Entretien avec Matt, leader de Conscience

Voilà désormais près de vingt ans que Conscience, combo metal prog basé en région parisienne, écume les salles. Découvert pour beaucoup en ouverture de Nightwish en 2004 au Zénith de Paris, le groupe francilien est toujours là, contre vents et marées, malgré de nombreux changements de line-up inhérents à la vie d'un groupe underground. Le quintette a même sorti en fin d'année dernière son troisième album en digital, auquel il s'apprête à donner vie en format physique. Nous avons rencontré le leader du combo, Matt, pour parler de In the Solace of Harm's Way, mais également de ces nombreuses années de carrière.

Bonjour Matt et merci de nous accorder cet entretien pour La Grosse Radio. Nous sommes ici pour parler de In The Solace of Harm's Way, votre nouvel album. Depuis la sortie de Aftermath of a Summer Snow (2014), le line-up du groupe a encore évolué avec l'arrivée de Stephane Da Silva (batterie) et Joao Pascoal (basse). Ces changements de personnel ont-ils impacté la composition de l'album, positivement ou négativement ?

Bonjour à tous les lecteurs de La Grosse Radio ! Merci beaucoup de vous intéresser une fois de plus à un album de Conscience. Ça ne va pas beaucoup te surprendre mais les modifications de line-up ont bien sûr impacté la composition de l’album de manière très positive. Même si la trace laissée par des membres historiques du groupe reste indélébile, chaque changement apporte de la fraicheur, de l’énergie et des influences nouvelles qui viennent enrichir celles déjà existantes.  

L'ensemble des membres a-il participé à la composition de l'album ? Qu'ont-ils apporté au groupe de manière générale selon toi ?

Oui tout le monde a apporté sa pierre à l’édifice ! Steph « Das » a apporté une énergie rock incroyable, avec une capacité à trouver des patterns de batterie hyper efficaces sur des riffs parfois complexes. Il donne tout de suite envie de headbanguer, et a surtout ramené son grain de folie ! Il est à l’origine du petit interlude électro dérivé du thème principal de l’album qui nous a tous conquis! João complète cette nouvelle assise rythmique avec une précision redoutable à la basse, et ces influences rock prog viennent enrichir parfaitement certains passages d’arpèges mélodiques qui font partie de notre marque de fabrique. Et je n’oublie pas Matt qui avait participé à la fin de la composition d’Aftermath et qui là a pu apporter toute sa virtuosité aux claviers et pianos de l’album, mais aussi certains solos de guitare magiques !

Ce qui marque In The Solace of Harm's Way, c'est sa diversité. On retrouve la patte Conscience ("There aren't Many Nightmares", "At Night"), mais vous n'hésitez pas à inclure des ballades ("Life Takes a Turn", "See Outside"), des interludes orchestraux ("In the Solace of Harm's Way" Pt1 à Pt 4, Solace), djent ("Harm's Way"), et même électro ("LNDASSML") entre les compos. Pourquoi ces choix artistiques ?

C’est marrant car pour moi sur cet album le morceau qui a le plus la « Conscience’s touch » c’est « Ascending Rain » ! En fait il y a toujours eu des passages très doux et très mélodiques dans nos morceaux et cela a parfois accouché de ballades comme « Then Came » sur le premier album, « Cemetery » sur Aftermath ou les deux que tu cites ici. On ne s’impose aucun format dans notre écriture et on se laisse inspirer par les paroles et si c’est une ballade qui sort, ça donne une ballade sur l’album. (rires) Quant aux interludes, pour la première fois ce sont des idées que nous avons eu spontanément en studio. Certains sont partis de délires au moment de l’enregistrement ou lors des séances d’arrangement. Nous avons aussi travaillé avec deux excellents compositeurs pour dériver le thème du single « At Night ». Cela a donné le petit morceau de clôture que j’adore « Solace » avec Fabrice Hautecloque, et surtout le superbe « In The Solace Of Harm’s Way » avec Nicolas Soulat (je vous invite à visiter son soundcloud !) qu’on a eu envie de disséminer tout au long de l’album tellement il y avait de richesses à exploiter !  

Au fur et à mesure de votre progression, votre influence principale (Pain of Salvation), flagrante sur Half-Sick of Shadow, s'étiole un peu plus pour aboutir à une musique plus personnelle. Es-tu conscient de cela ou était-ce le but depuis Aftermath ?

Si ça se trouve c’est Pain Of Salvation qui a changé ! (rires) En tout cas ce que je peux dire c’est qu’il n’y a pas une volonté d’écriture de « s’éloigner » de cette influence puisque POS reste personnellement un groupe que j’adore. Peut-être que le mélange de toutes nos influences est encore mieux digéré maintenant. Mais tu sais, même quand on nous rapprochait beaucoup de leur musique je répondais que moi j’avais l’impression d’écrire un mélange de Megadeth et de Coroner avec le piano de Pascal Obispo ! Dans un article récent, on reparle d’un timbre de voix « proche » de celui de Gildenlow et je serai toujours flatté d’entendre ce genre de choses.

A l'écoute de l'album, on distingue une certaine trame instrumentale avec des reprises de thèmes, typiques des albums concepts. Doit-on voir un concept album au même titre que pour Aftermath ? Peux-tu nous résumer les thèmes abordés dans les textes de Nicolas Moulard ?

Ce nouvel album n’est pas un « concept album » à proprement parler puisqu’il ne raconte pas une histoire. Mais nous avons dégagé un lien entre tous ces morceaux dans le sens où ils traitent des nombreux questionnements intérieurs que nous avons tous, qui nous tiraillent et parfois nous fragilisent mais que l’on recherche également et sans lesquels nous nous sentirions peut-être moins vivants. Comme si nous étions en permanence dans nos vies en recherche d’une forme de réconfort dans le danger, d’où le titre de l’album (sourire) .

Comme pour les deux précédents albums de Conscience, le titre est particulièrement long. C'est une signature pour vous ?

Ce qui guide cette recherche de titre est notre souhait de trouver une signification précise qui reflète le lien dont je parle plus haut, entre des morceaux qui n’ont pas forcément été pensé initialement pour marcher ensemble. En général je pioche dans la tonne de textes que Nicolas écrit, ceux qui m’inspirent le plus au niveau mélodie vocale, et lorsqu’on arrête avec le groupe une liste de morceaux sélectionnés pour l’album, Nicolas reprend tout ce qui les relie entre eux et nous donne un titre. J’imagine que l’exercice que nous lui demandons serait dur à faire avec un seul mot, il faudra lui poser la question ! (rires)

A contrario, cet album est le plus court de votre discographie. Hormis, "In Reach", on trouve moins de titres longs, contrairement au premier album de Conscience. C'était déjà quelque chose de latent sur le précédent album (où seul le titre "Marguerite Davesnelles" avoisinait les dix minutes), ce qui pouvait s'expliquer par le concept. Pourquoi ce choix de réduire le propos ?

Tout est relatif en fait, un de tes confrères vient de nous demander pourquoi la moitié des morceaux de l’album dépassaient les 5:30 ! (rires) Cela rejoint la question que tu me posais sur la diversité des morceaux de l’album. La composition collective n’étant pas guidée par une recherche de format particulier, quand nous sommes satisfaits de la « tête » qu’a un morceau après l’avoir fait longuement tourné et martyrisé en répète, on le fige. On attache tellement peu d’importance au format que, pour l’anecdote, en studio  j’ai été personnellement hyper étonné de voir que « There Aren’t Many Nightmares » ne faisait « que » cinq minutes et que « At The Hands of The Clock » en faisait plus de sept ! La seule recherche qu’il y a réellement c’est qu’ils sonnent en live, qu’il soient composés pour la scène.

Pour ce nouvel album, vous avez modernisé votre logo. Etait-ce une volonté de montrer l'évolution du groupe ou un simple critère esthétique ?

Surtout esthétique, le but était de le moderniser parce qu’il commençait un peu à vieillir ! Et puis comme un jour je me le ferai sûrement tatouer je voulais qu’il soit plus fin. (sourire)

Corrige moi si je me trompe, mais il me semble que pour l'instant l'album n'est pas disponible en physique, mais uniquement en digital. Sortirez vous tout de même une édition physique ?

Oui ! Il est en pressage actuellement et il sera dans les bacs, mention « après le confinement ©», distribué par Season Of Mist !

Officiellement, Conscience a été fondé en 2001. Cela veut dire que le groupe a bientôt vingt ans d'existence. Y as-tu déjà réfléchis et si oui, penses-tu proposer quelque chose l'an prochain pour célébrer cet anniversaire ?

Poow ! La claque... Je ne te remercie pas de la question ! (rires) Honnêtement je n’y ai pas vraiment réfléchi mais nous comptons beaucoup tourner dès que nous aurons le droit de sortir et ça serait vraiment chouette de profiter d’une de ces dates pour marquer le coup des 20 ans. J’adorerais rejouer avec certains groupes avec lesquels nous avons tourné il y a quelques années, et surtout que quelques-uns des membres qui ont le plus marqué Conscience puissent venir sur scène ! 

Que retiens-tu de ces dix-neuf ans de Conscience ? Je pense que la date au Zénith avec Nightwish doit être un sacré souvenir non ?

Evidemment ! Et c’est l’événement dont on nous parle encore le plus souvent. Mais comme dirait Otis le Scribe « Moi, si je devais résumer ma vie aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d’abord des rencontres » ! (rires) C’est surtout ça que je retiens de ces décennies musicales, les rencontres avec plein de gens, connus ou inconnus, des passionnés, des talentueux avec qui on a partagé des moments de musique, sur et hors scène ! Le plaisir est toujours là, aussi bien quand j’ai chanté backstage avec Anathema sur du Jeff Buckley ou dans la rue en acoustique devant la Scène Bastille avec le public parce qu’il y avait eu une gigantesque coupure d’électricité européenne et qu’on avait dû évacuer. Magique ! 

Quels sont vos projets de live pour les mois à venir ?

Nous sommes en train de planifier des dates pour jouer le plus possible et dans des endroits où nous ne sommes jamais allés ! Nous savons déjà que nous jouerons à Paris en Septembre pour fêter la sortie physique de l’album, et nous aurons aussi la chance de participer à l’excellent Ready For Prog ? Festival à Toulouse les 30 et 31 octobre avec notamment Leprous, groupe que j’aime beaucoup en live !

Merci à toi pour ces réponses. Je te laisse le mot de la fin !

Je ne vais pas être très original et je crois même que j’avais fini notre précédente interview ensemble de la même manière ! (rires) Mais vraiment merci encore à tous de nous suivre depuis si longtemps et surtout rendez-vous dans une salle de concert car c’est en live que la musique doit se vivre et c’est là qu’on prend le plus de plaisir ! Après cette longue période à rester enfermés, l’ambiance des retrouvailles de la scène metal va être dingue ! 
 

Entretien réalisé par mail en mars 2020
Photographies : © Thomas Jaeglé 2019



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