"Tout ce qui m'entoure dans la vie peut m'inspirer !"
C’est juste à côté, au Café Charbon que je commence l’interview avec Dolk de Kampfar. Super heureux d’être à nouveau dans la capitale, d’autant plus que sur cette tournée ils s’étaient arrangés pour avoir un jour « off » chez nous afin de prendre du bon temps.
Dolk : Tu sais la dernière fois qu’on a eu un jour off c’était en Allemagne et ce n’est pas vraiment pareil qu’ici à Paris…
Lionel / Born 666 : J’imagine cela ne doit pas être très drôle ! (rire)
Dolk : C’est pour cela qu’on préfère prendre un jour de repos à Paris…
Lionel : Quelles sont les réactions que vous avez concernant la sortie de votre nouvel album ?
Dolk : Jusqu’à présent c’est bon, c’est assez dingue, que ce soit des chroniques que l’on nous poste sur notre page Facebook ou sur Kampfar.com, mais comme on en recevait énormément chaque jour, c’était un peu trop pour pouvoir tout analyser. On a dû en recevoir 18 par jour du monde entier alors que normalement c’est plutôt 9… c’est très bon.
Lionel : J’aimerais qu’on se concentre sur l’artiste qui est derrière Kampfar, toi par exemple. Considères tu que les films, des bons livres, comme l’œuvre qui orne votre pochette, peuvent vous aider à trouver l’inspiration ?
Dolk : Je suis le genre de personne qui le pense. Pour moi tout ce qui m’entoure dans la vie peut m’inspirer. Bon, ma vie est un peu différente maintenant si tu dois la comparer à celle du début des années 90 que je menais. J’ai eu pas mal de soucis au début des années 90 en Norvège. Maintenant c’est différents, j’ai mes 3 enfants, ma propre famille, c’est donc un monde complètement différent pour moi maintenant. Et cela est très important pour moi. J’ai quelque chose sur lequel me concentrer. Mais d’un autre côté mes règles sont toujours les mêmes. Quand j’étais gamin, ma grand-mère m’a éduqué dans la tradition et les superstitions nordiques. Elle me disait et me racontait toutes ses histoires, ses légendes et dans un sens cela me guide encore de nos jours. C’est pour cela que je suis toujours intéressé par l’histoire, et cela reste pour moi ma principale source d’inspiration.
Lionel : Mais pour cet album tu as trouvé l’inspiration dans l’art, avec cette peinture du polonais ZdzisŠ‚aw BeksiŠ„ski, qui représente votre pochette et que vous n’avez pas hésité à acheter ?
Dolk : C’est vrai ! Ce sont deux choses différentes. J’ai lu dans différents magazines que l’on avait eu l’inspiration dans cette peinture. Mais c’est un peu différent. On a commencé avec certaines chansons et ensuite on a découvert cet artwork. Et seulement deux titres sont inspirés de cette peinture comme « Our Hounds, Our Legion » qui est assez spécifique…
Lionel : Et peut être « Swarm Norvegicus »?
Dolk : Exactement, c’est vrai…
Lionel : Qui est donc cet essaim norvégien ?
Dolk : C’est peut-être notre morceau le plus important de l’album. Et le fait est que ce swarm norvegicus est en fait l’image de notre société dans laquelle on vit actuellement. Je comprends que l’on vit tous et suivons tous la même direction. On applique tous les mêmes lois.
Lionel : Dans tous les pays ?
Dolk : Oui je trouve qu’au niveau européen c’est assez la même chose. Les mêmes lois, les mêmes façons de vivre, et on doit s’adapter. Et donc on travaille tous dans le même sens comme des essaims, et je dirais même d’une façon plus sombre que nous sommes des tonnes de rats qui suivront tous ce même chemin. C’est pour cela que cette image d’essaim norvégien peut aussi être assimilée à des rats !
Lionel : Qui et comment avez-vous été impliqués dans l’écriture de Djevelmakt ?
Dolk : Principalement moi ainsi que notre nouveau guitariste Ole, mais tout le monde a été tout de même impliqué. Mais il est vrai que Ole et moi avons été très impliqués dans la réalisation de l’album. D’ailleurs on s’était dit l’année dernière, pas de tournée, et que si on devait faire un album on devait le faire à 200 %. Donc ne pas se concentrer sur les concerts mais seulement sur la musique…
Lionel : Non tu as tort, tu as quitté les studios pour venir nous rejoindre au Hellfest…
Dolk : (rire) oui c’est vrai, mais c’était le seul. Or pour nous c’était génial car on y retrouvait de nombreux amis. Et quand les membres de l’organisation nous ont proposé de venir on a répondu par l’affirmative ! On a refusé les autres, mais c’était vraiment génial de faire un break et de venir jouer au Hellfest.
Lionel : Tes sentiments quand tu es monté sur scène ?
Dolk : Le Hellfest est toujours un plaisir. C’était la deuxième fois qu’on y passait.
Lionel : Avant de vous lancer dans la composition de cet album avais-tu en tête une certaine direction à lui donner ?
Dolk : Oui ! Absolument. On a eu un jour cette réunion entre nous. Avant même de commencer à composer des riffs ou des titres j’ai donné à Ole des mots. Seulement des mots…
Lionel : Seulement des mots ? « Helvete » par exemple ?
Dolk : Un peu dans le genre. Mais des mots sur lesquels je voulais qu’on se focalise. Et en se rencontrant on a commencé à donner une direction à ce que l’album allait devenir. D’une certaine manière, la direction de l’album avait été trouvée seulement à cause de ces quelques mots. Bon ensuite tu commences à travailler sur des nouveaux matériels et le projet devient de plus en plus gros, tu dois recadrer certaines choses mais la direction était bien celle du départ.
Lionel : Tu cris « Helvete, Helvete… » (Enfer) au début de » Mylder ». Tu y es allé toi dans la boutique de disque d’Euronymous qui s’appelait Helvete ?
Dolk : (Silence)…oui j’y suis allé…j’ai de très nombreuses histoires à raconter sur cet endroit.
Lionel : Tu peux m’en dire plus ?
Dolk : Pas vraiment…le fait est qu’actuellement je suis en train d’écrire un livre en Norvège. Je raconte certaines choses qui s’y sont produites. Donc je préfère garder ces choses pour moi pour le moment avant que le livre ne sorte. Tu sais j’ai grandi dans cet environnement.
Lionel : Ça tombe bien car l’année prochaine c’est le vingtième anniversaire de ta première démo et cette année ce sont les 20 ans de nombreux albums phares de la scène norvégienne comme Burzum - Hvis Lyset Tar Oss, Darkthrone, Transilvanian Hunger, Emperor - In the Nightside Eclipse et Mayhem - De Mysteriis Dom Sathanas... Que t’évoque pour toi cette époque ?
Dolk : J’ai plusieurs approches différentes concernant ce sujet. Tout d’abord au début je jouais avec mon propre groupe Mock depuis 1991. Et j’avais déjà en tête de faire mon groupe Kampfar, mais je n’avais tout simplement pas le temps de le faire. Et quand Mock s’est arrêté en 1993, j’ai trouvé le temps de créer Kampfar. Mon espoir était de créer un groupe honnête de Black Metal sans cette imagerie de satanisme, corpse paint. Donc le but était faire quelque chose de sombre mais pas de satanique. C’était mon idée du groupe. Mais pour te dire qui m’a influencé il faudrait aller un peu plus loin. Parce que ce qu’il m’a le plus influencé, c’est l’album de Bathory sorti en 1987 : Under the Sign of the Black Mark. Et cet album m’a réellement touché. Et je n’avais encore rien écouté de pareil. Et c’est vrai que cela m’a énormément influencé plutôt que le Black Metal norvégien en général. Mais avec le temps un album que j’ai toujours aimé et même encore aujourd’hui, c’est A Blaze in the Northern Sky de Darkthrone. C’est un album plus malsain que ce qu’à pu faire Mayhem.
Lionel : Et d’autres influences encore…
Dolk : Mercyful Fate bien sûr. Ils ont beaucoup plus influencé la scène Black Metal que n’imaginent les gens. Il y a eu aussi ce groupe tchèque Master's Hammer en 1987 qui a énormément influencé la scène scandinave mais on en a beaucoup moins parlé. Mais dans notre Cercle quand Emperor a commencé à jouer, les musiciens disaient qu’ils en avaient beaucoup appris grâce à Master's Hammer. C’est donc assez étrange car les premiers groupes ont eu des influences assez différentes les uns des autres. Bien sûr on a été influencés par Mercyful Fate, Bathory, Master's Hammer…
Lionel : C’est peut-être pour cela que l’on ressent un équilibre dans la musique de Kampfar entre le Black Metal et le Pagan…
Dolk : Oui peut-être, il y a des chances.
Lionel : Jusqu’où considères-tu que la religion a détérioré votre pays ?
Dolk : (Silence)… Bon. C’est une question difficile… si on retourne en arrière il y a de nombreuses religions en Norvège. Tu as là-bas de nombreuses scènes ; celle d’Oslo, celle de Bergen, la Trolham scène, et la dessus on a tous nos idées. D’une certaine manière on l’a tous combattue. Ce qui est étonnant de nos jours c’est qu’il n’y ait plus vraiment de lien concernant la scène black metal, on a tous des opinions différentes. Maintenant mes pires ennemis sont au sein de ce Cercle. De nos jours j’ai intérêt à regarder où je mets les pieds. Ce n’était pas le cas avant. Tu dois faire très attention au sein de ce cercle. Ce n’est pas obligatoirement des églises que tu dois avoir peur, c’est des gens qui se trouvent comme toi au sein de ce cercle. Et les gens n’ont pas l’air de s’en soucier, tu sais, et pourtant c’est la situation actuelle. C’est complètement différent de nos jours.
Lionel : As-tu d’autres activités en dehors de Kampfar ?
Dolk : Je vais répondre par une blague. On pourrait mais on ne le fait pas. Pour s’en sortir on devrait partir 6 mois en tournée par an. Donc on a décidé de ne pas le faire. C’est un sale business. Maintenant quand on part en tournée on a notre mot à dire, on préfère tel ou tel endroit et y retourner quand il nous a plu. Mais c’est parce qu’on le veut bien. Je suis d’ailleurs satisfait de cette situation. Mais j’ai un boulot qui consiste à faire des programmes pour l’industrie norvégienne. Et je l’ai signé de mon propre nom avec mes conditions en ce qui concerne mes moments libres pour Kampfar. Ce qui veut dire que de nos jours je fais exactement ce que je veux. J’ai un boulot stable, qui me permet d’aller quand et où je veux. J’ai donc un certain confort.
Lionel : La liberté… j’ai une question un peu spéciale maintenant. La semaine dernière à Paris, j’ai vu Hoest (Taake) chanter dans Gorgoroth. Aimerais-tu tenter une telle expérience ?
Dolk : (Rire). Ce que je peux te dire, c'est que c’est assez étrange. Je vais faire quelque chose de spécialecette année au Wacken Open Air. Je vais faire quelque chose avec un groupe norvégien, mais je suis sincèrement désolé de ne pouvoir t’en dire plus, car c’est complètement « Top Secret ». Mais ce que fait Hoest est bien tout en respectant l’esprit de Gorgoroth.
Lionel : Qu’aurais tu fait de ta vie si les guitares électriques et le Black Metal n’existaient pas ?
Dolk : (Rire) humhum…c’est assez étrange mais je pense j’aurais été de toute manière dans le milieu artistique.
Lionel : Un peintre ?
Dolk : Non pas obligatoirement, mais j’ai un besoin de m’exprimer. C’est un besoin pour moi. D’une certaine façon j’ai besoin de faire quelque chose de créatif. C’est naturel pour moi.
Lionel : Tu es souvent venu à Paris, je me souviens de cette petite salle…
Dolk : Le Klub ?
Lionel : Oui mais je pensais à La Pena Festayre dans le 19ème en 2008, organisé par Battle’s Beer…
Dolk : Oui effectivement et je crois que c’est la 6ème fois que l’on joue à Paris.
Lionel : Il y a deux ans tu as joué à Barge to Hell. Quelle expérience en as-tu retenu ?
Dolk : Il y a beaucoup de chose à raconter… pour moi jouer devant des milliers de personnes comme lors d’un festival c’est quelque chose de naturel, mais de jouer sur un bateau lors d’une croisière au milieu de la nuit, quelque part dans les caraïbes, je n’aurais jamais imaginé une chose pareille pour Kampfar. C’est tellement spécial, tellement dingue. On s’est dit « allez on le fait » car cela parait tellement incroyable. Ce n’est pas possible que cela existe.
Lionel : Et d’être près de vos fans ?
Dolk : Oui on avait fait avant une tournée américaine et on a retrouvé des fans avec nous sur la croisière. C’est un vrai confort. C’est complètement dingue un truc pareil ! Tu rencontres plein de gens pendant la croisière et ils te parlent avec leur cœur. J’ai plein d’histoires à raconter à ce sujet. Il y a un mec un jour qui est venu, m’a serré la main et m’a dit « en 1999, j’ai eu de grosses difficultés dans ma vie et tout allait très mal, j’étais proche du suicide et Kampfar m’a sauvé ». Pour moi c’est le plus beau des compliments et le plus gros succès que l’on ait eu en tant que musiciens.
Lionel : Il est clair qu’en tant que musiciens vous n’êtes pas obligatoirement préparés à entendre de telles choses…
Dolk : C’est sûr, jouer et rencontrer des gens, mais entendre une telle histoire. Et pour moi c’est aussi important. D’ailleurs ce soir c’est un peu spécial pour moi de rejouer au Nouveau Casino car il y a 3 ans on avait joué avec Secrets of the Moon et l’année dernière Marianne Séjourné (LSK) la bassiste mettait fin à ses jours. Pour moi, c’est une soirée très spéciale.
Photo : Lionel / Born 666 / © 2014
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