Ginjah est un jeune artiste peu connu, dont on n’a malheureusement pas beaucoup entendu parler. Et c’est bien dommage car Ginjah est réellement bluffant et bourré de talent. Talent qui, paradoxalement le dessert à l’instar de Tarrus Riley à ses débuts à qui l’on a souvent reproché d’avoir un chant trop « propre » , trop « juste », trop « lisse » et quelque part pas assez tough, pas assez réaliste (notamment avec très peu d’utilisation de patois jamaïquain au profit d’un anglais très limpide).
De plus Ginjah a des envies musicales qui l’amènent assez facilement à braconner sur les terres de la Pop, du Rock (ou du Pop-Rock) ou encore du HipHop. Autant pour ce dernier cross-over (Reggae x HipHop), pas de problème, autant pour les 2 premiers, c’est plus compliqué auprès d’un certain public qui n’est pas vraiment enclin à l’ouverture d’esprit et qui du coup a joyeusement critiqué ces choix. Mais ça j’y reviendrais un peu plus loin dans la chronique de Urge to Love.
Vous me direz, « oulaa ça commence pas vraiment super bien cette chronique !... » mais détrompez-vous ! Ce dernier opus de Ginjah est des plus sympathiques et selon moi une vraie réussite, passée bien trop inaperçue !
Ancien membre du célèbre label Harmony House de Beres Hammond qui l'a découvert en 1999, Ginjah a par la suite fondé son propre label I Land Music en 2004. En 2008, ses singles « Music alone » et « Never lost my way » sur le Rub a Dub riddim lui ont offert une vraie exposition et une certaine reconnaissance du public. On les retrouvera en 2010 sur son premier album, Never lost my way.
Ginjah est originaire de la Jamaïque, de Hanover pour être plus précis et à grandit dans les paroisses de St James puis de Ste Catherine. Sa première audition, il l’a faite alors qu’il n’a qu’une dizaine d’années, au King Jammy’s Studio avec son titre « Ink Out of a Pen » qui sortira en single mais sans grand succès. Il fera ses armes au sein du Sugar Minott’s Youthman Production puis rentrera en contact avec le label de Beres Hammond : Harmony House, où il va réellement commencer à exprimer son talent.
Il sort un 1er titre « War Inna Di City » qui marche immédiatement en Jamaïque, aux US et en Europe. Ginjah va enchainer les singles jusqu’à sortir son premier album (qui compilera pas mal de ses 1ers singles) en 2010.
Cette année, 4 ans après, il nous propose Urge To Love, qui vous vous en doutez va surtout parler de Love quoi ! Vous l’aurez surement aussi remarqué dans la vidéo juste au-dessus, Ginjah a une voix dès plus intéressante. Puissante, juste, claire et très Soul. Je ne peux m’empêcher d’en faire un rapprochement avec celle de Tracy Chapman ! Une voix plutôt idéale pour son choix de faire un album orienté Reggae Lover.
Cet opus enchaine 12 titres tous très bons, avec certains qui sortent clairement du lot en bien ou en mal. Explication.
L’album démarre sur le puissant One Drop « Baby Girl (What Love Means) » accompagné d’un saxophone du plus bel effet ! Ginjah chante et utilise des gimmicks qui marchent à la perfection.
On enchaine ensuite avec « On my mind » et c’est là où ça se gâte. On a ici à faire à un titre qui n’a rien à voir avec du pur Reggae et c’est sur ce genre de titre que les détracteurs se sont lâchés… Alors comprenons-nous bien, au niveau vocal tout comme celui des lyrics, il n’y a rien à dire.
Le souci vient plutôt du riddim qui combine des éléments plutôt hétérogènes : clavier très 80’s, guitares électriques façon Portishead, avec l’intervention d’une voix supplémentaire qui vient ponctuer la chose.
Le mélange plus que surprenant donne l’impression d’avoir un titre plus R&B que Reggae. Certains iront jusqu’à dire que ce titre n’a strictement rien à faire sur cet album.
Personnellement je pense que ça fait partie de la complexité et des choix de l’artiste ; et en soit, « On My Mind » surprend, mais n’a rien d’atroce. Néanmoins, je vous laisse seul juge de ça.
Avec le titre suivant « Tell me », on revient sur un riddim Reggae One Drop roots, impeccable et ultra-efficace ! Le titre est accompagné d’un clavier (encore) mais cette fois-ci du plus bel effet. Une excellente tune bien maîtrisée !
Le second titre à faire polémique est « Sure Love ». Alors là, j’ai lu des articles qui l’on démonté en bonne et due forme ! De « On dirait du Gnarls Barkley » à « Un surprenant mélange entre Outkast et The Clash qui n’a clairement rien à faire sur un album de Reggae ! ». Dur !
Bon qu’est qu’il faut en retenir de tout cela ? Au final on a un titre super pêchu avec un chant maitrisé et qui marie guitare électrique et acoustique. Ok on est plus proche du Rock (ou Pop Rock c’est vous qui voyez) que du gros Roots des 70’s, mais je n’ai pas été scandalisé pour autant. Après une 1ère phase de (grosse) surprise, j’ai vraiment trouvé cette tune très intéressante.
En plus, elle a le mérite de ponctuer l’album avec des couleurs musicales différentes, ce qui donnent encore plus de force aux titres vraiment orientés One Drop et Roots.
Ce qui est le cas avec « Goody Too-Shoe » qui est du coup parfaitement mise en avant avec une intro comme « Sure Love » ! On l’apprécie d’autant plus qu’elle apporte de la douceur après un titre très électrique.
Le reste de l’album ne comporte plus de surprises musicales comme « On My Mind » ou « Sure Love ». On enchaine les titres tous plutôt bien pensés et construits. Mentions spéciales pour le très bon « Hurtin’ », « See Your Face », « Joker » ou encore « 4 AM » qui conclue l’album.
Le titre éponyme de cet opus, « Urge To Love » est vraiment une excellente tune que l’on se surprendra à très rapidement fredonné tout en hochant de la tête ! Rewind direct !
En conclusion, parce qu’il en faut une quand même après toutes ces émotions ^_^, Urge To Love est un album solide, équilibré avec des choix parfois audacieux mais qui ne tombent jamais dans le caricatural ou la production à la va-vite.
La thématique « Love Songs » n’est pas déconnante et ne verse pas dans le sirupeux indigeste. Après tout, le Reggae est une histoire de Peace, Love and Unity !
Ginjah est un artiste avec énormément de potentiel qui amène de la fraîcheur dans un paysage musicale qui a une petite tendance à s’uniformiser quelque peu. A suivre de près donc ! Je ne peux que vous conseillé cet album qui pour moi est la bonne surprise de 2014 !
Enjoy !