Stepart – Playground

Nous n'avons aucune excuse, nous faisons pénitence et nous confessons, à notre plus grande honte, de n'avoir parlé plus tôt de cet excellent album qu'est le Playground de Stepart, pourtant sorti le 27 janvier dernier. En effet, il était vraiment plus que temps qu'il ait enfin droit à sa chronique.

Nous sommes de grands fans de dub à La Grosse Radio, mais il est impossible de pouvoir tout recenser, surtout que les productions du genre créé par King Tubby sont innombrables mais s'uniformisent de plus en plus aujourd'hui : du stepper, du stepper, du stepper et encore du stepper ! A la longue, ça en devient carrément ennuyeux, tant l'originalité peut faire cruellement défaut. Mais il existe une touche d'espoir avec des artistes tels qu'Ackboo, Mahom, Tetra Hydro K, les surprenants Gary Clunk et Roots Zombie injustement passés sous silence malgré un EP prodigieux (voir ici), Bisou, KSD (on ne mentionne que des Français, les Anglais restent et resteront toujours les maîtres du stepper inégalés et inégalables), etc, ont compris que le dub avait grandement besoin d'être renouvelé.

Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore Stepart, il s'agit d'un producteur dub qui gravite autour de Stand High Patrol. Le crew de Pupajim, Rootystep et Mac Gyver étant l'un de ceux qui a considérablement fait muter le genre par l'entremise de son dub-a-dub (tout autant inspiré de la new wave, de la house, du hip-hop, des musiques électroniques d'une manière générale et du...jazz), on se souvient notamment de leur chef-d'œuvre A Matter of Scale, il était évident que Stepart, via son Playground, ne pouvait que proposer un dub qui sorte des sentiers battus.
La scène live française gardant encore le monopole de l'excellence et de l'innovation (voir, entre autres, à ce propos Ekphrön d'High Tone ou le Berlin de Zenzile, albums aux accents franchement expérimentaux et noisy et à travers lesquels les deux groupes sont partis explorer d'autres voies), pendant que les artistes directement confrontés au sound system optaient pour, on le répète, du stepper et encore du stepper, ce sont aujourd'hui trois entités bien définies, Stand High Records (sur lequel est d'ailleurs sorti cet EP), Brigante Records et bien évidemment Jarring Effects, qui permettent au dub d'aller de l'avant en France. Pupajim et Biga*Ranx étant passés dans le giron de Jarring Effects, le premier via le mythique "Rub a dub Anthem" avec High Tone et le second avec "What a Life" de Kaly Live Dub, leur volonté de casser les codes n'en est que plus logique. Ce Playground aurait même très bien pu sortir chez les deux autres labels précités.

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Plus qu'un opus dub, ce Playground se résume à un album d'ambient qui aurait effectué un voyage dans le temps au tournant des décennies quatre-vingt et quatre-vingt-dix. L'ambiance est vraiment vintage, voire minimaliste. On pense également aux premières productions dubstep, celles de Skream, de Burial et du label Hyperdub, alors qu'il était un genre encore underground influencé par le grime, la house, la jungle, etc... et qu'il n'avait pas encore envahi les champs du mainstream. A ce propos, le remix du "Something New" de KSD ft Marina P par Stand High Patrol (voir ici) s'inscrivait également dans cette filiation.

Dès le premier morceau, Stepart nous entraîne dans la "Jungle", cet endroit insaisissable et inquiétant, dans lequel il est tellement facile de s'égarer ; et l'on est bien obligé d'avouer que cet album est une véritable jungle musicale. Un seul track pourrait être estampillé dub ici, à savoir "Gangsta Riot", à l'esthétique stepper, et encore, le skank sort plus des claviers de l'electro 90's que des consoles des dubmakers.
De plus, ce serait aller un peu trop vite en besogne que de qualifier, "Lovin Death", le second titre, de dub. Malgré qu'un skank soit bel et bien présent, le beat est syncopé et la ligne de basse est plus bass music que dub, d'autant plus que les synthés nous renvoient à l'ambient. Plages de synthé que l'on retrouve sur le track suivant, "Groove Lost", l'un des rares dubs de Playground avec sa batterie nyabinghi, au même titre que "Desperate" et "Paddy", bien que là aussi le breakbeat avec ses rythmes syncopés au maximum n'est pas très loin, ainsi que l'electro vintage (Kraftwerk, Giorgio Moroder...) et ses plages de synthé digitales.

"Angel Dust" est, quant à lui, un trip-hop dans la lignée de Portishead, ne manquent plus que les scratches et la voix de Beth Gibbons pour donner encore plus de consistance à ce morceau. En effet, un seul chanteur est à retrouver sur Playground, et forcément, il s'agit de...Pupajim en mode rappeur sur "Non Stop", un rub-a-dub (dub-a-dub ?) chill très Brigante Records.

Les minimalistes "Nemesys" et "Afrikaa" s'inscrivent dans la tradition du dubstep balbutiant du début des années 2000 que l'on évoquait plus haut, alors qu'il tentait encore de se détacher de ses prémices, à savoir la jungle ou le UK Garage. Le sample sur "Nemesys" nous fait d'ailleurs clairement penser à du Burial et à son magnifique album de 2007, Untrue.

"Papaya" vient conclure cet album avec la trompette sweet et jazzy de Merry et dans lequel le dub et des beat plus saccadés s'entremêlent allègrement dans un savant melting-pot musical.

Si Playground n'est, a priori, pas un album de dub à part entière, Stepart a su repousser efficacement les frontières du genre créé par King Tubby pour mieux le marier à des sons beaucoup plus saccadés et abstracts. Peut-être l'un des opus les moins accessibles, mais sûrement l'un des plus aboutis de cette année.

TRACKLIST

1 – Jungle
2 – Lovin Death
3 – Groove Lost
4 – Angel Dust
5 – Gangsta Riot
6 – Desperate
7 – Non Stop - feat Pupajim
8 – Nemesys
9 – Paddy
10 – Afrikaa
11 – Papaya - feat Merry 

NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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