Samedi 22 juin, Temple, 22h55
Cradle Of Filth
Ambiance malsaine à souhait et cris de chauve-souris
Cradle Of Filth, c’est un groupe adoré et détesté, mais qui laisse peu de fans de black metal indifférents. Pour la sixième année, les Britanniques investissent la scène de la Temple, cette fois-ci en tête d’affiche de la journée du samedi, pour un show censé mettre en avant Cruelty And The Beast, sorti en 1998, album conceptuel dédié à la comtesse hongroise meurtrière Erzsébet Báthory.
Quelques instants avant le début du concert, la scène de la Temple est assez pleine, même s’il est encore possible de se faufiler à l’intérieur pour admirer de plus près le backdrop de Cryptoriana – The Seductiveness of Decay, le dernier album de Cradle Of Filth. Le noir se fait au son de l’intro enregistrée « Once Upon Atrocity », qui ouvre Cruelty And The Beast, avant de céder la place à des lumières vertes du plus bel effet malsain, tandis que le groupe encapuchonné pénètre sur scène.
Le sextette balance à la face du public son black metal légèrement symphonique mais agressif à souhait avec « Thirteen Autumns as a Widow », la seconde piste de Cruelty And The Beast. Et d’emblée, nous sommes confrontés à l’un des principaux problèmes de Cradle Of Filth pour ses détracteurs : la voix de Dani Filth. Daniel Lloyd Davey de son vrai nom a évidemment ses adeptes, mais pour certains, son chant suraigu crié est particulièrement pénible et ses hurlements évoquent parfois une chauve-souris qu’on égorge. En dépit de leur aspect facilement insupportable, il faut reconnaître que ces vocalises représentent une certaine performance.
D’ailleurs, dès ce premier titre, plusieurs dizaines de spectateurs quittent la tente, certains nous confiant qu’ils n’ont pas résisté aux couinements suraigus du vocaliste. Parmi ceux qui restent, très nombreux sont ceux qui apprécient intensément le show, notamment dans les premiers rangs, mais on remarque aussi beaucoup de spectateurs peut-être venus pour découvrir et qui sont au final assez dissipés et bavards.
Et c’est dommage, car si l’on excepte la voix de Filth, loin de faire consensus, l’ensemble est bon musicalement. Le groupe plonge le public dans ses ambiances sombres et malsaines, mais si les trois premiers morceaux sont tous issus de son album emblématique, le combo le délaisse ensuite pour explorer le reste de sa discographie, se concentrant sur la première partie de sa carrière, de The Principle Of Evil Made Flesh sorti en 1994 à Nymphetamine de 2004, à l’exception d’un titre, « Heartbreak and Seance », issu de l'album de 2017 Cryptoriana : The Seductiveness Of Decay.
Les six musiciens sont parfois rejoints par deux danseuses qui provoquent des étincelles avec des meuleuses, ce qui est assez distrayant. Les lumières, très travaillées, rendent justice à l’ambiance particulière de la musique du groupe, avec une prédominance de tons bleus et verts cauchemardesques, et des incursions ponctuelles dans des jaunes et des rouges plus frontalement agressifs.
Dans son armure en cuir, Dani Filth, souvent juché sur des praticables, alterne ses cris écorchés avec des passages plus audibles de chant éraillé presque clair ou de growl. Les guitaristes 'Ashok' (Marek Šmerda) et Richard Shaw, souvent perché sur les promontoires, enchainent leurs riffs maléfiques, et le groupe assène sa musique malveillante et pourtant hypnotique sans coup férir. Les guitares et la basse de Daniel Firth sont parfois un maelström de sons bruyants difficilement identifiables, mais sonnent aussi à d'autres moments comme une cavalcade échevelée menée par la batterie de 'Marthus' (Martin Škaroupka), quand elles ne s’orientent pas vers des passages plus oniriques.
La claviériste Lindsay Schoolcraft, qui a des airs de grande prêtresse du mal, parvient à faire entendre ses lignes au milieu du déluge de guitares, et elle se fait aussi remarquer par son chant clair un peu angoissant, mais hélas souvent trop en retrait. Sa voix s’aventure parfois vers des sonorités saturées se fait tour à tour lyrique et démoniaque.
On repère un ou deux slams, un peu incongrus sur la musique des Britanniques, et même deux hommes qui se mettent à danser sur un moment plus calme et planant, peut-être possédés par les esprits invoqués par Cradle Of Filth. Le groupe obtient une ovation à la fin de sa prestation, preuve que même s’il divise, il peut compter sur des adeptes et sait convertir les profanes.
Setlist
• Once Upon Atrocity
• Thirteen Autumns and a Widow
• Cruelty Brought Thee Orchids
• Beneath the Howling Stars
• Malice Through the Looking Glass
• Heartbreak and Seance
• Summer Dying Fast
• Nymphetamine (Fix)
• Saffron's Curse
• Her Ghost in the Fog
Photo : Valentin Laurent. Reproduction interdite sans autorisation du photographe