Ces dernières années, Cradle of Filth s’était taillé une réputation plutôt négative concernant ses prestations live, se contentant de promouvoir des albums assez moyens (The Manticore) dans des concerts en roue libre. Mais après avoir changé presque l’intégralité de son line up (hormis Martin Skaroupka le batteur du combo et Daniel Firth, bassiste de session sur l’album précédent), Dani Filth (chant) a su redorer le blason du groupe avec un opus de qualité, Hammer of the witches, très bien accueilli par le public. Le concert de ce soir était l’occasion de voir si l'essai était également transformé sur scène. Mais avant cela, place à deux formations choisies par Dani Filth lui-même pour cette date, les Australiens de Ne Obliviscaris et les français de Benighted soul.
Benighted Soul
La salle est encore très faiblement remplie lorsque Benighted Soul entame son set de 25mn, la faute certainement à la séance de dédicace donnée par Cradle chez un disquaire parisien, qui a retenu une partie du public de ce soir. Cette tournée était le moyen pour des artistes locaux de postuler pour ouvrir les concerts des Anglais, en étant sélectionnés par le groupe lui-même. C'est pourquoi la présence de Benighted Soul est surprenante tant son metal à tendance symphonique est éloigné du metal extrême de Dani Filth et sa troupe. Les Lorrains, qui se produisent devant un public clairsemé, ont du mal à fédérer sur scène, la faute à des compositions peut-être trop propres et gentillettes. La voix de Géraldine, la vocaliste, manque malheureusement de personnalité, en plus d’être régulièrement à la limite de la justesse. On regrette également les poses théâtrales un peu clichées de la part de la chanteuse, qui visuellement n’apportent rien à la prestation de Benighted Soul.
De leur côté, les musiciens sont carrés et font leur boulot, mais ne s’adressent pas au public, laissant uniquement ce soin à leur frontwoman, ce qui est dommage. Avec 25 minutes de jeu, Benighted Soul peine à convaincre un public qui n’applaudit que par politesse, peut-être en raison du manque de mordant des riffs. La présence de ce groupe à l'affiche constitue peut-être une erreur de casting, tant son style diffère de ce que les fans des Anglais attendaient ce soir.
Ne Obliviscaris
La présence des Australiens à l'affiche est également une grosse surprise, tant son metal progressif expérimental emprunte plus à Opeth ou à Tool qu'à Cradle of Filth. Mais devant un public à peine plus nombreux que pour le groupe précédent, les Australiens vont faire office d’ovni et surprendre l’audience qui ne les connait pas, transformant leur différence de style en atout. Tantôt prog atmosphérique, tantôt death à tendance brutale, le groupe semble à l'aise dans tous les styles pratiqués. De plus, le son excellent permet de profiter pleinement de la musique de Ne Obliviscaris, qui aurait vite pu tourner au vinaigre si les conditions sonores n'avaient pas été au rendez-vous. Malgré cela, on regrettera que sur certains lead, la guitare de Benjamin Baret soit régulièrement sous-mixée.
Instrumentalement c'est une belle surprise et les plans de basse de Brendan Brown sont réellement impressionnants, entre tapping envoûtant sur « Blackholes » et passages totalement jazzy. Le batteur est également très à l'aise pour passer d'un blast à faire pâlir Romain Goulon (Necrophagist) sur l’intro de « Pyrrhic », à des parties subtiles et sensibles. La présence de deux chanteurs apporte réellement un plus, puisqu'elle évite à un seul vocaliste d'alterner growl et chant clair, deux éléments rarement maîtrisés pleinement par une seule et même personne. Le growl de Xenoyr est d’ailleurs totalement caverneux et apporte une réelle plus-value aux compositions du sextet. Il est cependant regrettable que le violon de Tim Charles ne soit pas mieux mixé, puisqu'il est régulièrement couvert par les riffs de guitare.
Benjamin Baret (guitare), le seul membre français du groupe prend la parole et salue le public avant un dernier titre qui s’étale en longueur sans pour autant susciter d'ennui. Rappelant notamment les Québécois d’Unexpect (en beaucoup plus abordables), les Australiens font office de très belle surprise, qu’il nous tarde de revoir avec un temps de jeu plus conséquent et en tête d’affiche.
Cradle of Filth
Peu de temps avant la montée sur scène des Anglais de Cradle of Filth, une machine crache des volutes de fumée. Est-ce pour cacher en partie le décor festif du Cabaret Sauvage, rappelant un cirque, et qui détonne clairement avec l’univers de Cradle ? Ou bien pour masquer le fait que le public ne se soit pas montré plus nombreux, la salle étant à moitié pleine ? Toujours est-il que cette fumée plonge le public dans l’ambiance, rehaussé par la présence de deux squelettes crucifiés de part et d’autre de la scène.
Lorsque les lumières s’éteignent, l’introduction « Humana Inspired to Nightmare », issu de Dusk and her Embrace, album culte des anglais, retenti dans la sono. Dani Filth apparait alors avec un nouveau corpsepaint, encore différent de celui arboré dans le livret de Hammer of the Witches, et au dernier Hellfest. Le vocaliste porte également deux cornes de satyre, rajoutant une dimension encore plus théâtrale, caractéristique des prestations live du groupe.
Dès les premières notes de « Heaven Torn Asunder », le public est rassuré, le son est excellent sans être trop fort. Ainsi, les cris suraigus de Dani Filth passent très bien l’épreuve du live, sans fatiguer les spectateurs plus que de raison. Le public ne s’y trompe pas et les premiers pogos se déclenchent en plein centre de la fosse, à la moindre incantation de Dani.
La nouvelle paire de guitaristes, Ashok et Richard Shaw, se complète à merveille, preuve que leur recrutement a su donner un coup de fouet aux prestations du groupe. La setlist fait la part belle au dernier opus, qui passe très bien l’épreuve de la scène. Les refrains sont facilement assimilables (« Blackest Magic in Practice », « Right Wing of the Garden Triptych ») et sont d’ailleurs repris par un public qui ne s’économise pas, allant jusqu’à slammer malgré la faible densité de la foule. Le seul point négatif concerne peut être la voix de Linsday Schoolcraft (claviers, chant), qui est surmixée, ce qui laisse entendre toutes les imperfections lorsque celle-ci est à la limite de justesse (« Nymphetamine Fix »). Il faut dire que passer après les interprétations de Sarah Jezebel Deva, qui officiait sur les versions studios, n’est pas chose aisée.
La setlist assez variée est également un point positif, puisque les classiques de Cradle of Filth sont bien entendus au rendez-vous (« Cruelty Brought Thee Orchids », « Malice through the Looking Glass », ou encore « Her Ghost in the Fog »). Après une heure de jeu, le groupe quitte la scène, pour mieux revenir et assurer un rappel de près de 40 minutes. Dani Filth se donne toujours autant, ce qui s’illustre par son corpsepaint ruissellant sous ses efforts. Tel un farfadet, Dani ne peut s’empêcher de sautiller sur place comme à son habitude, et de haranguer le public, l’exhortant à applaudir également les deux autres groupes de la soirée. Le final constitué de « Her Ghost in the Fog » et « The Forest Whispers my Name » laisse le public pantois devant une telle prestation, où Dani a pu montrer toute l’étendue de ses capacités vocales, bien loin de l’époque où seuls les cris stridents étaient retenus par le public.
Au final, c’est un très bon concert que les Anglais ont donné, preuve de la résurrection scénique et musicale du combo après quelques années d’errances. Ce concert a également conforté l’excellente forme du nouveau line-up, preuve que la prise de risque de Dani a fini par payer. Le public ressort de la salle comblé par une très bonne prestation et un concert généreux.
Setlist Cradle of Filth
Humana Inspired to Nightmare (on tape)
Heaven Torn Asunder
Cruelty Brought Thee Orchids
Blackest Magic in Practice
Lord Abortion
Right Wing of the Garden Triptych
Malice through the Looking Glass
Deflowering the Maidenhead, Displeasuring the Goddess
Queen of Winter, Throned
Rappel :
Walpurgis Eve (on tape)
Yours Immortally
Nymphetamine Fix
The Twisted Nails of Faith
Her Ghost in the Fog
The Forest Whispers my Name
Blooding The Houds of Hell (on tape)
Merci à Julie de Nous Productions
Photographies : © Arnaud Dionisio/ Ananta 2015
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