Ce soir, c’est rock’n’roll, sueur, bière et riffs effrénés au Trianon. En effet, les Australiens barjos d’Airbourne investissent la magnifique salle parisienne pour deux dates consécutives. La première est pleine à craquer, ce qui fournit au quatuor un cadre idéal pour mettre le feu à un public acquis à sa cause. Malheureusement, si la qualité et l’intensité sont au rendez-vous, c’est la quantité qui pêche, avec un set scandaleusement court. Retour donc sur ces regrets, qui ternissent un bilan pourtant autrement impeccable.
Leogun
On espérait un temps voir les excellents Palace Of The King ouvrir pour Joel O’Keeffe et sa bande, comme outre-Manche. Mais étant donné que le groupe était à Paris il y a à peine cinq jours aux côtés de Wyld et Mlah!, c’est une autre formation qui chauffe la salle ce soir. Les heureux élus sont les Londoniens de Leogun, qui proposent un mélange de blues, de soul et de rock fiévreux.
Si le son des Anglais n’est pas désagréable, et que leur prestation est franchement bien exécutée – en dépit d’un batteur à la ramasse par intermittence -, la mayonnaise ne prend pas. Et ce n’est pas vraiment la faute des Anglais, qui mettent du cœur à l’ouvrage : c’est plutôt la cohérence de la programmation qui est à remettre en cause. Avec son style à mi-chemin entre les Foo Fighters et Archive, avec ce grain d’authenticité bluesy en sus, Leogun n’a pas vraiment sa place pour dérouler le tapis rouge à Airbourne. Les fans de riffs survoltés et excités s’ennuient dans la fosse, et malgré des applaudissements convaincus et respectueux, l’ambiance ne décolle jamais.
Malgré tout, on retient le nom de Leogun comme celui d’un groupe bien sympathique, qu’il serait intéressant de voir dans d’autres conditions. Place maintenant au rock’n’roll à l’état brut !
Airbourne
Après cette première partie peu remuante, Airbourne choisit de ne pas faire dans la dentelle pour réveiller le Trianon : l’entrée en scène est directe et efficace, et c’est un vrai torrent de décibels qui déboule avec "Ready To Rock". Le son, sans être phénoménal, est très correct, et on distingue bien ce que jouent et chantent chacun des membres du groupe. Comme à l’habitude, Joel, en bon frontman, est au centre de toutes les attentions – et le seul à jouir d’une poursuite – et se donne à 200%.
La batterie de Ryan O’Keeffe est à l’image de la formation : carrée et martiale, sans aucun accroc, et avec une dynamique contagieuse. L’engagement des musiciens est évident, et se ressent dans l’énergie qu’ils transmettent. L'auditoire foule répond au quart de tour, comme le prouvent les mouvements de foule qui agitent sans arrêt le milieu du public. Quand retentit le lead du morceau, c’est à gorge déployée que les fans reprennent la mélodie entêtante – celle-ci restera dans la tête de chacun toute la soirée, et sera mise à contribution pour réclamer un rappel, et patienter au vestiaire après le concert.
Cette énergie du public est maintenue tout au long du set, et chacun donne de la voix ou tape dans ses mains selon les invectives du groupe : Airbourne fédère, c’est indéniable ! Joel entretient savamment l’ambiance du concert en ayant recours à ses fameux coups spéciaux, à savoir l’éclatage de cannettes de 1664 sur le crâne, et le solo dans le pit, sur les épaules d’un vigile. Simple, efficace, mais tellement rock’n’roll ! On aimerait voir plus de musiciens être si proches de leur public. Pas d'escalade en revanche, le guitariste s'étant apparemment calmé sur ce point, d'après ses dires lorsque nous l'avions rencontré en août. Domamge on l'aurait bien vu grimper sur le balcon et slammer depuis ces hauteurs, comme l'avait fait Skin de Skunk Anansie l'an passé !
Les hits se succèdent à un rythme effréné, avec une production minimaliste, hormis quatre canons à CO2 déclenchés ici ou là, ce qui renforce ce sentiment d’authenticité dégagé par Airbourne. Sentiment également renforcé par les interventions du frontman, qui blague sans arrêt, et se moque au détour d’un petit speech du niveau du public en anglais, en glissant qu’il "pourrait parler chinois, ça ne changerait pas grand chose". Qu’importe, les fans jubilent ensuite au son de "Chewin’ The Fat" et autres "Girls In Black.
Le petit dernier des Australiens, Breakin’ Outta Hell est représenté à trois reprises, avec le titre éponyme bien entendu, "It’s All For Rock’n’Roll", et le mid-tempo "Rivalry", qui est l’occasion de dévoiler le backdrop à l’effigie du nouvel opus, jusque là masqué par le visuel de Black Dog Barking. C’est donc ce titre qui sera le plus "reposant" de la soirée, permettant au groupe de rester fidèle à son leitmotiv "No ballads, no bullshit".
C’est donc un show très intense et condensé que propose Airbourne jusqu’à "Stand Up For Rock’n’Roll". Mais - parce qu’il y a un mais - le terme condensé est à prendre au sens propre : après seulement dix titres et 55 minutes sur scène, le groupe s’éclipse déjà en coulisses, laissant le public pour le moins sur sa faim. Bien sûr, un rappel est prévu, avec les deux incontournables "Live It Up" et "Runnin’ Wild", qui font d’ailleurs un vrai carton, et transforment les premiers rangs en bain de sueur et de bière. Mais avec un concert de moins de 70 minutes, on est en droit d’être déçus : avec trois ou quatre titres en plus, ça aurait été correct et on n’aurait probablement pas relevé. Mais au prix du billet, nombreux sont les fans qui se sont sentis un peu volés. Ce qui est d’autant plus frustrant que tout ce qu’a proposé Airbourne ce soir était excellent en tous points.
C’est donc un sentiment doux-amer qui prédomine à la sortie du Trianon : "c’était abusément bon, mais c’était aussi abusément court", comme l’a dit un fin philosophe au sortir du théâtre parisien. Heureusement, les chants incessants dans la file d’attente menant au vestiaire et à la sortie estompent cette impression, et rappellent que le rock’n’roll, c’est quand même un sacré kiff. Messieurs d’Airbourne, continuez de véhiculer ces valeurs, mais par pitié évitez de passer aux 4/5èmes !
Setlist :
Ready to Rock
Too Much, Too Young, Too Fast
Chewin' the Fat
Rivalry
Girls in Black
It's All For Rock N' Roll
Down on You
Breakin' Outta Hell
No Way but the Hard Way
Stand Up for Rock 'n' Roll
Rappel :
Live It Up
Runnin' Wild