En ce jour d’inauguration du nouveau Bercy (pardon, de l’AccorHotels Arena, il va falloir revoir nos habitudes !), ce n’est pas dans cette énorme salle qui les avait vus ouvrir pour Black Sabbath qu'Uncle Acid & The Deadbeats se produit. Non, le groupe est de retour à Paris pour la première date d’une tournée des salles à taille humaine. Et ce soir, pour les barbus chevelus collectionneurs de Big Muff, c’est à la Flèche d’Or que ça se passe.
Spiders
Drôle de choix que Spiders pour ouvrir pour Uncle Acid. On est bien loin en effet de l’aspect occulte et lancinant de la tête d’affiche, avec un rock un peu gentillet, aux accents 70s, mais surtout classique au possible.
Le groupe, dont l’album Shake Electric avait tout de même escaladé les charts suédois jusqu’à la septième place, est là pour défendre son nouvel EP Why Don’t You, vendu ce soir au stand merch deux jours avant sa sortie. Recouverts de paillettes, la belle Ann-Sofie Hoyles et ses trois comparses montent sur scène en toute simplicité pour installer eux-mêmes leurs instruments et lancer la soirée.
D’entrée, le son est très bon, hormis une guitare un peu en retrait et des chœurs inexistants. Rien de rédhibitoire cependant, et la propreté du son est déjà à l’image de ce que va nous offrir la soirée : un régal pour les oreilles.
Par contre, les compositions des Suédois laissent dubitatif le publis assez épars, qui ne réagit que peu aux invectives des musiciens, et ne se laisse presque pas emporter par la musique. Souvent, on se surprend à noter d’évidentes influences trop peu digérées : "Control" a un goût proéminent de "Next To You" de The Police, et juste après sur "Hard Times", la frontwoman rappelle beaucoup trop Skin de Skunk Anansie.
Ann-Sofie attrape tantôt un tambourin, tantôt des maracas, tantôt une guitare, et veut faire le show, peut-être de façon trop forcée par moments, ce qui transparait depuis le pit. Les autres musiciens sont, il faut le reconnaître, très carrés - en particulier le bassiste Olle Griphammar – mais l’ensemble manque de charisme et d’impact.
Le set oscille donc entre le bon et le moins bon, le meilleur étant "Shake Electric" et son excellent solo d’harmonica, le pire étant "Only Your Skin", qui semble être la première composition en powerchords écrite par un ado qui découvre la guitare…
En définitive, on est plus que mitigé sur la prestation de Spiders, qui à sa décharge n’est pas trop à sa place à l’affiche. Du rock simple, efficace, mais pour citer André Manoukian, "ça sent trop le savon, et pas assez la foufoune".
Setlist :
Mad Dog
Control
Hard Times
Hang Man
Give Up the Fight
Only Your Skin
Why Don't You
Shake Electric
War of the World
Uncle Acid And The Deadbeats
Premier concert de la tournée européenne, et la Flèche d'Or est blindée. Les fans se pressent devant la scène, et les quelques photographes se faufilent tant bien que mal pour tenter de décrocher quelques clichés.
Les Anglais entrent sur scène sous une ovation et s'installent derrière leurs instruments pour embrayer sans plus de détour sur une setlist béton, qui a le bon goût d'être plus longue de deux titres que celle amenée aux Etats-Unis par le quartet.
D'entrée, le son est excellent, absolument délectable. Seule la voix est inégale selon le positionnement dans la salle, mais rien de bien gênant. Chaque instrument est parfaitement audible et distinct, chaque nuance de jeu est retransmise fidèlement, bref tout est au rendez-vous pour passer un excellent moment. Une telle qualité ferait presque regretter que les voix ne soient pas plus distordues encore pour accentuer le côté occulte de la prestation.
Uncle Acid & The Deadbeats maîtrise clairement son sujet, et ce n'est pas la première moitié du set qui nous contredira. Dans des lumières aux tons bleutés de circonstance, la scène musicale s'étend dans toutes les directions, et emplit la salle de sa lourdeur caractéristique. Seules quelques notes de piano entêtantes viennent temporairement alléger l'ambiance, grâce au roadie du groupe, caché en bord de scène.
"Murder Nights" est imparable et montre toute la maîtrise des membres du groupe : alors qu'il est si facile (et dangereux) pour des musiciens d'accélerer progressivement leur tempo sous le coup de l'adrénaline, les Anglais arrivent à donner l'impression que le morceau ralentit irrémédiablement. Un rendu très délicat à obtenir, mais surtout à préserver de façon si régulière sur scène. Un tel tour de force ne fait que donner plus d'impact et de poids au son.
Rapidement arrive l'énorme mandale de la soirée, avec l'hypnotique "Death's Door". Introduit par une première prise de parole réduite au stricte minimum, le morceau engage une véritable transe collective, et quelques coups d'oeil par dessus l'épaule révèlent une marée de fans hochant de la tête, telle une armée de zombies, face à un groupe imperturbable qui reste dans sa bulle. Les presque huit minutes du morceau filent à toute allure, pour déboucher sur "13 Candles" véritable machine de précision à la croisée improbable de Black Sabbath et ZZ Top.
Ce qui est remarquable, c'est à quel point le public se lâche entre les morceaux, et sait rester religieusement mesuré tandis que le groupe joue. Mais les musiciens ne s'inquiètent pas de savoir si les spectateurs prennent leur pied : ils savent parfaitement que c'est le cas, et les spectacteurs savent qu'ils savent. Grande communion.
La messe s'accélère sensiblement lors du tandem "I'll Cut You Down"/"Crystal Spiders", dont les tempos feraient presque figure de cavalcades vis à vis des standards du groupe. Même les lumières commencent à virevolter et balancent des flashs stroboscopiques qu'on attendait pas. C'est le moment choisi par le frontman Uncle Acid pour demander sobrement au public de se lâcher, public qui lui obéit au doigt et à l'oeil.
Certains fans continuent d'hurler "Mt. Abraxas" entre les morceaux pour entendre leur titre préféré, mais le chanteur les fera vite taire d'un "Shhhht" tonitruant, avant de lancer le dernier volet du set principal. Dernier volet qui est le seul temps un peu mort de la prestation, avec un "Inside" un peu trop lisse et convenu, auquel le public n'adhère que peu. Juste après l'excellent pont jazzy de "Campire Circus", les comparses cambridgiens quittent la petite scène de la Flèche d'Or sous un tonnerre d'applaudissement et d'acclamations plus que méritées.
Le rappel se fait un peu désirer, et prend forme sous les traits de trois morceaux dont les incontournables "Melody Lane" et "Withered Hand Of Evil", qui font renaître la puissance du début du concert, avec leurs riffs lourds et acérés. Entre eux, "Ritual Knife" est l'occasion pour Uncle Acid de lâcher sa guitare au profit de maracas, et pour nous de constater par son absence à quel point le jeu à deux guitares apporte à la densité sonore du groupe.
Uncle Acid & The Deadbeats a sans conteste la pleine maîtrise de son univers, et leurs fans parisiens en ont pris plein les oreilles. La messe est dite, chacun rentre chez lui, pour faire de délicieux cauchemars, en attendant le prochain passage des Anglais dans une salle encore plus grande.
Setlist :
Waiting for Blood
Mind Crawler
Murder Nights
Death's Door
13 Candles
Pusher Man
I'll Cut You Down
Crystal Spiders
Inside
Vampire Circus
Rappel :
Melody Lane
Ritual Knife
Withered Hand of Evil
Crédit photos: Vanessa Monteiro
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