Einstürzende Neubauten au Trianon (17.11.2014)

Lamentations germaniques
 

Dans la musique, et dans l’art en général, il y a les originaux et les suiveurs. L’artiste dont nous allons vous parler est à classer dans la première catégorie. Vous n’avez probablement jamais entendu parler de Einstürzende Neubauten (à vos souhaits), et pourtant, nous parlons ici de véritables pionniers, à mi-chemin entre new wave et indus, avec aussi une bonne grosse touche d’avant-gardisme. Du haut de leur carrière commencée il y a 34 ans, ces Allemands sont allés dans toutes les directions possibles et imaginables dans l’expérimentation, et leur dernier projet, Lament, ne va pas nous contredire.

 

Einstürzende Neubauten, 2014, Paris, Trianon, Live report,


Lament n’est pas à considérer comme un nouvel album studio du groupe, mais comme un projet destiné à être joué en concert. L’œuvre a d’ailleurs été commandée dans le cadre du projet « La Chute de Dixmude 1914-2014 » mis en place par la Belgique pour commémorer les cent ans de la Première Guerre Mondiale. Cette œuvre n’est autre qu’une narration musicale de la guerre par Neubauten. Autant dire qu’on pouvait s’attendre à quelque chose d’unique et bizarre, et c’est exactement ce qui s’est passé, peut être encore plus qu’on pouvait l’imaginer !

Einstürzende Neubauten, 2014, Paris, live report, Trianon,

En arrivant dans la belle salle du Trianon, on constate que des morceaux de tôle en métal sont disposés un peu partout sur la scène. Sont-ce des décors ou… Des instruments ?? Einstürzende Neubauten nous donne la réponse dès leur arrivée, ce sont bien des instruments, qu’ils utilisent pour générer un bruit à la limite du supportable, sans doute pour donner une manifestation musicale de la guerre. Eh oui, le morceau « Kriegsmaschinerie » porte bien son nom. Pendant que les instrumentistes font hurler le métal, le chanteur Blixa Bargeld soulève des plaquettes en carton qui déroulent l’histoire du début de la première guerre mondiale. Ce petit détail très DIY est sans aucun doute une mise en abyme volontaire du groupe par rapport aux moyens très importants mis en œuvre pour ce concert, d’autant plus qu’en plissant les yeux, on voit que la version allemande des sous-titres est présente derrière chaque planche de carton.
 

Einstürzende Neubauten, 2014, Paris, Trianon,


S’ensuit un ensemble de chansons assez hétéroclite, allant du spoken-word sur « The Willy - Nicky Telegrams » au drone expérimental sur « Der 1. Weltkrieg ». Le groupe est accompagné d’une section d’instruments à cordes, qui sera inactive pendant la majeure partie du concert, mais se révèlera importante pour tisser une ambiance malsaine ou mélancolique dans ses rares interventions.
 

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Force est de constater que cette bande de vieux briscards est assez charismatique, en particulier Blixa Brageld avec son air concentré et complètement absorbé par sa performance, pendant que le bassiste Alexander Hacke s’agite comme s’il jouait dans un groupe de punk !
 

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En assistant à cette performance originale et déroutante, alors que la narration se développe devant nous, on constate que Lament est en fait un manifeste pacifiste, militant contre l’extrémisme religieux et la manipulation de masse. Finalement, malgré son étrangeté, ce concert passe assez vite. Le nombre d’expérimentations sonores est trop important pour être fait sans que cela soit stérile, et même si certaines peuvent être considérées dubitativement, le tout reste plutôt cohérent et sert bien le propos musical et historique, avec une attitude très dadaïste. Après un peu plus d’une heure de concert, le groupe se retire quelques minutes et revient pour un rappel épique. Ils nous interpréteront deux titres « classiques » du Neubauten, à savoir « Let’s Do it a Dada » et « Ich Gehe Jetzt », avec au milieu la conclusion de Lament, la très ironique « All of No Man’s Land is Ours ».
 


Einstürzende Neubauten n'a donc rien perdu de sa superbe bien au contraire, et affiche une forme olympique après un carrière qui force le respect. Les fanatiques auront été déçus de ne pas entendre plus de classiques du groupe, mais gageons que les Allemands se rattraperont lors d'une prochaine tournée plus conventionnelle !

Einstürzende Neubauten, 2014, Paris, Trianon,

Setlist

Kriegsmaschinerie
Hymnen
The Willy - Nicky Telegrams
In De Loopgraaf
Der 1. Weltkrieg (Percussion Version)
On Patrol In No Man's Land
Achterland
Lament: 1. Lament
Lament: 2. Abwärstsspirale
Lament: 3. Pater Peccavi
How Did I Die?

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Sag Mir Wo Die Blumen Sind
Let's Do It a Dada
All Of No Man's Land Is Ours

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Ich Gehe Jetzt

Reportage par Tfaaon

Photos : Arnaud Dionisio / © 2014 Deviantart
Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe.
 



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