Vendredi 21 Juin 2019 - Altar - 19h40
Kvelertak
L'Altar en fête !
Kvelertak fait partie de ces rares privilégiés dont nous sommes tous tombés amoureux au premier concert, au premier album. Alors, on peut bien les programmer sur toutes les scènes du Hellfest, avant ou après quiconque et à n’importe quelle heure, le public est là. Vous savez ce que ça veut dire mémorable ? Eh bien là, mémorable !
Les musiciens prennent position, le visage fermé et dans un recueillement incongru laissant deviner l’état de tension interne à l’heure des présentations du nouveau chanteur au fidèle public de Clisson. Il est vrai qu’on est soi-même un peu anxieux. Le troisième album Nattesferd a rencontré moins de succès que les deux premiers et le passage du groupe sur la Warzone en 2016 était sans commune mesure avec le délire dantesque au Hellfest 2014.
Mais assez parlé, la batterie de Kjetil Gjermundrød tabasse et nous propulse directement dans l’ambiance quand "Åpenbaring" fait décoller l’assemblée sans autre forme de mise en scène, et Axl Rose … pardon ! Ivar Nikolaisen déboule sur scène dans une dégaine punk-déglingo qui met les pendules à l’heure tout de suite en levant son verre sans un mot, semblant dire : je suis le chanteur de Kvelertak, si quelqu’un a quelque chose à dire, qu’il se taise à jamais. Cheers !
Encore une fois, ça joue très fort. Sans être au point de l’horrible sensation de bouillie qu’on a subie en octobre 2017 en première partie de Metallica, les trois guitares souvent peu différenciées souffrent quand le volume est poussé trop loin et malgré une attention accrue il est difficile de distinguer clairement les riffs jouissifs de la machine à tubes. Qu’importe, aucune entrave ne peut venir à bout de la liesse qui se répand au-delà de l’Altar et le public chante à fond, le public de rêve quoi. Le chanteur a investi la scène et tient les spectateurs en haleine. "We are Kvelertak from Norway", s’écrie-t-il en invitant la foule à frapper dans ses mains, allant même jusqu’à s’offrir un slam en guise de bizutage. Difficile de savoir à cette heure si son attitude relève de la tentative de maitriser son anxiété ou non. Car si c’est non, alors nous sommes en face d’un véritable frontman qui va faire parler de lui. Soyons honnête, l’apport vocal n’est pas flagrant, le chant est même parfois un peu monocorde, mais l’apport énergétique lui est patent. On est bien dans ce qui fait l’identité de Kvelertak, c’est sur-vitaminé, et malgré le mauvais son, ça déboite.
Mauvais son dites-vous ? Eh bien plus de son du tout pendant "Nekroskop". La batterie se rebelle et fera grève tant que les ingénieurs du son n’auront pas mis la main sur les adaptateurs français ! Oh non pitié, ne nous faites-pas revivre ce long moment de frustration quand le son s’est arrêté sur "Live It Up" pendant le concert de Airbourne au Hellfest 2017. Le soufflé retombe et paradoxalement la nervosité aussi. Ça tarde à reprendre mais cela finit par repartir avec un circle pit sur "Berserkr" et, oh miracle, le son est enfin au rendez-vous.
Kvelertak c’est de la musique à vivre et non à décortiquer. Preuve en est, le nom du groupe libre d’interprétation (prononcer Kèlertak), jusqu’aux titres imprononçables et aux textes farfelus que même les Norvégiens peinent à déchiffrer. Musicalement, il en va de même, plus vous essayerez de poser une étiquette et plus Kvelertak va ajouter des références de tous bords que le groupe sait marier à la perfection pour obtenir cet élixir, ce noyau en fusion pour vous atomiser dans l’instant. C’est dire si l’on ne s’embarrasse d’aucune forme de contrainte et toute tentative de stigmatisation est désintégrée pour laisser libre court au rock'n'roll baroque des trublions nordiques.
Mais arrêtons-nous tout de même un instant sur nos trois guitaristes : Vidar Landa, Bjarte Lund Rolland et Maciek Ofstad. C'est quand même osé de signer une musique pareille avec trois guitares et d'ailleurs ils en ont déjà fait les frais. Il faut aimer se compliquer la vie à moins que ces trois là ne se concoivent qu'ensemble. Maciek Ofstad vient plus que jamais en support de la voix et même Bjarte Lund Rolland s’y met. Aujourd’hui le trio se pose en garant de la bonne marche du concert et tente de rester sobre. Pas très longtemps ceci-dit, les trois frères du black-thrash qui swingue ne peuvent eux-mêmes résister bien longtemps à la frénésie qui dévale sur la foule, sortie de leurs propres veines.
Bien qu’ils commencent, déjà, à prendre de la bouteille, l’envie est intacte et Marvin Nygaard retrouve ses dix ans sur "Blodtørst". "Blodtørst, mon amour, je t’aime à la folie, tu me fais rire, pleurer, crier, sauter, chanter, j’étends les bras au ciel et je crie avec toi, mon vieux frère punk : j’ai quinze ans !". "Mjød" merveilleux, magique, tout le monde chante "Odin ga oss …" et l’on enchaîne direct avec "Månelyst". Le concert se termine par "Kvelertak", le pari est gagné pour Ivar Nikolaisen qui, fidèle à la tradition, porte haut avec fierté l’incontournable drapeau géant du groupe. Tous les membres du groupe sourient, heureux, c’était réglé à la perfection, tout est allé crescendo, c’était la magnifique fête du rock'n'roll. Merci.
A noter l’excellente qualité du concert filmé par Arte, qui mieux que n’importe quel long discours vous permettra de ressentir encore l’onde d’excitation collective que nous procure Kvelertak à chaque concert. Si vous étiez à La Maroquinerie en novembre 2016, vous savez ce que foutre le feu veut dire.
Setlist :
Åpenbaring
Bruane Brenn
Nekroskop
Berserkr
1985
Evig Vandrar
Fossegrim
Offernatt
Blodtørst
Mjød
Månelyst
Kvelertak
Photos : © Lukas Guidet 2019
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