Notre entretien avec le chanteur de Paradise Lost devait se dérouler à Paris le 23 Mars 2020. Suite à la crise sanitaire du Coronavirus, l’interview se déroule finalement le même jour via Skype, chacun étant bien confiné de son côté… Cela n’empêche pas Nick Holmes et son humour « so british » d’être précis dans ses réponses en ce qui concerne la sortie d’Obsidian, le seizième album de Paradise Lost, et d'aborder les thèmes de la vie jusqu’à la mort si actuels en ces jours difficiles…
Lionel / Born 666 : Comment vas-tu en cette période de confinement (en France, pas encore en Angleterre) avec cette pandémie de Coronavirus qui touche la terre entière ?
Nick Holmes : Oui pour l’instant ça va. J’observe tout ça. Je regarde les gens autour de moi et pour le moment personne n’est touché …
Lionel : Donc tu ne bouges pas de chez toi ?
Nick : Absolument…
Ce qui est incroyable, c'est ce que tu as dit à propos d’Obsidian. Qu’il y a un concept derrière l’album, c'est que certaines décisions peuvent vous affecter vous et votre vie même si on en est éloigné, comme "l'Effet Papillon".
Eh bien, oui, absolument. Tu sais, tu peux vraiment comprendre ce à quoi je faisais allusion, je suppose. Donc, pour le moment, je pense que rester dans la maison et ne pas sortir est la meilleure option.
Quand on prend du recul c'est quand même incroyable qu’un virus partant d’un marché aux animaux à Wuhan en Chine peut affecter aussi vite la planète entière.
Oui je sais. C'est effrayant. Tu sais, nous avons regardé le film Contagion aujourd'hui à la télévision et c'est très similaire à ce qui se passe actuellement. Je veux dire, c'est beaucoup plus extrême, mais c'est la même chose.
Quel est ton état d'esprit aujourd’hui alors que tu fais la promo de votre seizième album dans ces circonstances si particulières, après 32 années de carrière ?
C'est complètement nouveau d'avoir à vivre avec cette chose si étrange. Je suppose que nous avons toujours sorti des albums et nous avons fait des voyages promotionnels et ça a toujours été la même chose. Je sais que nous avons décidé de sortir l’album malgré cette période, parce que de nos jours les gens peuvent écouter de la musique où qu'ils soient d’une façon dématérialisée. Ce n'est donc pas une restriction à quoi que ce soit et j'espère que cela pourra aussi aider les gens à entrer plus facilement dans l'album d’une certaine manière. Donc, j'espère que c'est positif, mais je pense que le monde entier est en pause. Ce n'est donc pas comme si c'était seulement nous. Ce n'est pas nécessairement ce que je veux dire mais jouer en live c'est une toute autre affaire pour le moment. Actuellement nous pouvons toujours tous apprécier la musique, je suppose.
Revenons donc à l'album. Avec Medusa, nous avions quitté Paradise Lost jouant du doom death metal. Avec Obsidian, nous vous retrouvons jouant du goth, chose que vous savez faire depuis plus de trente-deux ans. Alors pourquoi ce retour aux sources ?
Je pense que tout le monde a dit que nous retournions aux racines depuis 15 ans maintenant (rires). Chaque album que nous faisons est un retour aux sources pour de nombreuses personnes. Effectivement, je pense que cet album est plus varié que le précédent (Medusa NDLR). Il y a différents types de chansons dessus. Tu sais, il y a aussi des approches différentes au niveau du chant. Le dernier album était un peu plus précis. C'était beaucoup plus doom comme tu l'as dit. Je pense qu’avec Obsidian le but était d'explorer à nouveau des parties de notre carrière vers la fin des années 90, ce que nous n'avons pas fait depuis très longtemps. Comme une réminiscence de notre carrière. Il y a certaines chansons qui rappellent peut-être quelque chose que nous avons pu faire sur notre deuxième album, mais c'est beaucoup plus lourd. Enfin « lourd », tu vois ce que je veux dire... Nous avons aussi la chance d’avoir le temps de sortir un album différent à chaque fois. Tu sais, nous n’aimons pas répéter les mêmes choses.
Et il n'y avait aucune pression pour travailler sur cet album ? C'était agréable de travailler dessus ?
Oui. Tu sais, la maison de disque est toujours pas pour dire « nous envisageons de sortir un album à une certaine date ». Alors, vous devez travailler en gardant cette date en tête. Ce n'est pas comme si vous deviez travailler avec le stress de la deadline. L'idée c'est de se dire qu'on a en gros un an pour le faire. Donc il faut y aller. Il faut environ neuf mois pour écrire un album ; nous sommes plus rapides depuis ces deux derniers albums. Certains groupes peuvent écrire incroyablement rapidement. Mais pour nous, c'est différent : nous aimons écrire des titres et l'écouter plus tard pour voir si nous l'aimons toujours. Continuer, encore et encore, nous sommes très minutieux lorsque nous écrivons, tu sais…
Greg (Mackintosh) était libre d'écrire ce qu’il voulait et a laissé libre cours à son imagination ?
Ouais, il adore faire ce genre de choses. Son attention était concentrée que là-dessus, trouver de belles mélodies, de bons titres. Oui, il en fait du bon travail. Il y a de très bons solos de guitare sur cet album ainsi que de superbes mélodies Donc, je pense qu'il y a beaucoup de choses qui deviendront des « classiques » de Paradise Lost.
Et était-ce difficile de trouver des paroles pour toutes ces mélodies ?
C'est toujours difficile d'écrire. Cela dépend si vous êtes de bonne humeur. Je veux dire, parfois vous pouvez écrire des choses qui sont très profondes et significatives et d'autres fois ce ne sont que des mots qui sonnent bien ensemble. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise façon de trouver des paroles. Il n’y a pas de règles établies pour trouver de bonnes paroles. Certaines chansons sont des moyens plus spécifiques que d'autres pour pouvoir s’exprimer, mais certaines ressemblent à d'autres phrasés déjà entendus. J'ai écrit sur les mêmes choses toute ma vie. J'écris juste sur ce sujet sous différents angles et à des âges différents.
Ce qui est très intéressant avec Obsidian c’est que l'on retrouve différents styles chers à Paradise Lost : le gothic, le death metal même s’il reste mélodique et du doom metal...
Oui, il se trouve à la croisée des différents styles que l’on a joués avec Paradise Lost. Il a toutes les caractéristiques de ce que nous avons fait avec le groupe. Je pense que les quatre derniers albums représentent ce qu’on sait faire, c’est aussi ce que ressentent les gens. Ils représentent chacun une sorte d'église de chaque chapitre de l'existence du groupe. Sur l’album il n'y a rien d'électronique. Mais je pense que nous en avons discuté à un moment donné et nous avons décidé de ne pas le faire et d’abandonner cette idée avant de retravailler.
Vous aviez quelque chose en tête avant de vous atteler à Obsidian ou c’est venu naturellement. Comme des mecs dans une pièce derrière leurs instruments essayant de trouver des riffs...
… Nous ne ferions jamais ça (rires). Quand tu commences un nouvel album (et si on se réfère à Obsidian), le dernier album est ton point de référence. Ici en l’occurrence c’est Medusa. Que pouvions-nous tirer du passé tout en allant de l'avant pour le prochain album ? C'est donc pour cela que la première chanson que nous écrivons est généralement assez proche du dernier album. La première chanson que nous avons écrite était « Fall from Grace ». Le titre pourrait donc être sur le dernier album. Je pense qu’il dégage une sensation très similaire pour y être. Mais finalement, tu sais, on commence à écrire et petit à petit les choses changent de plus en plus. C'est un processus très naturel. Il ne faut pas s’imposer des trucs précis sinon cela ne fonctionne pas. Il faut que ça coule naturellement.
Peux-tu nous parler de la pochette ?
Comme tu peux voir, l’artiste joue avec des éléments superstitieux et des éléments tirés de la sorcellerie en rapport avec le fait que les gens font confiance aux symboles. La pièce maîtresse est en fait une rose. C’est le symbole de notre comté, le Yorkshire, qui n’a rien à voir avec le reste des illustrations de l’album. Nous avons pensé que cela avait l'air génial parce que c'est l'emblème de l'endroit où nous vivons, donc c'était plutôt sympa.
Le visuel a autant son importance que la musique ?
Oui bien sûr. Quand nous étions plus jeunes et fans de groupes de metal nous avons grandi dans les œuvres de certains groupes. On scrutait l’album tout en écoutant la musique et on regardait les détails des dessins comme les anciennes couvertures d’Iron Maiden. C’était génial. Il y avait toujours un détail nouveau qui apparaissait à chaque fois qu’on replongeait dans le visuel. Pour nous c’est toujours important.
Et pourquoi Obsidian ?
J’ai trouvé le mot par hasard. J’ai d’abord aimé le mot. J’ai trouvé ça énorme et ensuite je me suis interrogé sur sa signification. J’ai découvert que c’est un cristal noir de guérison et que les gens l’utilisent comme un talisman ou plutôt comme un porte-bonheur pour les éloigner des mauvais esprits. Ça cadrait avec les titres alors on l’a gardé.
L’album a été produit par le groupe lui-même, avec l’aide de Jamie ‘Gomez’ Arellano, qui travaille avec vous depuis The Plague Within.
Nous savons à peu près ce que nous voulons et ne voulons pas avant d’entrer en studio. Et cela a bien fonctionné dans le processus d’enregistrement. Tu sais, nous arrivons avec les démos de nos chansons et nous avons déjà quelque chose de très précis en ce qui concerne la façon dont l’album doit sonner. Parce que lorsque nous rentrons en studio c’est pour avoir exactement le son dont on a besoin pour l’album. Le son de la batterie est primordial. C’est surtout le son qui compte à ce moment-là pas la construction des morceaux.
Je voulais me pencher sur le titre « Ending Days ». Je me souviens d’une interview avec Greg qui me parlait d’un autre titre « Honesty in Death » tiré de Tragic Idol. Il me parlait de son père qui était mort à cette période, et que les paroles d’un être cher qui va partir vont être remplies d’honnêteté. Je trouve que ces deux titres sont assez proches concernant nos dernières heures à vivre…
Oui je vois ce que tu veux dire, c’est un peu une manière de construire des ponts à la fin. Pendant la vie les gens s’éloignent d’un parent ou d’un ami pour une raison quelconque sans que l’on s’en rende compte. Et le temps passe. Cela fait longtemps et puis la personne est en train de mourir. Et puis vous décidez de faire la paix avec lui, là, à ce moment juste au-dessus de son lit de mort. Et vous vous demandez simplement pourquoi vous l'avez laissé si longtemps parce que vous êtes si choqué à cet instant. Il s'agit donc de faire la paix avec quelqu'un dans les derniers jours. Et puis c'est comme ça tu sais, cela arrive parce que la vie est trop courte et que les gens font des erreurs pour des raisons aussi inutiles… Pendant ce temps, la vie continue. Donc pour en revenir à ta question je suppose que ces deux titres sont un peu similaires. Moi aussi, je pense que les choses qui se produisent plus tard dans la vie vont toujours fasciner les gens.
En pensant à l’actualité qui est pesante, le titre « Ghost » en est le reflet. Les paroles abordent le fait d'essayer de changer l'avenir tout en étant hanté par le passé à la recherche d'un refuge et d'un pseudo confort pour se tourner vers la religion… Penses-tu que certaines personnes peuvent faire des choses assez graves et dangereuses par rapport au Coronavirus dans le monde ?
C’est intéressant ce que tu dis, on va voir comment ça se passe. Les gens parfois réagissent de différentes façons. Je ne sais pas ce que vont faire certaines religions. Comme c’est quelque chose qui n’est encore jamais arrivé on ne peut savoir comment vont réagir les gens. Mais restons quand même optimiste.
En vieillissant est-ce que tu penses que ta spiritualité a changé ?
Non, rien n’a changé. Je suis toujours celui qui ne croit en rien. Je suis très heureux comment je suis actuellement. Pour l’instant je n’ai besoin de rien, peut être que cela changera plus tard, mais pour le moment tout va bien…
Lors de notre dernier interview pour la promotion de Medusa à Paris tu m’avais dit que Carpenter Brut était un des derniers groupes que tu avais apprécié. En as-tu de nouveaux aujourd’hui ?
(rires) ah oui j’avais déjà dit ça… Bah je n’ai rien à rajouter depuis…
Un dernier mot pour tes fans en France ?
Pensez bien à vous laver les mains. Et n’hésitez pas à frotter jusqu’à l’os. L’album sort le 15 mai et j’espère qu’il vous plaira…