"Three Piece Suit", titre rentré depuis bien longtemps au Panthéon du reggae qui a fait et fait encore les beaux jours de nombreux sound systems. Posé sur le "I’m Still In Love With You riddim" d’Alton Ellis, qu’il avait écrit pour Marcia Aitken, ce titre toasté par Trinity est en fait une réponse au tube "Upton Top Rankin" du duo Althea & Donna où, là où elles parlent de talons, lui parle d’un costume 3 pièces.
Malheureusement, Trinity vient de de quitter le monde du reggae ce 9 avril 2021, trop tôt à l'âge de 67 ans. Trinity a marqué plusieurs générations de deejays, prenant le même chemin que celui qui les inspirait et était déjà dans la place quelques années auparavant, le grand et malheureusement aussi disparu récemment, U-Roy.
Retour sur ce grand artiste : né Wade Brammer en 1954 à Kingston, Trinity passe ses jeunes années à la fameuse Alpha Boys School d’où est sorti le fleuron des musiciens de l’ïle dont la majorité des Skatalites, mais aussi des chanteurs et DJs comme Yellowman, Smart Smart ou encore Leroy "Horsemouth" pour n’en citer qu’une infime partie.
Très vite, il sait que la musique fera partie intégrante de sa vie et a pour modèle U-Roy, mais surtout Big Youth avec des titres plus conscients.
Prenant le nom de scène de Prince Glen à ses débuts, et sous l’influence de Jo Jo Hookim, du célèbre Channel One, il change très vite pour celui de Trinity, du nom d’un héros de western. Les Jamaïcains étant grands amoureux de ce genre de film, tout comme les policiers et arts martiaux, bons nombres de DJs ont pris des noms relatifs au grand écran, comme Clint Eastwood (qui est le petit frère de Trinity), mais aussi Lone Ranger, Lee Van Cleef, Dirty Harry, Kojak, Bruce Lee …
Trinity est souvent avec son ami et autre grand DJ de l’époque, Dillinger. C’est d’ailleurs ce dernier qui l’emmènera au Channel One, d’où sa carrière commencera réellement.
Il a su s’imposer dans les années 70 comme un DJ innovateur et a signé avec les plus grands producteurs tels King Jammy, Yabby You, Bunny Gemini, Alvin GG Ranglin, Niney the Observer, et Joe Gibbs et avec qui il signera le fameux "Three Pieces Suit" mais aussi des titres plus conscients comme "Lively Tribulations' (sur le 'Heptones gonna fight' riddim) ou encore "Judgement time' (sur le "Loving pauper' riddim).
Populaire, de nombeux chanteurs ou DJs partageront alors des titres avec lui, à commencer par son fidèle ami Dillinger sur le très puissant "So long rastafari", "Jesus Dread "(le surnom de Yabby You qui a d’ailleurs produit ce morceau), "Bump Skank", "Cricket lovely cricket", et le très curieux "Starsky & Hutch", du nom d’une série policière populaire des années 70.
Parmi les autres duos remarqués, on peut distinguer "My time" et "My number one" avec Gregory Isaacs, 'Funny felling' avec Dennis Brown, ''Jah vengeance' avec Yabby U, le recut 'Nanny goat' avec Larry Marshall ou le très bon 'Money Worries 'avec Delroy Wilson.
Il a même partagé tout un album, hautement recommandé avec les Mighty Diamonds, où le toast du DJ tranche avec les voix de Tabby, Judge et Bunny.
Artiste doué, il prenait aussi le nom de Junior Brammer quand il chantait, et a sorti 2 albums Hold your Corner et Telephone line qui prouve qu’un DJ peut aussi être aussi un chanteur à part entière.
A l’aise sur des riddims historiques comme sur des riddims plus originaux, il savait osciller entre textes légers (mais avec un très beau sens de l’humour) et textes conscients et il a su traverser les décennies pour enregistrer encore récemment. Il était très apprécié au delà des frontières jamaicaines. En France il avait noué des liens très forts avec le label Irie Ites pour lequel il avait signé l’album Eye to Eyes en 2013.
Il a lui-même produit quelques chansons et son dernier album, Trinity And Friends, dont la sortie en France est prévue prochainement. Une fois de plus, un album qui sera chargé en émotion.
Il nous laisse un héritage de quelques 30 albums et une centaine de singles. Nous adressons nos sincères condoléances à sa famille, ses enfants et petits-enfants et son frère Clint Eastwood.
« Trinity is my name » comme il le chantait sur un titre produit par Tapper Zuckie. Ne l’oublions pas. RIP
Article coécrit avec Catherine ’Mag-Mamatte’.
Photos Garance 2014 avec l’aimable autorisation de Bruno Cresto.