Here comes the Soen
Dix ans... Cela faisait dix longues années que Martin Lopez n'avait pas joué en France, la dernière fois étant pour la tournée Ghost Reveries avec Opeth. Depuis, le batteur a repris du poil de la bête avec Soen, groupe à l'origine de deux excellents albums. Autant de raisons d'être extrêmement enthousiaste et curieux à l'idée de les voir en concert.
Shiverburn
Nous voici face à un groupe de hollandais, qui évolue dans un style rock/metal prog. Mais, disons-le clairement, du côté le moins excitant du genre. En effet, les compositions sont aseptisées et sans beaucoup d'inventivité, avec beaucoup de clichés déjà entendus. Et malheureusement, le jeu de scène est à peu près aussi intéressant. Les musiciens sont vraiment bons ceci dit, et la mise en place l'est tout autant. La chanteuse a une belle voix, puissante, et fait de son mieux pour combler le vide qu'on ressent sur scène, sans réel succès.
Le seul moment mémorable du set sera une cover inattendue de "Go Your Own Way", classique parmis les classiques de Fleetwood Mac. Franchement bien jouée, les Shiverburn osent en plus de cela un mariage osé en y isérant le riff de "The Root of All Evil" de Dream Theater. Et ca marche plutôt bien. Dommage que visiblement, personne ne connaissent Fleetwood Mac dans la salle. En soi, Shiver Burn a donc toutes les clés pour se démarquer, mais il faudrait pour cela les utiliser dans de meilleures compositions et une présence accrue sur scène.
LizZard
Décidément le prog est un genre extensible. On peut dire que les français de LizZard évoluent eux aussi dans ce style, mais d’une manière radicalement différente de Shiverburn. Beaucoup plus technique et agressive, la musique de LizZard pioche autant chez Rush que Tool, ces derniers étant une influence revendiquée du groupe. Et ça se ressent particulièrement dans le jeu de Katy Elwell, sacrément groovy et puissant, rappelant la verve de Danny Carey.
Les riffs fusent dans tous le sens, que ce soit à la guitare ou à la basse, toujours soutenu par le jeu énergique de Katy, qui irradie le concert de sa présence scénique. Le guitariste Mathieu Ricou se débrouille bien au chant, qui est juste et bien clamé, et parfois ponctué de cris, qui sont rares, mais s’intègrent avec cohérence dans les compositions. Clairement, nous avons affaire à des musiciens chevronnés, qui ne laissent rien au hasard, sans oublier d’utiliser leurs capacités techniques au service de la musique, et pas l’inverse, comme dans beaucoup trop de groupes de prog.
Avec le recul, on peut clairement dire que LizZard est un groupe de concert, car il y a dans leur performance une énergie et une rage qui ne transparaît pas autant sur album. Si le groupe parvenait à retranscrire cela sur galette, ils pourraient sans doute encore plus faire parler d’eux.
Soen
C’est avec la très accrocheuse « Delenda » que les suédois entament leur set. Le son manque de précision, mais heureusement, cela sera corrigé en cours de concert. Encore une fois, les musiciens sont extrêmement précis et ne font pas dans la dentelle, même si le nouveau guitariste Marcus Jidell penche clairement plus du côté du blues et du hard rock seventies que du metal. On aura d’ailleurs droits à quelques solos de guitare qui se greffent aux compositions originales (parfois trop longs).
Joel Ekelöf se révèle être excellent au chant, arrivant parfaitement à restituer l’émotion des compositions de Soen sur scène. Ceci étant dit, malgré ses nombreux appels à la participation au public et une attitude active sur scène, on est encore loin de pouvoir parler d’un frontman vraiment charismatique. Mais ne soyons pas mauvaise langue, la musique est magnifiquement bien jouée, et c’est le principal. La setlist est axée sur Tellurian, deuxième album de Soen, et force est de constater qu’il passe parfaitement le cap de la scène, ce qui n’était pas gagné, étant moins direct que son prédécesseur.
Encore une fois pour cette soirée, c’est le batteur du groupe qui attire tous les regards. Et comment en aurait-il pu être autrement pour un musicien aussi exceptionnel que Martin Lopez, qui a marqué de sa frappe précise et pleine de musicalité les meilleurs albums d’Opeth, et continue sur un excellent chemin avec Soen. Ce soir, on peut voir à quel point le bougre s’est amélioré en dix ans. Il ne se passe pas beaucoup de temps sans qu’on entende un groove inventif ou groovy de sa part. Visiblement, le fait qu’il ait arrêté de se droguer en tournée comme à l’époque d’Opeth a eu un impact on ne peut plus positif sur ses performances.
Là où Soen réussit où beaucoup échouent, c’est en ayant recours à un claviériste qui joue aussi de la guitare quand c’est nécessaire, permettant ainsi au groupe de se passer de samples en concert, et cela affecte directement la manière dont on perçoit le concert, quand les riffs sont joués à deux guitares par exemple… Ce moment avec les suédois sera passé bien vite, et bien inaperçu malheureusement, si on compte le nombre de personnes dans la salle. Espérons que cette première tournée d’envergure apportera une renommée bien méritée à Soen pour jouer dans des conditions plus appropriées qu’à Glazart la prochaine fois.
Photos : Marjorie Coulin / © 2015
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