et nous avons rencontré tellement de gens, pas seulement dans la musique, mais aussi dans le domaine du sport ou de la politique.

Comment Sepultura t'a changé en tant que musicien ?

Le Brésil est un pays très porté sur la musique et la guitare est une importante partie de l'héritage qu'on a, notamment avec la bossa nova. J'ai commencé avec la guitare acoustique et je pratique toujours un peu la guitare classique quand je peux. Mais la guitare électrique n'était jamais bien loin et je cherchais à faire comme mes idoles : Judas Priest, Black Sabbath, Randy Rhoads, Dio, Iron Maiden… Toutes ces icones du heavy metal, avant que je ne me porte vers le metal plus extrême, avec Kreator, Destruction, Venom, Metallica, Slayer… Puis, en voyageant avec Sepultura, nous avons voyagé et découvert d'autres musiciens, avec des instruments que je n'avais jamais vu auparavant. C'est un privilège de pouvoir visiter le Maroc ou l'Afrique du Sud et explorer de nouveaux univers musicaux. La musique te permet de te rapprocher de la vérité, tu as plein de possibilités d'y arriver. J'ai eu plusieurs mentors, pendant des périodes très courtes, pour apprendre de nouvelles techniques et continuer d'évoluer musicalement.

Parlant d'évolution, avez-vous commencé à vous pencher sur un éventuel nouvel album ?

Nous sommes au tout début du processus, même s'il nous reste encore quelques concerts d'ici la fin de l'année. Nous avons quelques idées et quelques riffs par ci par là, mais il faut maintenant qu'on organise tout ça. Avant cela, il faut qu'on trouve des idées de titres de chansons, pour construire un genre de concept, pour savoir pourquoi on sort ça. Nous avons plein de possibilités devant nous, mais j'apprécie cet instant d'incertitude que nous vivons en ce moment ! [rires]

Andreas Kisser Sepultura

Quel est ton meilleur souvenir dans Sepultura ?

Heureusement pour nous, nous avons plein de bons souvenirs, aussi bien dans la musique que dans les rencontres. Il y a eu cette tournée avec Pantera aux États-Unis en 1994, c'était pendant la coupe du monde, un soir nous avions vu la finale contre l'Italie et joué dans une grosse salle à guichet fermé. Il y avait une partie de ma famille avec moi, Pantera est entré en scène avec un t-shirt du Brésil pour fêter ça, Chaos AD était en train de gagner en succès, c'était un grand moment de notre carrière.

Quelle est la chose la plus importante que tu as apprise au cours de ta carrière?

Il faut que tu sois honnête avec toi-même, avec ta musique, avec ce que tu écris dans tes paroles, avec ce que tu dis dans tes interviews… Tu dois défendre une idée en laquelle tu crois vraiment, quelles que soient les tendances du moment et ce que les autres pensent. C'est comme ça que tu pourras survivre aux nouvelles technologies, etc. Sepultura a survécu pendant 30 années très mouvementées, et je ne parle même pas des changements à l'intérieur du groupe, mais des transitions du vinyle au CD, puis au Minidisc, puis au MP3, et les politiques de revenus des artistes ont aussi changé avec tout ça, mais nous sommes toujours là. Nous avons choisi de faire face à nos problèmes, plutôt que tenter de les dissimuler et de tromper nos fans. Ce fut une route difficile, surtout quand Max [Cavalera, ex-chanteur-guitariste] a quitté le groupe, cela nous a pris un certain temps pour reconstruire le groupe, mais nous en sommes ressortis encore plus forts.

Du coup, y a-t-il eu des moments où vous avez pensé à raccrocher ?

Oui, bien sûr, c'est naturel d'y penser quand les choses vont mal. Quand Max a quitté le groupe, nous étions au sommet de notre carrière, nous jouions dans des arènes en Europe, Roots était un album-phare à l'époque, nous avions plein de concerts prévus au Japon, en Australie, en Amérique du Sud… Nous étions prêts à tout conquérir ! Et Max est parti à ce moment précis, nous avions dû annuler plein de concerts, et le label est resté du côté de Max. C'était une période très difficile, on ne savait pas ce qu'on allait faire, on n'était plus que trois, Igor [Cavalera, ex-batteur] était resté avec nous, c'était très important, mais nous avions dû trouver d'autres managers, d'autres producteurs… Un moment, nous avions pensé à tout laisser tomber, changer de nom, ou alors vendre des hot dogs sur la plage ! [rires] Nous avons pris entre sept et huit mois pour trouver un nouveau chanteur, reconstruire le groupe, écouter différentes opinions de différentes sources et se mettre les idées en ordre avant de prendre une décision. Il y a eu des mauvaises passes, mais tu peux en tirer du positif. Quand une porte se ferme, dix autres s'ouvrent. Dans l'ensemble, nous sommes contents de ces 30 ans de carrière et des choix que nous avons fait. 



 

Photos : ©2015 Thomas Orlanth
Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe.



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