C'est un rendez-vous majeur qui s'est tenu à La Laiterie de Strasbourg en ce 10 octobre 2018. Crossfaith, un groupe de metalcore japonais qu'on ne présente plus vraiment, y assurait en effet la seule date française de sa tournée européenne, une occasion parfaite pour la formation de défendre son nouvel album fraichement sorti : EX_MACHINA. Le groupe était également accompagné de deux formations attachées plus ou moins directement au metalcore, Blood Youth et Normandie, qui se sont chargées d'ouvrir le bal.
Normandie
La soirée s’ouvre donc avec Normandie, un jeune groupe de metalcore suédois ayant sorti son premier album en 2016. Tourner avec Crossfaith était une véritable aubaine pour Normandie, cela leur a permis de défendre leur nouvel opus, White Flag, partout en Europe et de s’assurer un public pour une potentielle tournée en headliner.
Si le metalcore se fait une place de choix parmi les influences du groupe, la pop et l’électro ne sont clairement pas mis à l’écart. Normandie se font un malin plaisir à conjuguer ces trois styles pourtant très éloignés l’un de l’autre, un peu à la manière de The Amity Affliction par exemple. Pourtant, l’ensemble sonne extrêmement juste. Les partitions de chant sont accrocheuses, entêtantes et portent clairement la base musicale qui elle oscille entre riffs typiques du metalcore, arpèges planantes et structures asymétriques.
Evidemment, faire la synthèse de ces trois styles est chose risquée, le groupe pourrait vite tomber dans un ridicule désastreux ou dans le panier des formations metalcore oubliables. Mais l’incroyable maturité dont font preuve Normandie permet finalement à la formation d’éviter ces écueils et de ne piocher que le meilleur de ses influences afin d’accoucher d’un ensemble absolument cohérent.
Ainsi, les parties de chant très pop se voient intensifiées par un chant saturé et des riffs à la fois puissants et mélodieux, parfois agrémentés de quelques harmonies électroniques laissant planer un vent de fraicheur sur l’ensemble. “White Flag”, notamment, a un effet radical sur le public. Le refrain en mid-tempo présente des contrastes vocaux assez intenses en plus d’être soutenu par une base monolithique mais pas des moins mélodieuses. La recette fonctionne à merveille, et le peu de personnes présentes ne restent pas de marbre face à cette performance.
Sur scène, c’est l’expérience qui parle. Chaque membre parait parfaitement à l’aise et Philip Strand, le chanteur, n’hésite pas à établir un contact physique avec le public. Normandie parvient ainsi à créer une proximité déconcertante avec un auditoire qui est loin d’être venu spécialement pour le groupe, et ceci reflète d’une part l’efficacité de leur musique et d’autre part, une capacité à porter leur projet au-delà de la simple représentation musicale. Les membres de Normandie savent faire parler leur musique et capter le public, un atout majeur qui leur permettra sûrement de décoller. Affaire à suivre !
Blood Youth
Avec Blood Youth est venu le temps de la déferlante. Les Anglais se sont en effet chargé d’échauffer la foule avant le concert de Crossfaith, et ce grâce à un metalcore/post-hardcore des plus efficaces. Ici, pas de fioritures ou d’accents mis sur les mélodies, seule la puissance parle et se charge de porter les corps.
En quelques secondes, le pit s’est transformé en un pit traditionnel de concert de hardcore. Mosh-pits, circle-pits ou encore wall of death, tout y est passé. Blood Youth ont tellement galvanisé la foule que la salle en est devenue humide. Le sol habituellement collant s’est vu trempé de transpiration et de condensation tant la réponse du public était intense. Il faut dire que les rythmes des refrains de Blood Youth donnent clairement envie de sauter partout et ceux des couplets font monter la rage ainsi que le taux d’adrénaline assez haut.
Alors non, leur musique n’est ni transcendante, ni très originale, les refrains sont quasiment tous ornés d’un tapping plutôt basique à la guitare, les couplets sont régis par des rythmes simples, mais l’ensemble s’avère extrêmement efficace, assez pour que l’ambiance générale devienne dantesque. L’entrain provoqué par des morceaux comme “Starve”, “Failure” ou “Closure” était incroyable. Inutile de vraiment s’éterniser sur ce set, il était carré, fort en chaleur humaine et en coups de poings. C’est tout ce qu’on leur demandait ! On accueillera Blood Youth avec grand plaisir à l’avenir.
Crossfaith
Difficile aura été d’étancher la soif de violence du public strasbourgeois après le concert de Blood Youth mais Crossfaith, munis de leur nouvel album traduisant un goût particulièrement prononcé pour l’extrême, ont sû relever le défi haut la main. 50 minutes leur ont suffit.
D’emblée, le ton est donné : le concert s’ouvre sur “Deus Ex Machina”, un titre revêtant un style jumpstyle plutôt énervé, faisant office d’intro sur le dernier album de Crossfaith, EX_MACHINA. Tout comme sur l’album, “Catastrophe” vient compléter ce titre et ajouter un degré d’intensité supplémentaire. Dès lors, l’aspect hybride de la musique de Crossfaith est mis en valeur. Le refrain typique du metalcore occidental est directement suivi d’une partie électronique frénétique qui aura le don de faire bouger les corps. Et comme si cette entrée en matière n’était pas assez violente, les Japonais ont ensuite choisi de jouer “Destroy”, histoire d’achever encore plus son public. Mais plus le concert avance, plus on vient à réaliser que l’intensité n’ira que crescendo.
Pour parfaire leur set, Crossfaith se sont munis d’un lightshow épileptique aussi soutenu que leur musique. Et force est de constater que l’ensemble hyper travaillé laisse un réel goût de plénitude à la fin du concert. La prédominance des tons rouges et l’omniprésence de stroboscopes auront d’ailleurs régit pas mal de mouvements dans le pit où le tableau dessiné par Blood Youth a été restauré en quelques minutes seulement. La frénésie du public s’est également retrouvée sur scène où les différents membres ont fait preuve d’un dynamisme incroyable. Evidemment, le chanteur s’est permis d’osciller de manière soutenue entre les deux grilles posées au sol, mais on retiendra surtout le clavieriste qui entre deux headbangs et série de petits sauts s’est retrouvé debout sur sa structure pour hurler les paroles de “Photosphere”.
Le show de Crossfaith a été pensé au millimètre près. Chaque mouvement, bien qu’il soit exécuté avec naturel, semble répété pour s’accorder au lightshow et à la musique puissante crachée par les enceintes. La setlist, aussi organique qu’elle soit, révèle un sens du détail tout aussi incroyable. Evidemment, EX_MACHINA est largement mis en avant, mais ses titres sont parfaitement intégrés au reste, à tel point qu’ils semblent déjà faire parti des classiques du groupe.
C’est ainsi que Crossfaith nous propose un parfait florilège de leurs compositions, formant un ensemble shooté tantôt aux stéroïdes, tantôt à la cocaïne. Certains morceaux ont un effet radical sur le public, notamment “Monolith” qui vient porter le réel coup de grâce de la soirée et clore ce troisième concert très court mais hyper intense. On regrettera toutefois l’absence de leur reprise d’”Omen” de The Prodigy ou du très classique “Leviathan”.
Crossfaith a retourné La Laiterie et n’ont laissé au public d’autre option que de s’adonner aux mosh-pits, circle-pits, wall of death ou, pour les plus timides, au headbeang. Toute la salle s’est sentie concernée par la rage exposée sur scène et tout l’auditoire a su répondre présent à la déferlante de Crossfaith. C’est maintenant chose certaine, la formation nippone sait faire rentrer ses performances dans les annales.
Setlist:
Deus Ex Machina
Catastrophe
Destroy
Freedom (SE)
Jägerbomb
Countdown to Hell
Wildfire (SE)
Make a Move
Inside Remix 1 drop
Inside the Flames
Photosphere
SE (MC)
Daybreak
Encore:
Into the Nightmare
The Perfect Nightmare
Monolith
Photos : © Valentin Laurent (Hysteria) 2018
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