Batushka (+ Malevolent Creation + Konkhra) – La Machine (Paris) – 02.03.20


Noirceur et agression au programme ce soir à la Machine du Moulin Rouge, avec un plateau, présenté par Garmonboziapour le moins surprenant : deux premières parties death metal, Konkhra (Danemark) et Malevolent Creation (Etats-Unis), accompagnent le groupe polonais de black metal othodoxe Batushka (Батюшка). Il s'agit plus précisément de la formation menée par Krzysztof Drabikowski, membre fondateur du Batushka d'origine, faisant cavalier seul depuis l'implosion du groupe en décembre 2018. 

 

Konkhra
 

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Konkhra, quatuor danois chargé d'ouvrir les hostilités, propose un death metal extrême et fiévreux. Si d'un point de vue vestimentaire, les quatre musiciens en bermudas et treillis militaires n'ont a priori pas grand chose à voir avec l'esthétique travaillée de la tête d'affiche, ils envoient pourtant du très lourd : violence, précision, shredding agressif et growls ravageurs sont au programme.

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Le batteur Johnny Nielsen, maître de la double pédale, est impressionnant. Les riffs meurtriers s'enchaînent, quant au vocaliste Anders Lundemark, il maîtrise guitare et growl magistral sans sourciller.

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Les compositions de Konkhra sont variées et ultra rythmées. Certains morceaux présentent d'habiles changements de tempo, pour un effet groovy irrésistible, d'autres tutoient le thrash ou le hardcore. Sur scène, les musiciens sont très expressifs et dynamiques. L'énergique bassiste Martin Patterson, en tshirt "Elton John", court sans cesse d'un côté à l'autre de la scène en assénant de furieuses lignes rythmiques. Son growl viendra soutenir le vocaliste sur de nombreux titres, et il se charge de la plupart des échanges avec le public.

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L'allure décontractée des musiciens ne trompe personne : la technicité et la précision de Konkhra est impressionnante, notamment sur les rifffs de guitare et les soli magistraux réalisés par Hakim Makiesen.

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Lee Wollenschlaeger, le chanteur de Malevolent Creation, vient poser des cris gutturaux sur le très brutal "Bablylon" qui sera suivi de "Toth", morceau solennel aux influences doom, limite black, issu de le récent septième album de KonkhraThe Alpha and the Omega, dont l'artwork très esthétique orne le fond de la scène.


Konkhra a livré un premier set de qualité, tout en talent et en brutalité, et même si un certain manque d'énergie se fait sentir dans le parterre de la Machine, ce sont des applausissements chaleureux qui viennent saluer les Danois lors de leur départ.  

Setlist Konkhra

- Floodgates
- Warmonger
- Alpha and the Omega
- Parasite
- Eye of Horus
- Heavensent
- Spit or Swallow
- Babylon
- Thoth
- Religion is a Whore
- Facelift 

Malevolent Creation

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En entendant le gros double blast de l'entame du concert, on se rend compte que le son est monté d'un cran pour ces légendes du death US qui viennent ce soir présenter leur treizième album, le bien-nommé The 13th Beast. Le son de Malevolent Creation est massif, et cette déferlante d'ultra violence et de lourdeur vient s'abattre sur le parterre de la Machine qui s'est bien rempli, pour un effet apocalyptique très à propos. 


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Le chanteur Lee Wollenschlaeger, à la stature imposante, reste statique, solidement campé devant le micro, la flying V calée sur la jambe. Il envoie du très lourd vocalement avec un growl d'outre-tombe puissant. Si la prestation de Malevolent Creation est vraiment solide au niveau musical, on reste un peu frustré de l'immobilité des musiciens et du manque d'échange avec le public. 


Le guitariste Phil Fasciana, seul membre d'origine restant après les nombreux changements de line-up, reste en retrait, très concentré. Il passe une bonne partie du set à enchaîner les parties très techniques à la guitare, mais en n'accordant que très peu de regards au public ou à ses camarades sur scène.  


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Pour la deuxième fois de la soirée, une mention spéciale est à décerner pour l'excellente prestation à la batterie. Le phénoménal Ron Parmer fait gronder la salle par un blast beat permanent, délivrant même un solo endiablé. 

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Un death sombre, des thématiques assassines, et un jeu solide, technique, et surtout très rapide caractérisent le set. Le tempo s'accélère dangereusement avec "The Will to Kill", et il faut se rendre à l'évidence : le public dans la fosse ce soir n'est pas tout à fait un public de death. Le morceau est redoutable, et là où l'on attendrait un moshpit généralisé, on ne voit qu'un petit groupe de motivés se lancer dans un pogo. 

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Du pur death metal violent et malsain résonne, des titres anciens comme le meutrier "Manic Demise" alternent avec d'autres plus récents, à l'instar du martial "Release the Soul". La setlist est plutôt cohérente, même si de nombreux morceaux semblent construits sur le même schéma. 

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On retiendra un petit instant cocasse en fin de set, quand Lee introduit "Eve of the Apocalypse" et prévient le public qu'il aimerait un circle pit sur ce morceau : les bonnes âmes de la Machine partent en course circulaire bien trop tôt, lors de l'intro lente aux claviers enregistrés, sans attendre le déclenchement des parties rapides de la chanson.

Ce mauvais timing sans gravité a au moins eu comme effet de dérider l'ensemble des membres de Malevolent Creation, pris d'un fou rire, et de casser un peu le côté répétitif du set, qualitativement bien exécuté mais manquant tout de même de variation.


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Setlist Malevolent Creation

- Infernal Desire
- Living in Fear
- Blood of the Fallen
- Manic Demise
- Release the Soul
- Mandatory Butchery
- Alliance or War
- Slaughterhouse
- The Will to Kill
- Eve of the Apocalypse
- Coronation of Our Domain

 

Батюшка - by Krzysztof Drabikowski

 

Le grand retour de Ð‘атюшка, mais lequel ? Deux groupes du même nom ont émergé après un différend opposant les deux membres principaux de la formation polonaise de black orthodoxe. Un divorce douloureux et loin d'être terminé sur le plan légal, mais qu'importe.

Le guitariste et compositeur de Ð‘атюшкаKrzysztof Drabikowski, évincé par son ancien vocaliste, a entamé seul un travail de création et d'écriture et a sorti un nouvel opus en mai 2019, Panihida (Панихида), qui succède au très acclamé Litourgiya (2015). Cette nouvelle formation sera-t-elle à la hauteur des attentes du public ? 

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Батюшка, ou l'art de mettre dans l'ambiance trente minutes avant d'arriver sur scène... L'installation lente et déjà cérémonielle de mobilier liturgique, d'un cercueil, d'icônes, d'innombrables cierges ainsi que d'un large backdrop représentant un cimetière abandonné, plongent la Machine dans une ambiance rituelle des plus solennelles.

Une légère inquiétude pointe sur la capacité de la petite scène à accueillir les sept membres du collectif, mais nous voici rassurés à l'arrivée des artistes, encapuchonnés et pieds nus, sur le lent chant mystique "We Bow Down Before Your Cross". La batterie est surélevée, le bassiste et un guitariste se placent à l'arrière, tandis que trois vocalistes et le maître de cérémonie occupent le devant de la scène plongée dans la pénombre, baignée de lumières rouges et de fumée d'encens. Petite déception, les cierges ne seront pas allumés ce soir, probablement pour des raisons de sécurité. 

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Le collectif se lance dans le premier titre du nouvel album de KrzysztofПанихида, et d'emblée une bonne partie des doutes sont levés sur le respect des compositions, de l'imagerie et de l'identité de Ð‘атюшка. Les morceaux se révèlent terriblement efficaces. Du rituel funèbre à l'incantation de forces supérieures, un voyage nous est proposé avec ces huit chants funèbres, redoutables, bien construits, intenses et puissants. La touche Krys est indéniable. 

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D'intenses attaques très black marquent les premiers titres, avec ce double blast ravageur et cette rapidité d'éxécution magistrale contrastant avec l'attitude solennelle des hommes sans visage alignés sur la scène. Le mix est très bon, les riffs et la ligne de basse sont très clairs, les passages harmonieux à la guitare sont maîtrisés et évocateurs.

Le public est comme pétrifié, à la fois respectueux et stupéfait de cette vague de noirceur lancée de façon si théâtrale. Les sceptiques semblent s'être convertis en fidèles, et lors de l'enchaînement magistral "Pesn'5" et "Pesn'6", morceaux solennels, lourds et hypnotiques, nombreux sont ceux dans la fosse qui paraissent en transe.

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Le chanteur / screameur principal, est extrêmement inspiré, et expressif, bien qu'anonyme. Sa prestation est excellente, dans le chant très solennel "Pesn'3", les borborygmes de "Pesn'4", ou l'incantation furieuse de "Pesn'8" par exemple. Très charismatique, il semble prêcher et s'autorise quelques gestes rituels. 

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La légère déception de la soirée, même si le concert offert par Батюшка est de haute volée, vient des extrémités de la scène, c'est-à-dire des chœurs. L'ambiance est bien monastique avec la présence des deux choristes, également sans visage, assurant les harmonies des chants comparables à des prières. Toutefois, on peine à les entendre, et une réverbération exagérée se révèle bien audible à l'occasion de quelques passages minimalistes. Lâché par ses précédents collaborateurs, Krys aurait-il eu du mal à recruter des vocalistes spécialisés en chant grégorien ?  

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L'immobilité et la solennité hypnotise, dérange, impressionne. Le cercueil entrouvert s'illumine de rouge pour la fin du concert magistrale, avec l'ultime titre de ÐŸÐ°Ð½Ð¸Ñ…ида évoquant l'au-delà avec fracas. S'ensuivent quelques notes qui font hurler le public d'excitation en reconnaissant l'intro de "Yekteniya I", issu de l'excellent premier opus de Батюшка, Litourgiya

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C'est donc un final monstrueux, théâtral et puissant, que Krys offre aux fans qui semblent ravis. À peine plus d'une heure et le groupe, sous une ovation de la Machine, quitte la scène lentement, sans avoir dit un seul mot. Tout le groupe ? Non. Un certain guitariste reste de longues minutes sur le devant de la scène, remerciant le public par des gestes chaleureux et des offrandes de cierges.

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Faisons un bilan objectif de la soirée, sans se mêler des affaires juridiques en cours : à en juger le concert, l'âme de Батюшка semblait bien là ce soir à la Machine. Le(s?) Polonais ont livré aux fans un set théâtral et puissant, un peu court mais très bien exécuté, tout en faisant découvrir un album solide et efficace sur scène. Que demander de plus ?  

Setlist - Ð‘атюшка

(Entrée sur scène) Piste : We Bow Dow Before Your Cross

- Pesn' 1
- Pesn' 2
- Pesn' 3
- Pesn' 4
- Pesn' 5
- Pesn' 6
- Pesn' 7
- Pesn' 8
- Yekteniya I : Ochischchenye

(Sortie de scène) Piste : We Bow Down Before Your Cross

Photographies : ©Arnaud Dionisio 2020. Toute reproduction interdite sans l'autorisation du photographe. 

Galerie photo - Ð‘атюшка

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Photographies : ©Arnaud Dionisio 2020. Toute reproduction interdite sans l'autorisation du photographe. 



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