Biff Byford, chanteur de Saxon

Avec Battering Ram, qui sera dans les bacs le 16 octobre, Saxon revient avec un vingt-et-unième album. Nous avons pu nous entretenir avec Biff Byford, chanteur mythique du groupe anglais, le temps d'évoquer aussi bien l'actualité de Saxon que les filles du Moulin Rouge.

Salut Biff ! Tout d’abord, un grand merci pour le temps que tu nous accordes dans le cadre de la promo de Battering Ram, le nouvel album de Saxon.

Avec plaisir !

Ce 21ème album sort bientôt, qu’est-ce que le groupe a ou va réaliser avec ce disque, d’après toi ?

Je crois que c’est un chef d’œuvre musical qu’on a réalisé. Il est très pointu, et je pense que c’est mon préféré parmi les 4 ou 5 derniers albums. Je ne l’ai pas produit, j’ai laissé la production à Andy Sneap, qui avait mixé le dernier album… et je suis très content du résultat ! De l’énergie, de supers morceaux, qu’est-ce qu’on pourrait demander de mieux ?

Et quel serait ton morceau préféré sur Battering Ram ?

Là, maintenant, je dirais que c’est "Queen Of Hearts". Oui, c’est mon préféré. Parce que c’est un morceau profond, il est sûrement plus… intellectuel que les autres. Et puis aussi, j’ai réussi à étendre mon registre dessus, je couvre trois octaves. J’étais même surpris d’y arriver, ça fait toujours plaisir [rires].

Te rappelles-tu quel titre est venu en premier pour cet album ?

Nibbs et moi avons écrit en premier, et je crois que c’était "Battering Ram". J’avais déjà les paroles, donc ça a été assez facile de mettre ça en musique. On a écrit ça très vite, Nibbs a eu plein d’idées, ça s’est très bien mis en place, et on a juste peaufiné les choses plus tard avec quelques arrangements.

Et est-ce que l’écriture du reste de l’album a été influencée par ce premier titre ?

Non. Pas du tout. Parce que Nibbs avait déjà plein de riffs de guitare en tête, et j’ai juste choisi ceux que je trouvais bons, et qui sonnaient Saxon. Du coup, j’ai l’impression que l’album est plus cohérent et d’un seul tenant, parce que seulement deux personnes ont écrit, et non plus cinq. Le style des lignes de guitares est par exemple moins varié. Et je dis ça de façon positive, je trouve ça très bien, et que ça fonctionne à merveille. Peut-être que ce sera pareil sur le prochain album, je ne sais pas ! On était contents de ce qu’on avait, puis on a fait écouter nos ébauches de démo au reste du groupe, et ils ont aimé. C’est comme ça que la machine s'est mise en marche.

Il y a donc des restes de ces sessions, qui n’ont pas été utilisés sur l’album ?

Il y en a oui ! Je dirais quatre ou cinq chansons, qui n’ont pas été retenues. Certaines n’étaient pas assez bonnes à notre goût, d’autres n’avaient pas le style qu’Andy et moi-même voulions pour cet album.

Ce n’est donc pas un problème d'espace sur le disque : on entendra probablement jamais ces titres.

Exactement. On voulait juste un album de grande qualité, avec seulement de grands titres.

Comme tu l’as dit, vous avez travaillé avec Andy Sneap, comme depuis quelques années. Il donne souvent un style très moderne, d’un point de vue production. A l’inverse, vos titres créent une ambiance très ancrée dans les années 80 : comment expliques-tu que ça fonctionne si bien malgré tout ?

Eh bien, il a vraiment une incroyable capacité à faire cohabiter deux époques différentes. Le style moderne de Killswitch Engage par exemple, et le style plus ancien de Saxon. Il est très bon pour mélanger ça, par exemple en trouvant des sons de guitare très typés années 80, et en leur ajoutant du mordant. Il est vraiment très bon. Je crois qu’il se surprend lui-même parfois !

A l’écoute, l’album confirme que tu appartiens au petit groupe de chanteurs dont la voix s’améliore avec les années. On dirait qu’en vieillissant, ta voix gagne en harmoniques et en profondeur.

Il faut arriver à trouver un espace pour ta voix, pour ton timbre. En fait, je pense que je suis juste chanceux de ne pas avoir eu de gros problèmes avec ma voix. Tu vois, je n’ai pas subi 15 opérations… C’est vrai qu’au début de ma carrière, je n’ai pas trop fait d’excès, je ne buvais pas trop… Enfin pas une bouteille de Jack par jour… J’étais plus prudent. Si je picole, ce sera probablement du vin, parce que c’est plus doux et moins agressif. Tu arrives au même stade avec du vin, mais juste plus lentement [rires]. Et ça ne te brûle pas la gorge. Mais bref, oui, je suis chanceux. Et on l’a tous été car ma voix était en bon état pendant l’enregistrement, surtout que tout s’est fait un peu à tâtons… On écrivait, et je passais chez Andy pour essayer quelques lignes de chant. Si tu prends "Queen Of Hearts", on a beaucoup expérimenté avec ma voix, essayé de l’utiliser comme un instrument.

Il n’y a donc pas de recette miracle pour que la voix d’un chanteur se bonifie avec l’âge ?

Il n’y a pas de secret, non ! Tu jettes les dés, et tu voix comment il retombent. Si tu prends Bruce Dickinson, c’est un grand chanteur, et on a la même approche : on se contente de chanter, et de raconter des histoires. C’est un grand conteur. Il a son style, j’ai le mien, mais je crois qu’on aborde le chant de la même façon.

Tu as parlé de "Queen Of Hearts" à deux reprises. A première vue, on peut croire que le titre fait référence à un jeu de cartes, mais tu as expliqué dans une autre interview que le thème était plutôt les échecs, un jeu que tu pratiques beaucoup.

En fait c’est un mélange. C’est un morceau poétique. En gros, j’écris de la prose, de la poésie. Une partie a du sens, l’autre non. Mais le morceau est vraiment à propos d’un jeu d’échecs. Et il a des éléments qui rappellent Alice Au Pays des Merveilles de Lewis Carroll, comme la Reine Rouge. Traditionnellement, la Reine Rouge est un personnage sombre et maléfique, ça apporte un côté surréaliste. Mais les paroles n’ont pas de réel sens, à part à mes yeux. Ça aurait pu être un titre concept, j’aurais même pu en faire un concept album complet.

Et faire un concept album, c’est une chose à laquelle le groupe a déjà pensé ?

Non, le groupe n’est pas vraiment tenté par cette idée. Moi par contre, ça pourrait m’intéresser un jour, mais le groupe pas vraiment : c’est vraiment un travail très difficile de réaliser un concept album, tu dois être vraiment concentré, et chaque membre de l’équipe doit s’y consacrer à fond. Du coup, c’est peut-être un truc que je ferai en tant que projet solo, ça serait intéressant. Mais il faut trouver un très bon sujet, d’abord.

L’album contient aussi une piste bonus.

[il explose de rire] "The Drinking Song" !

Pourquoi n’est-elle pas intégrée à l’album comme un titre normal ?

Tout simplement parce que notre contrat exigeait une piste bonus. Et c’était un des titres qui ne correspondaient pas trop au reste de l’album, d’un point de vue stylistique. C’est juste une chanson de boogie woogie et de rock’n’roll, qu’on a abordée de façon plus légère, ce n’est pas un titre sérieux. C’est juste un morceau marrant qui parle d’alcool et de gueule de bois. Tout le monde a vécu ce qu’il raconte. Ça sera sûrement le tube de l’album ! [rires] On envisage même de le jouer sur scène, c’est un titre entraînant, les gens pourraient chanter et sauter… C’est vraiment un retour à la façon d’écrire des morceaux dans les années 80, pour s’éclater.

A propos de l’album Unplugged & Strung Up, sorti il y a quelque temps, Saxon y avait introduit de nombreux éléments orchestraux, qui ont disparu sur Battering Ram.

Ils ne sont pas sur cette album, oui, de toute évidence. Mais on pourrait ajouter certains de ces éléments aux nouveaux titres, sur scène. “Queen Of Hearts” sonnerait du feu de dieu avec un orchestre ! C’est quelque chose auquel on pense, qu’on n’a pas oublié. C’est toujours là… Mais en 2015, avec toutes les bouses surproduites qui sortent dans tous les sens… je voulais sortir un album de metal britannique, brut, qui nous ramènerait aux racines du metal tout en sonnant moderne. Et je crois que c’est ce qu’on a fait.
On pourrait faire un autre Unplugged & Strung Up, et certains de ces nouveaux morceaux pourraient se retrouver dessus avec un orchestre. Ca serait génial ! Mais tu voix, ce n’est pas moi qui faits l’orchestration, un spécialiste de la musique classique s’en occupe, et il nous présente ce à quoi il arrive. On a essayé beaucoup de chansons avec ces éléments, et certaines ne nous plaisaient pas, ça ne marchait tout simplement pas. C’est souvent les gros morceaux épiques qui sonnent le mieux avec un orchestre, comme “Crusader”, parce que ça apporte de la profondeur.

Pourquoi le nom Battering Ram a été choisi pour l’album ? Simplement parce que c’était le premier titre du disque ?

C’est un grand morceau de rock. Il marche super bien en live, on l’a joué aux Etats-Unis avec un certain nombre de fois. C’est une super vidéo, aussi. Et puis je trouve que des fois, c’est un peu comme cogner avec un bélier [battering ram en anglais, NDLR] d’essayer de… tu vois c’est notre vingt-et-unième album, les gens peuvent facilement se dire “ouais… comme d’habitude, un bon album de Saxon. On ne veut pas vraiment vivre sur nos acquis, et c’est un peu comme attaquer avec un bélier que de réussir à faire écouter aux gens l’album en tant qu’album, et non en tant qu’un énième album de Saxon. Il faudrait que les gens écoutent ce disque comme si ce n’était aps nous qui l’avions écrit. Quand on écrit, je me pose souvent cette question : “Si un jeune groupe avait enregistré ça, est-ce que ça me plairait toujours ?”. Et ma réponse, c’est “Putain, oui !”. On pourrait peut-être écrire des morceaux pour juste les donner à de jeunes groupes, pour qu’il les enregistre. Gratuitement bien sûr ! [rires]

Une dernière question concernant ce nouvel album : si tu devais le décrire en trois mots, lesquels choisirais-tu ?

Metal britannique brut.

Saxon a commencé à jouer le morceau “Battering Ram” le jour même où il a été révélé. Mais aucun autre morceau de l’album : pourquoi ce choix ?

Simplement parce que le disque n’est pas sorti. On ne voulait pas anticiper la sortie. On voulait juste sortir un morceau sur YouTube et iTunes avant la tournée américaine avec Motörhead, pour que les gens aient une chanson en tête. Et ça a bien marché, plein de vues et de téléchargements. Et donc quand on est arrivés sur scène le premier soir de la tournée, on a joué “Battering Ram” et les gens connaissait le morceau ! Et ça met l’album dans l’esprit des gens, ils l’attendent. Dans le contexte actuel des réseaux sociaux et tout ça, cette stratégie a vraiment payé. On avait aussi un pack VIP, qui permettait à certains fans de nous rejoindre dans le bus, pour qu’on leur fasse écouter cinq titres.

On entendra donc d’autres morceaux de Battering Ram sur scène : tu sais déjà lesquels ?

On jouera quatre ou cinq nouveaux morceaux, c’est sûr. On a pensé à faire un sondage sur Facebook, pour que les gens choisissent leurs quatre morceaux préférés de l’album. Mais on ne peut pas le faire encore, tant que rien n’est sorti. Rien n’est encore figé. “Battering Ram” sera de la partie. Si ça ne tenait qu’à moi, je choisirais les quatre premiers titres, parce qu’ils sont vraiment bons. Mais on va décider ça avec le groupe, et on veut aussi l’avis des fans.

Tu parlais de Motörhead : avec les problèmes de santé récents de Lemmy, est-ce que le risque d’annulation n’est pas une source de pression ?

Non. Ce n’est bon ni pour Motörhead, ni pour Saxon, quand un concert est annulé, ou quand Lemmy ne peut pas finir le set. Mais il veut tourner, et il est maintenant confiant quant à sa capacité à le faire, après son dernier traitement. On doit juste garder les doigts croisés, lui apporter notre soutien pour l’aider à faire ce qu’il veut. Et puis, c’est une belle tournée, 100% anglaise, et oldschool avec Motörhead, Saxon et Girlschool. On a tous débuté dans les années 80, et c’est de là que vient notre succès. Et on va tous jouer de vieux classiques et des titres de nos nouveaux albums : ça va être de grands moments. Et le premier concert sera à Paris, c’est toujours sympa de commencer ou finir une tournée ici.

J’allais y venir : tu as joué un certain nombre de fois en France avec Saxon, tu as des souvenirs ou des anecdotes en particulier qui te viennent à l’esprit ?

Oh oui ! On a vécu de super moments ici à Paris. On a touché le fond et le sommet, selon les époques. On a joué au Zénith, on a joué à la Locomotive, le Bataclan, et maintenant on est de retour au Zénith. C’est assez spécial ici, les gens ne nous ont pas oublié pendant les années les plus difficiles. Et on a vécu de belles expériences ici. Je me rappelle de fêtes démentes avec les filles du Moulin Rouge, quand on jouait juste à côté à la Locomotive [rires].

On ne vous a pas vu dans des festivals en France depuis plus de deux ans : c’est quelque chose que vous voulez refaire ?

On aimerait oui. Je pense qu’on est très populaires en France, maintenant. La dernière tournée affichait complet partout. Et puis je pense qu’on est à notre place en festival, on a des morceaux qui sont presque des hymnes. On pourrait peut-être revenir au Hellfest, qui sait ? Je croise les doigts. Je ne crois pas que ce soit acté, mais peut-être d’ici Noël, c’est le moment où tout se signe. Ils vont d’abord signer les mastodontes en tête d’affiche, et ensuite ça sera peut-être notre tour. 

Est-ce que le groupe a déjà des projets pour la suite, une fois que la tournée défendant Battering Ram sera finie ?

D’un point de vue studio et enregistrement, non. On va être en tournée pendant un long moment, jouer ce nouvel album pour qu’il soit apprécié,a cheté et monte dans les charts. On a besoin de ça. C’est un effet boule de neige : tu vends beaucoup donc on te propose de plus gros concert et de meilleurs horaires dans les festivals. Et donc les gens achètent plus ton album… Un cercle vertueux. Pour le reste, wait and see !

As-tu un dernier message pour nos lecteurs de La Grosse Radio ?

On est un groupe de scène, et on ne cherche pas à reproduire fidèlement nos albums avec des synthétiseurs et tout plein d’effets. On joue, c’est tout, et quand on est en tournée, chaque jour est vraiment unique à nos yeux : venez donc nous voir en tournée avec Motörhead et Girlschool, ça n’arrivera probablement plus jamais. Et il faut acheter les albums aussi, parce que quand on jouera “Destroyer”, “Queen Of hearts” ou “Devil’s Footprint”, les gens devront connaître ces morceaux. Venez nous voir !



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