Quelques mois après leur passage au Zenith de Paris puis à Lille, les américains de Dream Theater viennent poser leurs valises une nouvelle fois dans la capitale. En raison d’une setlist figée depuis le début de la tournée, l’intérêt principal de ce concert réside dans le côté intimiste de la salle, puisque le groupe est abonné depuis déjà plus de 10 ans au Zenith à chaque passage parisien. Ce soir, la salle est pleine et l’enseigne aux néons rouges illumine le trottoir du boulevard des Capucines, indiquant « An Evening with Dream Theater ». Tout est là, ce soir pas de première partie, le Théâtre de Rêve offre pas moins de trois heures de concert à ses fans pour promouvoir leur album éponyme sorti l’année dernière.
Une fois dans la salle, un grand drap cache la scène. Lorsque les premières notes de "False Awakening Suite" retentissent, celui-ci sert à projeter des animations retraçant l’ensemble des pochettes de la discographie désormais importante de Dream Theater. A l’applaudimètre, ce sont celles de Images & Words et de Scenes from a Memory qui suscitent le plus de réactions. Une fois cette rétrospective achevée, le rideau tombe et le riff de "The Enemy Inside" retentit.
Comme à leur habitude, les membres du groupe sont statiques, John Petrucci est positionné sur le côté droit de la scène, John Myung à gauche et Jordan Rudess en retrait derrière le bassiste. Le son beaucoup trop fort empêche de bien profiter du morceau, puisque la frappe de Mike Mangini écrase les autres musiciens dans le mix. Quant au chanteur, James Labrie, il est noyé dans la réverb, ce qui n’empêche cependant pas le public de s’apercevoir qu’il est dans un bon jour. En effet, James LaBrie sera juste sur la majeur partie des titres, sa voix montrant des signes de faiblesse uniquement sur les parties les plus aigües de "Illumination Theory" en fin de concert.
Il tentera d’ailleurs à plusieurs reprises de réveiller le public, toujours statique, notamment les spectateurs en mezzanine, en jouant avec son pied de micro et en bougeant de droite à gauche sur la petite scène de l’Olympia. Sur un des titres, il s'empare même d'un masque de renard et le coiffe (il s'agit du même masque que ceux aperçus dans le public aux concerts parisiens de Transatlantic, Haken ou encore Crimson ProjeKCt), rappelant ainsi Peter Gabriel sur la pochette du Foxtrot de Genesis.
Comme en Janvier dernier au Zenith, le groupe projette des animations sur l’écran positionné derrière l’impressionnant kit de batterie de Mike Mangini. Le groupe enchaine avec "The Shattered Fortress", titre lié à l’ancien batteur du groupe Mike Portnoy et résumant la suite entamée en 2002 avec "The Glass Prison", traitant de la dépendance de l’ancien leader à l’alcool. Malgré l’étrangeté d’un tel choix, les musiciens sont, comme à leur habitude, impériaux.
John Petrucci est toujours impressionnant de maîtrise, aussi bien en solo qu’en rythmique, tout comme John Myung dont les doigts bougent à vitesse grand V sur son manche de basse. Jordan Rudess lui est beaucoup plus sobre dans ses interventions que lors des récentes tournées du groupe, n’utilisant son Zen Riffer (clavier portable) qu’avec parcimonie. Le premier set met l’accent sur la carrière récente du groupe, à de rares exceptions, alternant ainsi l’excellent ("Trial of Tears", "Breaking all Illusions") et le moins bon ("On the Backs of Angels", "Enigma Machine"). On s’interroge notamment sur la pertinence de rejouer "On the Backs of Angels", pratiquement interprété à chaque concert depuis l’intégration de Mike Mangini, tout comme de l’utilité de placer un solo de batterie en plein milieu d’"Enigma Machine". De plus, la frappe du batteur semble manquer de dynamique, ce qui apporte de l’eau au moulin de ses détracteurs et des adeptes de son prédécesseur.
"Along for the Ride" n’est pas la meilleure ballade composée par Dream Theater et, si elle donne son nom à la tournée, fait clairement tâche au milieu de la setlist.
Mais s’il y a bien un titre qui met tout le monde d’accord, c’est "Trial of Tears". L’ombre d’un Pink Floyd, sa montée en puissance parfaitement interprétée, un James Labrie qui fait preuve de grande classe et un John Myung habité sur ce titre le place encore une fois comme l’un des meilleurs de la discographie de Dream Theater. Sur "Breaking All Illusions", John Petrucci fait preuve également d’un grand feeling lors de son solo de guitare, lui qui a souvent été critiqué pour sa technique trop poussée au détriment de la musicalité. Ce morceau permet de conclure en beauté un premier set malheureusement mitigé, non pas au niveau de l’interprétation, mais au niveau du choix des titres.
Après une courte pause, les américains reviennent pour le plat de résistance, à savoir la fin de Awake jouée ici en vue de célébrer le vingtième anniversaire de sa sortie. L’ambiance froide de cet album est recréée à la perfection. James Labrie est excellent sur les titres rares que sont "Lifting Shadows of a Dream" ou "Scarred". Sur ce dernier titre, c’est John Myung qui s’illustre sur l’introduction, lui qui est tout de même sous mixé par rapport à la guitare de John Petrucci. Le groove du morceau nous fait penser que c’est peut être cet aspect qu’il manque désormais dans les nouvelles compositions du quintet. Tout comme lors du concert au Zenith de Paris, le groupe choisi de jouer "Space Dye Vest", jamais interprété avant cette tournée, car trop liée à Kevin Moore l’ancien claviériste du groupe. L’interprétation de ce titre est ici très bonne. On a souvent reproché au groupe de ne pas prendre de risque, mais c'est bien ce qu'ils tentent ici, à travers une réinterprétation différente de la version studio, incluant un solo de guitare en conclusion. Ce choix ne plaira peut être pas aux puristes, mais il a au moins le mérite d’exister. Ce deuxième set se termine sur "Illumination Theory", nouvel epic du groupe, malheureusement plombée par un long passage orchestral sur bande en plein milieu, qui coupe totalement la dynamique du concert. Ce morceau est d’ailleurs le seul sur lequel James Labrie donne des signes de faiblesse vocale (il faut dire qu’il chante depuis plus de 2h et que ses parties sont relativement hautes).
Les américains prennent congé du public après ce morceau pour mieux revenir avec un rappel faisant la part belle à Scenes From a Memory, le chef d’œuvre de Dream Theater. Si le public était resté jusque là passif (le public prog n’est pas réputé pour bouger tant que ça, hormis la tête de temps en temps), c’est carrément l’explosion dans la fosse, tout comme en mezzanine où les spectateurs se lèvent sur "Strange Déjà Vu" et son pont qui contient l’un des riffs les plus groovy de Dream Theater.
"Finally Free" achève le concert de trois heures. Ce titre, l’un des meilleurs de la discographie du groupe est un excellent choix pour achever ce concert. Malheureusement, le final composé d'un solo de batterie est trop modifié par Mike Mangini qui ne parvient pas à trouver la subtilité de son prédécesseur et utilise les doubles pédales pour un résultat manquant de finesse.
Au final, ce concert a alterné entre le bon et le moins bon. Si les choix de setlist sont peu judicieux et ne laissent plus la place à l'improvisation, le groupe a tenté de se rapprocher de son public et a assuré une fois de plus une interprétation sans faille de ses morceaux. Les musiciens étaient visiblement heureux d'être là et de retrouver une certaine proximité avec leur public. On peut ainsi espérer que les prochaines tournées passent dans des lieux plus intimistes tels que l'Olympia, afin que Dream Theater puisse reconquérir une partie de son public, déçue par les dernières sorties studios. Si désormais le Théâtre ne fait plus autant rêver qu'avant, il lui reste tout de même de beaux jours devant lui.
Setlist :
False Awakening Suite [sur bande]
The Enemy Inside
The Shattered Fortress
On the Backs of Angels
The Looking Glass
Trial of Tears
Enigma Machine
Along for the Ride
Breaking All Illusions
The Mirror
Lie
Lifting Shadows Off a Dream
Scarred
Space-Dye Vest
Illumination Theory
Rappel :
Overture 1928
Strange Déjà Vu
The Dance of Eternity
Finally Free
Photos : Arnaud Dionisio / © 2014 http://anantaphoto.deviantart.com/
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Un grand merci à Nidhal Marzouk.