Le 8 novembre, la CCO de Villeurbanne accueillait l'affiche metalcore de cette fin d'année avec la présence de Bury Tomorrow, Stick To Your Guns et Architects. Le public lyonnais s'est déplacé en masse pour assister à cette soirée musicalement surpuissante, mais aussi forte en émotions.
Bury Tomorrow
Ce sont les Britanniques de Bury Tomorrow qui ouvrent les hostilités avec leur metalcore mélodique énergique. Le public n'étant pas encore au complet, Daniel Winter-Bates, en tant que bon frontman surexcité, ne cesse de demander à l'audience de se réveiller et de tout donner dans le pit. Il aura fallu attendre que « Man on Fire » et « Memories » soient passées pour voir réellement les premiers mouvements de foule, sur « Lionheart », qui se prête clairement bien à ce petit jeu.
Avec leur dernier opus, Earthbound, sorti fin janvier 2016 (chronique à lire ici), Bury Tomorrow peine encore à confirmer sa place parmi les gros noms metalcore européens et pourtant en live il n'y a rien à redire sur leur performance et sur la qualité de leurs dernières compositions. Dan est omniprésent sur scène, ses discours sont parfaits pour mettre le public dans sa poche en commençant par critiquer ouvertement la pratique de vente de tickets VIP en disant que pour un groupe, c'est un bonheur de pouvoir rencontrer son public car c'est grâce à ce dernier que les groupes peuvent vivre et faire évoluer leurs projets musicaux. Il ajoute aussi que lorsque Jesse Barnett (STYG) et Sam Carter (Architects) prendront la parole par la suite, il sera très important de se taire et de bien écouter les messages qu'ils ont a faire passer.
Avec une (trop) courte setlist de six morceaux, Bury Tomorrow défend son dernier album d'une manière assez convaincante, notamment avec l'enchaînement « Cemetery », « Last Light » et « Earthbound » pour terminer leur set. Les leads de guitare sont parfaitement exécutées, la rythmique est puissante, le chant est juste dans les screams chez Dan. De son côté, Jason Cameron au chant clair (et guitare rythmique) assure aussi ses parties bien qu'elles soient très radio friendly. Les breakdowns des Anglais qui sont assez faibles sur CD sonnent très bien en live et c'est un bon point.
Bilan positif en tout cas avec Bury Tomorrow qui a tout à gagner en participant à une telle tournée aux côtés de ces deux autres groupes prestigieux. Le groupe défend son grain de la meilleure manière possible et même si le public est assez statique sur les premières minutes, il ne tarde pas à se réveiller pour le plus grand plaisir de Dan Winter-Bates.
Setlist :
1. Man on Fire
2. Memories
3. Lionheart
4. Cemetery
5. Last Light
6. Earthbound
Stick To Your Guns
Sans une seule minute de retard, les Américains de Stick To Your Guns font leur entrée sur scène. L'engouement dans la salle monte à un cran encore supérieur et nombreux sont les fans du groupe dans la salle. Jesse Barnett est tout aussi agité sur scène que son compère Dan lors du set précédent. La foule est tout de même nettement plus réceptive à la prestation des Américains et les mosh pits commencent à se faire de plus en plus réguliers et spontanées. Il faut dire que la musique s'y prête fort bien avec un mélange de punk hardcore et de metalcore mélodique.
La puissance de la musique de STYG est soutenue par un chant et des lyrics tout aussi percutants. Chris Rawson et Josh James (guitares) sont tout aussi survoltés que leur leader et font des bonds à chaque fin de break. Les Américains disposent d'une dizaine de chansons pour se faire entendre et prêcher la bonne parole, aussi bien humainement que politiquement.
Stick To Your Guns a récemment sorti Better Ash Than Dust, un EP cinq titres qui sera représenté une seule fois ce soir, en la présence du titre « Universal Language ». Les paroles puissantes et violentes de ce morceau sont sûrement une des raisons de ce choix, en plus de l'instru à l'image des lyrics. Disobedient, le dernier gros effort en date du groupe et sorti en 2015, est représenté avec « Nobody » en ouverture de set, « What Choice Did You Give Us ? » et « Nothing You Can Do To Me ». Là encore le choix des titres est judicieux et tape fort aussi bien musicalement que dans les messages qu'ils font passer. Et ça sera la même rengaine avec les cinq titres de Diamond (2012) qui seront joués ce soir.
Avec Stick To Your Guns, la soirée devient de plus en plus intense. Les mots qui sortent de la bouche de Jesse, dans son chant comme dans ses discours, ne laissent personne indifférent. Le chanteur sait frapper là où ça fait mal et toucher des points sensibles de notre société. Si on y ajoute leur punk hardcore dévastateur et leur mélodie tirée du metalcore américain, STYG devient un cocktail explosif qui ne manque pas de faire bouillir une salle pleine à ras bord.
Setlist :
1. Nobody
2. Universal Language
3. Empty Heads
4. Bringing You Down
5. Such Pain
6. What Choice Did You Give Us?
7. We Still Believe
8. Nothing You Can Do to Me
9. Amber
10. Against Them All
Architects
Impossible de parler d'Architects sans mentionner le drame qui a récemment frappé le combo Anglais. Ce n'est un secret pour personne et encore moins pour les fans présents lors de cette soirée. Tom Searle, guitariste, principal compositeur du groupe et frère jumeau de Dan Searle (batterie), nous a quitté à la fin du mois d'août, après trois années de lutte contre le cancer. Architects était déjà avant ce mois d'août, un groupe aux messages forts, foudroyant en plein cœur quiconque se penchait sur leur musique. Alors ce que l'on ressent aujourd'hui en les écoutant et surtout en les voyant sur scène est indescriptible.
Pour commencer, le groupe fait preuve d'une force de caractère hors du commun pour arriver monter à nouveau sur les planches et faire de cette tournée une des plus mémorables de notre époque. Et si Architects est aujourd'hui en mesure de se produire sur scène avec une telle force, c'est aussi grâce à l'aide apportée par leur ami Josh Middleton, bien connu pour son travail au sein de son propre groupe, Sylosis. Ce dernier s'occupe de jouer les parties de guitare de Tom sur cette tournée. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'il apporte son aide au groupe vu qu'il a déjà joué ce rôle lors de précédentes hospitalisations de Tom.
L'émotion est déjà très présente dès l'entrée sur scène des cinq musiciens. L'ambiance qui plane sur le public est à la fois oppressante de par la lourdeur de la musique mais aussi libératrice si l'on se laisse transporter par la voix de Sam Carter. Ce chant crié, qui est évidemment une des caractéristiques les plus importantes de la musique proposée par Architects.
All Our Gods Have Abandoned Us, le dernier né du groupe, qui s'est d'ailleurs révélé comme l'un des albums metalcore les plus réussis de l'année, est parfaitement bien représenté ce soir sans pour autant prendre le dessus sur leurs œuvres plus anciennes. Enfin... comme pour leur précédente tournée, Architects met l'accent sur ses opus les plus récents, c'est pourquoi en plus du dernier album on se retrouve avec un bon nombre de titres de Lost Forever // Lost Together. « These Colours Don't Run » est toujours sur la setlist, en guise de représentante de Daybreaker (2012). Pour le reste, le choix des titres est appréciable et très homogène, en accord avec l'état d'esprit actuel des Britanniques.
Connaissant le potentiel des musiciens, nous savions par avance que All Our God Have Abandoned Us sonnerait parfaitement bien sur scène, et c'est le cas. Malgré cela, quelques petits soucis sont à relever. A l'image de leur précédente représentation à Lyon au Transbordeur, en février en support de Parkway Drive, le son d'Architects est si puissant que les basses prennent le dessus sur le chant et les leads de guitare. Rien à dire sur les rythmiques et breakdowns qui sont superbement bien exécutées. Le fait que la voix soit un peu effacée par moments est compensé par le public qui chante chacune des paroles sur la totalité du concert, ce qui est à la fois magnifique et entraînant !
Un aspect qui nous intéressait également, était de voir comment Josh Middleton rendrait musicalement hommage au regretté Tom Searle. Sachant que nous n'avions aucun doute sur ses qualités vu la musique qu'il propose avec Sylosis, cela est confirmé avec son exécution incroyable des riffs écrits et joués initallement par Tom. Josh a réussi à s'imprégner entièrement de l'esprit d'Architects et de la façon de jouer ces parties de guitare uniques en leur genre. On remarque aussi sa présence scénique extrêmement respectueuse quant au rôle qu'il incarne sur cette tournée. Il confirme ici qu'il est un grand homme aux énormes qualités tout en restant humble au possible.
Sans revenir sur chaque morceau joué par Architects lors de cette soirée, il est essentiel de s'arrêter sur ce que procure le groupe durant son heure et quart de live. On sent des musiciens très marqués et touchés par les événements récents, mais qui font preuve d'une force mentale impressionnante en sublimant chacune de leur chanson. Si les Anglais faisaient déjà passer beaucoup d'émotions par le passé, que ce soit sur CD ou en live, leurs prestations actuelles n'ont plus rien à voir, Architects est entré dans une nouvelle ère.
Il est impossible de parler au nom de tout le monde lorsqu'il s'agit d'émotions, et même si l'audience semble être en totale symbiose, les ressentis peuvent être différents selon la sensibilité des personnes. De manière personnelle, malgré le très grand nombre de concerts auquel j'ai assisté dans ma vie, jamais je n'ai ressenti d'émotion aussi puissante face à un groupe. Même si ce n'est musicalement pas comparable, ce sont des émotions que même Steven Wilson (extrait ici) n'est pas en mesure de faire passer lors d'un concert.
Il est compliqué de ne pas s'égarer lors de l'écriture d'un tel article. Tellement de choses se passent durant un show comme celui-ci. Les éléments les plus importants qui viennent à l'esprit sont l'aisance musicale des membres du groupe, qui vivent leur concert à 100%. Mais aussi la puissance de cette musique accompagnée par la profondeur intense des textes, chantés d'une manière unique. Ce scream triste et froid, plein de sensibilité et d'émotions, propre à Sam Carter, ainsi que ses fameux "BLERGH" qui nous prennent aux tripes, font un mélange vocal merveilleux.
Lorsque la fin du concert approche et que le groupe est prêt à jouer « Gone With The Wind », Sam prend la paroles quelques secondes afin de parler de Tom. Le moment que le public lyonnais a choisi pour brandir des pancartes et une banderole en l'honneur d'Architects (à l'image de l'initiative prise lors du concert parisien quelques semaines plus tôt). On a pu voir un Dan Searle très touché et physiquement marqué par les souvenirs de son défunt frère, mais aussi le reste du groupe ne cachant pas leurs émotions et leur chagrin. Avez-vous déjà assisté à un concert de metal, de musique extrême, durant lequel vous pouvez observer la quasi-totalité du public en train de pleurer ? Si non, allez voir Architects.
C'est donc dans cette ambiance incroyable, avec un public survolté chantant 100% des paroles, n'hésitant à aucun moment avant de mosher, de faire du stage diving ou encore de sauter sur place que le concert va se terminer. C'est avec la gorge serrée et les larmes aux yeux que nous assistons à ces dernières minutes de show. En espérant revoir un jour Architects en France et surtout en priant pour que le groupe garde sa force et continue sans rien lâcher, en la mémoire du grand et respecté Tom Searle.
Setlist :
1. Nihilist
2. Deathwish
3. These Colours Don't Run
4. Dead Man Talking
5. Early Grave
6. Phantom Fear
7. The Devil Is Near
8. Broken Cross
9. Downfall
10. Gravedigger
11. Colony Collapse
12. Follow the Water (outro)
13. Gravity
14. Naysayer
15. A Match Made in Heaven
16. Gone With the Wind
Merci à Sounds Like Hell Productions pour avoir encore une fois organisé un événement aussi exceptionnel à Lyon.
Merci à Bury Tomorrow, Stick To Your Guns et Architects pour cette tournée et ces concerts incroyables.
Photos : Florentine Pautet
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