« Nous sommes simples et gardons les pieds sur terre »
L'affiche alléchante du Deathcrusher tour, rassemblant Carcass, Obituary, Napalm Death et Voivod, était clairement l'un des moments les plus attendus de l'année en matière de concert metal. A l'occasion de la date parisienne, nous nous sommes à nouveau entretenus avec Donald Tardy, batteur d'Obituary, pour revenir sur cette tournée exceptionnelle et du choix des groupes constituant l'affiche. Nous avons également pu discuter du récent décès de Frank Watkins, ancien bassiste du groupe mais également des événements récents ayant eu lieu à Paris et de la volonté du groupe de ne pas annuler le concert. Sur une note beaucoup plus légère, nous sommes revenus sur le dernier clip du groupe, "Violence", enregistré sous la forme d'un film d'animation, ainsi que les projets futurs d'Obituary.
Bonjour Donald. Merci de nous accorder cette interview pour La Grosse Radio. Vous êtes actuellement en pleine tournée pour le Deathcrusher tour. Comment cela se passe-t-il jusqu'à présent?
C'est extraordinaire! Je pense que tout le monde s'en serait douté en voyant l'affiche. C'était une idée incroyable. Chaque concert est presque sold out. Je crois que celui de ce soir à Paris est complet, ce qui est incroyable, étant donnés les circonstances (le concert se déroule dans un climat tendu après les attentats de Paris NDLR). Les concerts donnés jusqu'à présents ont été phénoménaux. Sur cette tournée, il y a quatre groupes légendaires, qui pourraient tous êtres en tête d'affiche. Nous sommes donc chanceux d'en faire partie !
Au cours de cette tournée, vous donnez de nombreux concerts sur une très courte période. 34 concerts en 38 jours. Penses-tu que de nos jours il soit nécessaire pour un artiste de tourner de façon aussi intensive ?
Je ne sais pas… Nous n’avons pas réfléchi en ces termes au moment de démarrer la tournée. On a su qu’on voulait le faire quand on a vu l’affiche. Ce n’est pas quelque chose qui arrive tous les jours. Je veux dire que ça n’arrive peut être qu’une fois dans une vie d’avoir quatre groupes de ce calibre réunis. C’est vrai que 34 concerts, cela fait beaucoup de dates à assurer, mais c’est un succès pour tous les artistes et les fans semblent adorer !
Effectivement cela fait plaisir de voir ces quatre groupes réunis sur une même affiche ! Peux-tu choisir un mot pour résumer chacune de ces formations ?
Et bien pour Voïvod je dirais…inventif ! Napalm Death est une légende ! Pour Obituary, je dirais « hommes des cavernes » ! (rires). Et Carcass sont les rois !
Vous avez désormais pas moins de neuf albums studios à votre actif. Comment procédez-vous pour établir la setlist ?
Et bien comme sur cette tournée notre temps de jeu n’est que de 45 minutes, ce qui correspond à peu près à une dizaine de chansons, il était difficile pour nous de choisir une chanson par album. Nous avons donc essayé de mettre sur pied la meilleure setlist que nous pouvions et pour cela nous avons choisi les morceaux qui nous semblent les plus directs. Nous avons sélectionné celles que nous pensions êtres les meilleures, pour tous les fans, les plus jeunes comme ceux du début. Mais c’est une très bonne setlist ! (sourire)
Inked in Blood est sorti l’année dernière. Avec un an de recul, que penses-tu aujourd’hui de cet album ?
Je le trouve toujours bon ! C’est le premier album que nous avons enregistré, mixé et produit par nous-même, donc ça ne sera peut-être pas le mieux produit du monde ou celui qui se sera le plus vendu. Nous l’avons réalisé à 100 % nous-même et sachant cela, je pense que nous nous en sommes bien tirés. Notre démarche était intègre et sincère et j’en suis toujours fier aujourd’hui.
Vous êtes toujours en pleine promotion pour cet album. Vous venez d’ailleurs de sortir un clip vidéo animé pour "Violence". Ce clip est très axé sur le second degré. Etait-ce important pour vous de ne pas trop vous prendre au sérieux ?
Oui ! Je pense que les gens qui nous connaissent personnellement savent que l’on ne prend pas trop les choses au sérieux. Nous sommes plutôt simples, réalistes et nous gardons les pieds sur terre. Du coup la dernière chose que nous voulions faire était un clip où nous aurions joué le morceau. Nous ne sommes plus dans les années 90… C’est quelque chose que je trouve ennuyeux et qui ne correspond pas à Obituary. Nous ne voulions pas quelque chose de sombre, diabolique…plutôt quelque chose d’idiot et stupide ! (rires) Et nous avons trouvé la bonne personne pour cela ! (rires) (le clip a été réalisé par le jeune réalisateur hongrois Balazs Grof NDLR).
Pourquoi avoir choisi « Violence » pour représenter l’album à travers ce clip ?
Je ne sais pas, tu sais je suis fier de chaque chanson et toutes auraient mérité de représenter l’album. Mais je pense que la raison principale est qu’il s’agit d’une chanson rapide, ce qui nous permettait de faire une vidéo marrante. Une chanson rapide est plus facile à animer qu’un titre lourd et puissant. La seconde raison est qu’il s’agissait d’un dessin animé. « Violence » n’est qu’un titre de deux minutes et je pense que c’est plus simple d’animer une chanson courte. Si nous avions choisi un morceau de cinq minutes, cela aurait pris un an avant d’aboutir à un résultat.
Tu as créé Obituary il y a plus de trente ans. Comment vois-tu ton évolution dans cette scène death metal ? Y a-t-il de nouveaux groupes qui t’impressionnent actuellement ?
Je ne sais pas. Concernant Obituary, nous avons toujours fait ce que nous voulions, en passant de bons moments. On ne s’est jamais posé de questions sur la façon d’écrire des riffs et de la nouvelle musique. Aujourd’hui nous sommes seulement heureux. Heureux d’être en vie, en bonne santé, de passer des bons moments sur la route, à pouvoir enregistrer des albums… Concernant les autres groupes, je pense que tout le monde continue d’écouter les classiques. Personnellement, j’écoute surtout les groupes avec lesquels j’ai grandi, plus que les nouveautés…Peut-être que c’est une mauvaise chose. Mais je trouve qu’aujourd’hui par exemple beaucoup de groupes reprennent des choses que nous faisions lorsque nous avions 20 ans. Du coup, je me retrouve plus dans les albums de Black Sabbath, Dio…même Stevie Ray Vaughan, Molly Hatchet ou Lynyrd Skynyrd car c’est avec cela que j’ai grandi et c’est ce que j’apprécie encore aujourd’hui.
Cette année au Hellfest, Obituary a été la tête d’affiche de la scène Altar consacrée au death metal. Est-ce important ce genre de reconnaissance ?
Peut-être que c’est important pour le côté publicité, promotion. Mais en ce qui concerne le groupe, je pense que nous ne nous soucions pas trop de cela. On pourrait se contenter de moins. Cela fait toujours plaisir de faire partie de quelque chose d’aussi gros que le Hellfest. C’est une expérience extraordinaire. Mais cela ne nous dérangerait pas de jouer dans l’après-midi ou en dernier. L’important c’est que l’on prenne du plaisir sur scène. Notre égo n’est pas démesuré, cela ne nous touche pas plus que ça ! (rires)
Le mois dernier, Frank Watkins votre ancien bassiste est décédé des suites d’un cancer…
Oui…C’était un ami et il l’a été pendant 35 ans. Donc j’ai bien sûr de nombreux souvenirs. Il a fait partie de nos vies. C’est triste de voir que ta vie puisse s’arrêter subitement, surtout si jeune. Cela t’apprend à profiter de la vie et de chaque instant. Aujourd’hui, je réalise à quel point j’ai de la chance, je suis heureux, je profite de chaque moment.
Cela fait longtemps qu’Obituary n’a pas sorti un album live, puisque le dernier DVD, Frozen Alive, date de 2006 et le dernier CD live, Dead, est sorti en 1998. Pensez-vous en refaire un prochainement ?
Peut-être, nous ne savons pas vraiment. Tu sais, avec internet je pense que chaque concert est enregistré et que tu peux visionner nos live sur Youtube. C’est comme un album live ! (rires) Souvent les gens postent les vidéos en rentrant chez eux après les concerts et tu peux les voir le lendemain. Il y a quelques années, nous avons fait quelque chose de cool en allant dans un studio et en enregistrant en condition live. Nous nous sommes enfermés dans une pièce tous ensembles et avons jammé, enregistré et filmé tout cela. Nous n’étions qu’avec quelques amis en guise de public. C’était une super expérience, et cela pourrait être intéressant à mixer et sortir des cartons. C’est la chose la plus proche d’un enregistrement live et cela pourrait être amusant à montrer.
En raison des récents événements à Paris, nous ne savions pas si le concert de ce soir serait maintenu ou annulé. Etait-ce important pour vous d’être présents ce soir et de jouer malgré tout ?
Je ne peux pas m’exprimer pour toutes les personnes présentes sur cette tournée, mais la plupart des gens avaient le sentiment que nous devions jouer. C’est vrai que si cela ne te perturbe pas et ne te fait pas peur c’est que tu n’es pas humain. Mais on ne va pas fuir et se cacher dans nos placards. Nos fans sont certainement encore secoués par ces événements et méritent que l’on soit là pour eux et qu’on leur change les idées. Oui c’était vraiment important de jouer, nous devons aller de l’avant ! Bien entendu depuis ces événements, nous sommes nerveux sur scène et ce soir nous le serons peut-être encore plus. Cela a changé des choses pour nous aussi, concernant notre perception des choses depuis la scène. C’est plus difficile d’être concentré sur les morceaux et nous avons plus de mal à nous amuser, même si nous savons que ce n’était pas le heavy metal en particulier qui était visé, puisque des familles innocentes ont été prises pour cible dans des restaurants également. Nous devons juste faire en sorte que les parisiens apprécient le concert ce soir !
Dernière question, penses-tu refaire un nouvel album de Tardy Brothers ? Bloodline, votre unique album date déjà de 2009…
Il n’y a pas de raison pour qu’il n’y en ai pas un nouveau un jour. J’ai déjà quelques chansons de prêtes. Mais nous sommes pas mal occupés avec Obituary en ce moment et c’est notre priorité actuellement. C’est une bonne chose d’être occupés comme cela mais c’est vrai que l’album de Tardy Brothers était vraiment cool à faire. A chaque fois que j’ai du temps je continue d’écrire, de composer des riffs. Mais je préfère prendre mon temps et m’assurer que ça soit un bon album !
Merci Donald pour cette interview. As-tu un dernier mot pour nos lecteurs ?
Oui : soyez bons envers les autres !
Merci à Donald Tardy, Jan Schwers et Frank Van Liempd pour avoir rendu cet entretien possible.
Photographies : © Arnaud Dionisio/Ananta 2015
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