Notre entretien avec Guernica Mancini se déroule dans un salon de tatouage du XVIème arrondissement de Paris. La nouvelle chanteuse de Thundermother enchaîne les interviews avec passion (elle arrive à couvrir le ronronnement de la machine à tatouer). Pétillante, joyeuse, drôle elle donne de son temps pour la promo du troisième album éponyme. Passant en dernier pour son escale parisienne et à peine le micro éteint, la Suédoise plonge dans son taxi pour rejoindre l’aéroport de Beauvais où un vol l’attend pour une autre journée de promo le lendemain à Madrid. Quoi de plus normal que de retrouver Guernica en Espagne…
Lionel / Born 666 : Peux-tu nous expliquer l’énorme tsunami qui s’est produit au sein de Thundermother? C’est assez rare au sein d’une formation Rock n’ Roll ? (Au printemps 2017, Thundermother connaissait quelques changements d'envergure : quatre membres quittaient le groupe, tandis que trois nouvelles arrivaient.)
Guernica Mancini : Oui je sais c’est assez dingue. Mais ce qui s’est passé c’est que la chanteuse (Clare Cunningham) voulait se consacrer à sa carrière. Elle n’était plus heureuse au sein du groupe car elle voulait faire ses propres choses. C’est pour cela qu’elle ne voulait plus continuer au sein de Thundermother. Et à la même période, les autres filles n’étaient plus excitées, emballées par le fait de tourner. Je pense qu’elles étaient fatiguées d’être sur les routes. Elles voulaient faire autre chose de leur vie et ne pouvaient conjuguer les deux en restant dans le groupe. Bref, quelque chose s’est arrêté et une autre grande chose est en train de commencer. Une porte se ferme pendant qu’une autre s’ouvre…
Lionel : Quel est ton passé, d’où tu viens car j’ai vu quelques videos sur Youtube de certaines de tes prestations? Quel est ton background ?
Guernica : J’avais un groupe en suède qui s’appelait Banda Sept. J’ai joué aussi avec l’ancien groupe de Hifly avec Filippa (Nässil) et Sara (Pettersson, basse). On a fait ça pendant quatre ans et avant que je ne quitte le groupe je suis parti à Los Angeles en Californie pour presque cinq années. Là-bas je suis allé dans une Music School (MI's Vocal Institute Of Technology) pour travailler mon propre projet. Je jouais aussi dans un groupe de fille qui s’appelait Inglorious. J’ai joué avec de nombreuses personnes différentes (elle a même joué avec l’ancien guitariste de Megadeth, Jeff Young).
Lionel : En passant de cinq à quatre membres il y a une guitariste en moins. Vas-tu prendre une guitare sur scène en plus de ton chant ?
Guernica : Non ! Je ne joue pas de guitare. Je fais du tambourin c’est tout (rire), mais tu verras ça bientôt…
Lionel : Parfois sur l’album ta voix est assez proche de l’ancienne chanteuse (Clare Cunningham).
Guernica : (Surprise) Vraiment ? Je pense qu’il y a des choses similaires. Mais personnellement je ne trouve pas qu’on se ressemble, mais je crois comprendre pourquoi tu ressens certaines similitudes, parce qu’il n’y a pas beaucoup de nanas qui chantent comme on le fait.
Lionel : Sur certaines vidéos tu joues un genre de blues pop, quels étaient tes héros quand tu étais jeune ?
Guernica : J’aime tout. Tout d’abord mon plus grand héros est Prince. J’aime tous les genres de musique. Ca dépend des jours. J’ai beaucoup écouté de Motown music aussi. Quand j’ai commencé à écrire ma propre musique j’ai été très influencée par ça. C’est venu naturellement, ce n’était pas intentionnel.
Lionel : Connaissais-tu les Thundermother avant de les rejoindre ?
Guernica : Je les connaissais, mais je ne suivais pas particulièrement leur carrière. Je ne connaissais pas vraiment leurs chansons.
Lionel : Ce troisième album est rempli de symbole, de clins d’œil pour nous montrer que maintenant le nouveau Thundermother est « le » vrai groupe. Tout d’abord le titre éponyme, le premier titre « Revival »…
Guernica : (rire) Back from the dead !
Lionel : Et pourquoi pas le dernier titre « Won’t Back Down ». Il y a encore beaucoup de référence de ce genre sur le disque ?
Guernica : Non, c’est plutôt un disque qui t’encourage à trouver ton chemin, de ne pas avoir peur, d’être franc avec toi-même et de suivre ce que ton cœur t’indique… Mais bon ca été écrit à une période pour Filippa Nässil (guitariste et leader) où une chose s’arrêtait et une autre commençait. C’est difficile, ca blesse. L’ensemble montre qu’il faut s’encourager, trouver des choses positives. Aller de l’avant.
Lionel : Commence cela s’est il passé avec votre producteur? Vainqueur de trois Grammis Thomas Plec Johansson (Mustasch, Hardcore Superstar, Watain etc.)
Guernica : Fondamentalement, c’était très facile de travailler avec lui. C’est un mec adorable. On avait énormément répété avant de rentrer en studio et c’est pour cela qu’on a pratiquement enregistré l’album d’une façon live. On a rajouté un peu de guitare et des voix mais en gros tout c’est fait en live dans le studio. En gros 70% live. C’était organique, très old school.
Lionel : Et les paroles : Sex, Drugs & Rock n’ Roll ?
Guernica : (Rire) Sex, Drugs & Rock n’ Roll?? Quoi? (rire général). Je ne comprends pas?
Filippa a écrit l’album en entier, la musique et les paroles, j’ai seulement fait des petits trucs, comme une mélodie sur « Hanging at my door » ou une autre, si tu vois…les titres abordent surtout le fait qu’il faut savoir s’accrocher, se battre, s’encourager pour avancer.
Lionel : Sur « We fight for Rock n’ Roll » il y a une cloche suivi d’un gros riff, c’est un hommage à AC/DC ?
Guernica : (rire) « Hell’s Bells. C’est un « Salute to AC/DC »!
Lionel : We salute You ! J’ai entendu dire que lors de votre passage au Wacken certaines filles de Thundermother s’étaient fait tatouer le logo du festival ?
Guernica : (Elle remonte sa manche droite pour me le montrer) Je l’ai fait ! (rire) Les trois autres aussi !
Lionel : La fois où vous viendrez jouer au Hellfest en France, vous vous ferez tatouer le logo du festival ?
Guernica : A quoi ressemble le logo ?
Lionel : Un grand « H » !
Guernica : (Rire)… ah oui… bon bah je ne suis pas sûr alors… (Rire général) non celui du Wacken est cool, j’aime les crânes.
Lionel : Quels ont été tes premiers sentiments lorsque tu es montée sur scène et que tu as aperçu 10 000 headbangers devant toi ?
Guernica : C’était dingue ! Un des meilleurs moments de ma carrière. C’était simplement ahurissant !
Lionel : On retrouve toujours vos grosses influences que sont AC/DC, Airbourne et un peu de Motörhead, mais pour passer l’étape de ce troisième album je pense que la recette a un peu évolué?
Guernica : Je pense que sur les deux premiers albums on montrait nos influences qu’étaient AC/DC et Airbourne. Maintenant (tout d’abord nous sommes pour certaines de nouvelles musiciennes au sein du groupe) on peut explorer aussi d’autres choses tout en restant dans le rock n’ roll des années 70. C’est du groovy rock n’ roll. On est jamais très loin de ce que font les Australiens mais sur cet album on a ce titre « Rip Your Heart Out » qui rend hommage à "Burn" de Deep Purple. Parfois on ressent aussi des influences comme celle des Who, Led Zeppelin, on a toutes les quatre un gros background musical, il est donc difficile de stagner sur seulement une influence.
Lionel : Vous faites des reprises sur scène ?
Guernica : Jusqu’à présent on n’en a encore jamais fait. Peut-être un jour.
Lionel : Led Zep ?
Guernica : (rire) peut être Led Zeppelin, mais on peut envisager surtout du Deep Purple (rire)…
Lionel : Après le split de Crucified Barbara vous êtes le nouveau groupe de fille suédoise qui est là pour défendre le rock n’ roll. N’est ce pas trop de pression ? Tu les connaissais ?
Guernica : Je connaissais, mais pour moi elles étaient plus « metal ». C’est pour cela que je trouve qu’on ne joue pas dans la même catégorie. Pour moi elles étaient « metal », nous nous sommes « rock n’ roll ». C’est complètement différent. Ce qui m’énerve c’est qu’on n’a pas assez de groupes de nanas qui jouent du rock. Il n’y en a pas assez.
Lionel : C’est difficile d’être sur les routes quand on joue dans un groupe de filles ?
Guernica : (Rire), Non ! Crois-moi, dans mon ancien groupe il n’y avait que des mecs et tu peux me croire, les mecs sont de dramatiques trous du cul.
Lionel : Ils boivent plus ?
Guernica : (Gros rire) je ne sais pas ça ! Quoi qu’il arrive, être en tournée est difficile pour tout le monde. Filles ou mecs. Ca dépend de ta personnalité. Savoir se taire parfois et attendre que ça passe.
Lionel : D’ailleurs es-tu prête à affronter les routes pour une tournée ?
Guernica : Oui je suis impatiente. On va commencer par des dates en Suède jusqu’en avril, ensuite on partira pour un mois en Europe en tête d’affiche. Ensuite en été on fera des festivals comme le Sabaton Open Air (le festival du groupe Sabaton) en Suède.
Lionel : On peut espérer vous voir en France ?
Guernica : Oui il y aura enfin des dates en France !
Lionel : Au fait, avec ce nom Thundermother, il y a un rapport j’imagine avec « Thunderstruck » d’AC/DC…
Guernica : Un jour Filippa m’a raconté qu’après avoir bu quelques bières, elles avaient déconné et elles étaient arrivées avec de nombreux noms de groupe dont Thundermother. Au départ c’était comme une blague parce que c’est tellement connoté AC/DC mais bon ca fonctionne bien. Et si tu ne connais pas la musique de Thundermother rien qu’en lisant le nom tu peux t’attendre à un certain type de musique et ça fonctionne, c’est excellent.
Lionel : Je crois que tu dois prendre ton avion…
Guernica : Tu crois vraiment (rire)…
Photos : © 2018 Lionel / Born 666
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