Les Dub Pistols font partie de cette excellente scène reggae anglaise qui, à l'instar de leurs compatriotes de Gentleman's Dub Club ou des Skints, ne se bornent pas au genre né à Kingston et injectent beaucoup d'autres influences dans leur musique. Ainsi, les Dub Pistols ont plus à voir avec les Clash, qui eux-mêmes mêlaient déjà punk et reggae, qu'avec Steel Pulse, Black Roots ou Capital Letters.
Les Dub Pistols ne sont pas un groupe de dub à part entière, cela va de soi. Même si leur son est inspiré par celui-ci, les activistes du crew londonien ont toujours développé une musique éclectique, qui se balade entre le hip-hop, la jungle, l'electro, le rock et bien évidemment le reggae. Le dernier album qu'ils ont sorti le 27 octobre chez Sunday Best Recordings et intitulé Crazy Diamonds ne déroge pas à la règle.
Comme à l'accoutumée, les Dub Pistols ont fait appel à une pléiade de feat. pour enrichir leurs morceaux, eux aussi provenant d'univers assez différents. A notre grande surprise, Rodney P, un habitué des collaborations avec le groupe, ne figure pas sur cet opus ; peu importe, les fans du MC britannique auront pu le retrouver sur Le Savoir-Faire, le dernier opus de L'Entourloop (la grosse chronique ici), autre crew qui opère un mélange entre le hip-hop et le reggae.
Non, pour ce faire, les Dub Pistols se sont entourés, parmi tant d'autres, de Too Many T's, la nouvelle signature de Banzaï Lab, label de Smokey Joe & The Kid et anciennement de L'Entourloop (tout est lié dans la musique, on ne cessera jamais de vous le répéter !), des vétérans Ragga Twins ou de Jamaïcains comme Beenie Man, Earl 16 ou Cutty Ranks (vous savez, celui qui chante sur "Rebel For Life" avec Naâman).
On vous a déjà fait part du premier single (voir ici) de Crazy Diamonds, qui se trouve être le titre éponyme, et sur lequel on entendait également Too Many T's dans un reggae/hip-hop très efficace. Les mêmes Too Many T's sont présents sur "LA LA LA" dans une ambiance similaire que le précédent titre. Ce cocktail reggae/hip-hop explosif fait également mouche sur le premier track de l'album, "London Calling" en combinaison avec MC Navigator (toute ressemblance avec le morceau des Clash ne serait que pure coïncidence) avec des cuivres efficaces.
A contrario, les autres tunes sur lesquels vient toaster MC Navigator sont d'inspiration plus electro. En témoignent "Never Never", un puissant track jungle garni de quelques cuivres (forcément !), mais aussi et surtout le surprenant "Rising" en collaboration avec Earl 16 : si le morceau commence par une intro proche d'un dub planant, il s'oriente ensuite vers une esthétique proche de Prodigy (les Dub Pistols ayant en effet toujours été marqués par cette esthétique big beat initiée par les auteurs de "Smack My Bitch Up", repensons à "Rapture" sur Speakers & Tweeters) ; on n'aurait jamais imaginé Earl 16 se poser sur ce genre d'instru, qu'à cela ne tienne, c'est le propre des Anglais, quels qu'ils soient, de faire éclater les frontières musicales.
Pour revenir à la jungle, ce sont les Ragga Twins qui interviennent sur "Man On The Road" qui nous rappelle le bon vieux temps et l'âge d'or d'un genre popularisé dans les années quatre-vingt-dix. Seanie T, sur "Boom", s'inscrit également dans cette tradition.
Penchons-nous maintenant sur les morceaux essentiellement reggae qui parleront plus à vos oreilles, chers auditeurs de La Grosse Radio Reggae. Seanie T, que l'on évoquait plus haut, prend le mic pour une combinaison mixte avec la voix suave de Lindy Layton sur le dub hypnotique "Baby I Love You", à la ligne de basse qu'on croirait tout droit sortie d'une prod de Massive Attack (quoi, encore des Anglais ???) ; à ce propos, Lindy Layton nous fait parfois penser aux voix trip-hop de Skye Edwards, Beth Gibbons ou Shara Nelson.
Quant aux Ragga Twins, à la différence de leur précédent track évoqué plus haut, ils mash up le riddim sur "Lively", un rub-a-dub somptueux à la croisée du hip-hop et du digital.
Pour finir, c'est encore Seanie T que l'on retrouve auprès de deux Jamaïcains : en premier lieu, sur le stepper "Kingdom" au côté de Cutty Ranks et, deuxièmement, sur le dancehall "Party's On" avec un Beenie Man en pleine forme.
Du dub, du dancehall, de l'electro, du hip-hop, de la jungle, et j'en passe bref encore un opus qui ne faillira pas à la réputation iconoclaste des Dub Pistols. Les morceaux sont bien produits et les feat. de qualité dans ce Crazy Diamonds. Les Dub Pistols, une fois de plus, ont dégainé leurs meilleurs atouts dans un album très réussi qui plaira à un public large.